Ces dernières années, l’enseignement des langues n’a cessé d’évoluer, en s’adaptant aux nouveaux enjeux de société. Les étudiants ne travaillent plus uniquement la grammaire ou le vocabulaire, mais accomplissent des tâches concrètes, en lien direct avec leur discipline. « Le monde professionnel évolue rapidement et nous devons les préparer à cela », souligne Natassia Schutz, directrice du Centre de langues de l’UNamur. « La mobilité internationale et l’internationalisation des carrières imposent également de s’adapter à des environnements multilingues et multiculturels. » À ces exigences s’ajoutent aussi la diversité culturelle et l’inclusion. « Ludwig Wittgenstein disait "Les limites de sa propre langue signifient celles de son monde". Connaître plusieurs langues permet de voir son environnement autrement », rappelle-t-elle. Enfin, la transition numérique transforme en profondeur les pratiques pédagogiques, avec l’intégration d’outils technologiques qui multiplient les possibilités d’entraînement et d’interaction.

Une approche interdisciplinaire

Pour répondre à ces évolutions, le Centre de langues place l’étudiant au cœur de son approche. « Nous partons de ses besoins, de son contexte et de ses objectifs. Tout doit être porteur de sens et authentique », explique Natassia Schutz. Concrètement, cela se traduit par des cours adaptés aux réalités académiques et professionnelles de chaque discipline. En Faculté des sciences, les étudiants sont initiés dès la première année à la lecture d’articles, à la rédaction et à la présentation scientifique en anglais. En Faculté Économie Management Communication sciencesPo (EMCP), ils apprennent à rédiger un CV en néerlandais et s’entraînent lors de simulations d’entretien d’embauche. « Nous allons bien au-delà des listes de vocabulaire et de la grammaire et nous utilisons la langue étrangère comme un outil pour atteindre un objectif bien précis. »

« Nous nous décrivons souvent comme des couteaux suisses : en fonction du contexte, du cours ou des étudiants, nous sortons le bon outil », explique la directrice. L’équipe réfléchit collectivement à ses axes stratégiques, mais surtout, elle travaille en étroite collaboration avec les professeurs de chaque domaine. Cette co-construction permet d’ancrer les cours de langues dans des situations concrètes et pertinentes. « La collaboration interdisciplinaire est essentielle. Pour concevoir nos cours, nous sommes régulièrement en contact avec les professeurs des Facultés, cela nous permet de donner apprentissages sur mesure, qui allient apprentissage linguistique et application directe dans le domaine étudié », ajoute Natassia Schutz.

Un cours de spécialité en anglais  

Au Département de médecine vétérinaire, l’anglais n’est plus enseigné comme une matière séparée, mais directement intégré à un cours de spécialité grâce au dispositif EMILE (Enseignement de Matière par l’Intégration d’une Langue Étrangère). Le principe est simple : « Nous utilisons l’anglais pour enseigner une discipline, afin de combiner l’apprentissage de la matière et le développement des compétences linguistiques dans un contexte concret et motivant pour l’apprenant », explique Hélène Bouchat, enseignante en langues. « Ce dispositif repose sur trois principes : motiver les étudiants en donnant du sens à l’apprentissage de la langue, favoriser une exposition intensive à l’anglais et associer un spécialiste disciplinaire et une spécialiste linguiste pour intégrer contenu et langue de manière équilibrée », complète-t-elle.

Ainsi, le cours d’ethnographie animale a été fusionné à celui d’anglais, pour n’en faire qu’un seul. Concrètement, Benoît Muylkens et Marlies Dauwen, professeurs d’ethnographie animale, assurent l’enseignement de la matière, tandis qu’Hélène Bouchat intervient régulièrement pour attirer l’attention sur des points linguistiques précis, comme du vocabulaire technique, des faux amis ou encore des structures grammaticales utiles. « Je veux être sûre que les étudiants comprennent bien, car leur réussite du cours passe aussi par la maîtrise de l’anglais. » Pour ceux qui rencontrent davantage de difficultés, des séances de remédiation sont organisées.

« Le résultat est très positif, les étudiants sont plus motivés et comprennent mieux l’utilité de l’anglais dans leur futur métier, cela donne du sens aux apprentissages », se réjouit Hélène Bouchat. « Nous savons aussi que les vétérinaires seront amenés à lire de la littérature scientifique en anglais. Les préparer dès le premier bloc est donc indispensable. »

Hélène Bouchat et Benoit Muylkens
Hélène Bouchat et Benoît Muylkens

Apprendre les langues par les projets

Dans la Faculté EMCP, les langues s’intègrent aussi dans des projets interdisciplinaires appelés « unités d’enseignement intégrées ». « Ces projets permettent de relier plusieurs cours autour d’une réalisation concrète. Dans le projet entrepreneuriat, par exemple, les étudiants conçoivent un business plan et nous les accompagnons dans la réalisation de leur "executive summary" en anglais, une synthèse destinée à convaincre un investisseur potentiel », explique Jérémie Dupal, chargé de la partie « anglais » du projet.

Cette approche nécessite une bonne coordination entre enseignants. « Nous devons savoir ce que nos collègues ont déjà vu avec les étudiants, car l’"executive summary" ne peut se rédiger que si les aspects financiers, marketing et autres sont en place. Cette approche pluridisciplinaire permet aussi de montrer aux étudiants que les disciplines sont complémentaires, comme dans la vie professionnelle. Ces projets rendent l’apprentissage plus concret et développent des compétences transversales comme la créativité, la collaboration ou la capacité à faire du lien entre leurs différents cours. Même les étudiants qui considèrent parfois les langues comme une contrainte comprennent, dans ce contexte, à quel point elles sont essentielles dans leur futur métier », conclut Jérémie Dupal.

Un nouveau nom pour le Centre de Langues

L’École des langues vivantes de l’UNamur devient le Centre de Langues. Créée dans les années 1970, l’École a évolué au fil du temps : d’une approche audio-orale, elle est passée à une démarche actionnelle et communicative, en lien avec les besoins académiques et professionnels des apprenants. « Le terme "école" ainsi que la distinction entre langues vivantes et langues mortes ne correspondaient plus à notre réalité », explique Natassia Schutz. « Avec ce nouveau nom, nous affirmons notre identité en tant qu’entité universitaire et renforçons le sentiment d’appartenance au sein de l’institution. »

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Cet article est tiré de la rubrique "Tomorrow Learn" du magazine Omalius #38 (Septembre 2025).

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