Sur l’esplanade de l’Euro Space Center (Libin), une quinzaine de doctorants s’activent autour de panneaux photovoltaïques. Profitant d’un rayon de soleil, une étiqueteuse alimentée à l’énergie solaire imprime une étiquette portant l’inscription « This message is solar powered ». Plus loin, un groupe parvient à faire fonctionner une petite radio, diffusant un morceau bien connu sous les sourires des participants.

Marie Verdeil, designer et artiste française basée à Bruxelles anime cette activité avec Guillaume Slizewicz, designer et artiste digital : « Avec ce workshop, l’idée est de comprendre de façon tangible comment fonctionne l’énergie. En alimentant soi-même des objets avec des panneaux solaires, on se rend mieux compte de notre consommation d’énergie au quotidien et des limites des énergies renouvelables. Le but est vraiment de donner de la matérialité à des choses auxquelles on ne pense peut-être pas forcément en branchant un appareil. C’est une sorte de retour à la réalité et, avec les panneaux solaires, au rythme de la nature. »

Casser les barrières entre sciences et arts

A l’instar de Marie Verdeil, plusieurs artistes se sont joints au projet, qui réunit les sciences et l’art, des disciplines parfois cloisonnées. 

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Julie Henry

L’objectif de cette semaine immersive, c’est d’inverser le principe des résidences artistiques classiques : ici, ce sont les artistes qui impulsent les approches, et les scientifiques qui créent.

Julie Henry Coordinatrice du projet et cheffe de projets STEAM à l’UNamur

« Avec cette initiative, on essaie de briser les barrières qui existent entre les sciences et les arts, qui sont finalement très culturelles, et mettre en contact des personnes qui ne se croisent pas habituellement pour voir quelles idées peuvent émerger », explique Orion Van Helden, doctorant au Département Sciences, philosophie et société de l’UNamur et facilitateur créatif. « Une semaine immersive comme celle-ci permet de générer sur une courte période des stimulations créatives bénéfiques pour la recherche. C’est également l’occasion d’expérimenter sur le travail en communauté et l’inclusivité », poursuit le chercheur.

Une créativité qui ne va pas toujours de soi. Pour Julie Henry, « beaucoup de personne se pensent non créatives mais la créativité est une compétence qui se développe. Ici, on observe une espèce d’émulsion qui fait que les participants vont moins craindre de donner des idées et d’essayer des choses innovantes. Ce qu’on n’a pas forcément le temps de faire dans sa thèse car il faut la terminer dans un temps imparti. »

L’exploration spatiale durable comme fil conducteur

Pendant une semaine, des doctorants de toute l’Europe ont échangé et collaboré pour imaginer des récits, concevoir des installations et créer des prototypes, en dépassant les limites de leurs disciplines et de leurs modes de pensées habituels. 

SciArts Lab Week à l'EuroSpace Center

Le thème de la semaine invitait à réfléchir aux liens entre l’astronomie et le développement durable. Les participants étaient libres d'explorer cette thématique selon la perspective de leur choix. Parmi les pistes suggérées figurait l’esthétique solarpunk, qui, à rebours des récits dystopiques et des visions technophiles dominantes, imagine un avenir résilient et porteur d’espoir. Ce courant envisage une alliance entre science et art, autour de technologies simples (low-tech) et d’une reconnexion profonde avec la nature.

Une thématique qui ouvre la voie à des réflexions sur les défis technologiques, sociétaux et philosophiques contemporains. « Nous avons besoin de lieux pour repenser la créativité et l’impact des technologies. Ce type de projet permet de mélanger les sciences et les arts de différentes manière et d’interroger la culture maker, le low-tech, le Do It Yourself ou le spatial en restant connectés aux enjeux sociétaux, qui sont aussi au cœur de la recherche. L’idée est de travailler sur ce qu’il se passe maintenant et ce qui va se passer demain », souligne Charlotte Benedetti, directrice du Pavillon (KIKK asbl), un lieu d’exposition dédié à l’expérimentation et à l’innovation qui explore les intersections entre arts, sciences et technologies.

Doctorants de l'Alliance Universeh à la SciArts Lab Week

Se reconnecter aux autres

Au-delà de l’interdisciplinarité et de la créativité, cette semaine a favorisé les échanges et la collaboration. Anouk Wies, conseillère stratégique pour les affaires culturelles à l’Université du Luxembourg et co-organisatrice de la SciArts Lab Week, insiste sur cet aspect : « L’alliance  UNIVERSEH est très étendue, allant de la Scandinavie à l’Italie. Avec cette semaine créative, on voit des participants venir de territoires variés et c’est ce qu’on souhaite faire : réunir des gens autour de la table et faire se rencontrer des profils de différents pays et bagages, en valorisant les interactions humaines. Dans un environnement délimité, comme une station spatiale, la communication interculturelle peut être est très utile par exemple. Nous étions d’accord, avec Julie, pour chercher à atteindre un bon équilibre et à pouvoir encourager les femmes à participer, alors qu’elles restent peu présentes dans le secteur des STE(A)M ».

Témoignages de doctorants

L’espace et l’art sont deux sujets qui me fascinent depuis l’enfance. Ça faisait donc beaucoup de sens d’être là. En tant que chercheur, j’oublie souvent l’aspect artistique car cela ne fait pas partie de mon travail au quotidien. J’avais besoin de me reconnecter à cette créativité, car je trouve que c’est important de ne pas l’oublier.  

Angel, Doctorant en ingénierie spatiale à l'Université du Luxembourg

Angel
(c) Université du Luxembourg, Christian Wilmes /studio-wisio

Cette expérience m’apporte d’abord du bien-être mais aussi de l’ouverture d’esprit. Cela permet de penser les problèmes autrement et avec davantage de sensibilité. C’est aussi très enrichissant personnellement de rencontrer des personnes qui viennent d’un peu partout et pas seulement de sa discipline.

Pierre, Doctorant en informatique à l'UNamur

Pierre
(c) Université du Luxembourg, Christian Wilmes /studio-wisio

Collaboration UNamur et KIKK ASBL

Cette initiative s’inscrit dans la continuité des collaborations entre l’UNamur et KIKK ASBL, qui ont déjà mené plusieurs projets, comme les résidences astronomiques à l’Observatoire Antoine Thomas, qui accueillent des artistes belges et internationaux et présentent leurs créations au public, à l’image de l’exposition Stellar Scape inaugurée en 2024. Par ailleurs, via la plateforme STEAMULI, le Pavillon et l’UNamur ont développé des projets éducatifs autour des STEAM et favorisé les rencontres entre artistes et chercheurs, notamment lors de l’exposition Biotopia (2022).

Cette initiative s’inscrit dans la démarche de la cellule des affaires culturelles de l’Université du Luxembourg d’impulser et d’accompagner des projets Arts-Sciences, notamment à travers une résidence d’artiste en milieu universitaire, en partenariat avec Casino-Forum d’art contemporain, une série de discussions entre acteurs culturels et chercheurs autour de la transdisciplinarité et son apport sociétal et de contribuer aux échanges avec d’autres initiatives et réseaux internationaux engagés dans le domaine.  

Plonger dans l'ambiance de la SciArts Lab Week