« Siècle des inventeurs », le 19e siècle est synonyme de révolution industrielle, de bouillonnement technologique et scientifique. Les universités, jusqu’alors principalement cantonnées à une activité d’enseignement, profitent également des innovations de l’époque, en particulier dans les moyens de communication et de transport, pour ouvrir de nouvelles perspectives et devenir les acteurs de la recherche que nous connaissons aujourd’hui. Le collège Notre-Dame de la Paix, devenu facultés puis université de Namur, ne fait pas exception à ce constat. 

Professeur de botanique et de zoologie, le jésuite Auguste Bellynck (1814-1877) est le premier acteur majeur de cette évolution. Il publie la toute première recherche scientifique menée dans notre institution, la Flore de Namur (1855), avec laquelle il pose sur un cliché d’époque (voir photo ci-contre).

le jésuite Auguste Bellynck

Cette étude, bientôt suivie par d’autres, lui vaut d’intégrer l’Académie royale de Bruxelles. Le père Bellynck développe également un vaste réseau épistolaire en Belgique et à l’international, qui lui permet d’échanger non seulement des idées, mais aussi des objets et des spécimens qui viendront enrichir les collections botaniques et numismatiques des facultés. Plusieurs centaines de lettres conservées à la BUMP témoignent de cette intense activité intellectuelle. Parmi ses contacts, on trouve le géologue Jean-Baptiste Omalius ou le linguiste Joseph Grandgagnage, dont les noms font écho à la toponymie du campus namurois. Bien qu’il se soit probablement rendu au Muséum d’Histoire naturelle de Paris en 1863, le jésuite travaille essentiellement depuis Namur. La mobilité scientifique internationale n’émergera véritablement que quelques décennies plus tard. 

Paris, Padoue, Java : mobilité et échanges savants à la Belle Époque

À la fin du 19e siècle, les facultés de Namur comptent déjà plusieurs chercheurs de haut vol, comme le physicien Désiré Lucas (1860-1949) ou le mycologue François Dierckx (1863-1937), qui s’insèrent tous deux dans un vaste réseau international : France, Italie, Allemagne, Pays-Bas, États-Unis... Le père Lucas, qui développe un intérêt pour les rayons X, dont les propriétés commencent à être étudiées, entame une correspondance suivie avec le célèbre savant français Pierre Curie (1859-1906). Le futur Prix Nobel lui envoie plusieurs échantillons de baryum et remercie son interlocuteur « de faire connaître en Belgique le résultat de [ses] recherches » (1901). 

La carrière du père Dierckx (photo ci-contre) témoigne de l’internationalisation croissante de la vie scientifique à la même période. Auteur d’une étude remarquée sur les champignons de type penicillium, il obtient une bourse du gouvernement belge afin de poursuivre ses recherches dans le jardin botanique de Buitenzorg (Bogor) en Indonésie, alors colonie néerlandaise. 

père Dierckx

Il effectue un long périple, en 1901-1902, qui le conduit à séjourner en Italie (Padoue, Messine), où il rencontre plusieurs homologues, avant de gagner le canal de Suez, le Sri Lanka, puis l’île de Java. Les conditions de voyage sont encore difficiles et le chercheur constatera tristement, à son arrivée à Java, la mort de tous ses précieux spécimens de champignons durant la traversée. Le voyage se révèlera riche en découvertes humaines et scientifiques : Buitenzorg est alors l’une des institutions les plus réputées à l’échelle mondiale, notamment en raison de son exceptionnelle collection de flore tropicale (voir image ci-dessus). De retour en Belgique, le chercheur organise de nombreuses conférences sur la société et les curiosités naturelles de l’Indonésie et de l’Italie, notamment les volcans et les phénomènes sismiques qui ont piqué sa curiosité. La presse relaie régulièrement ces événements qui sont accompagnés d’impressionnantes « projection lumineuses panoramiques » de photographies prises par le jésuite namurois. 

De premières recherches scientifiques internationales

C’est à la même époque que des projets de recherche d’envergure internationale se développent à Namur. Lors de l’éclipse solaire du 17 avril 1912, l’observatoire astronomique des facultés, dirigé par Désiré Lucas, accueille une équipe de physiciens belges et étrangers. Celle-ci comprend notamment l’Allemand Theodor Wulf (1868-1946), dont les recherches sur les radiations atmosphériques étaient très innovantes, et José Mier y Terán (1878-1942), jésuite d’origine mexicaine et directeur de l’observatoire de Grenade (Espagne). Les chercheurs disposent d’un poste récepteur de télégraphie sans fil d’une grande modernité, directement connecté à la tour Eiffel à Paris, ce qui leur permet de déterminer l’heure exacte correspondant aux données récoltées. 

Leurs expériences sont immortalisées par une remarquable série de clichés, dont l’un présente le père Lucas (à gauche) et le père Wulf (à droite) auprès du matériel qu’ils avaient spécialement monté pour l’occasion (voir photo ci-contre). Les résultats obtenus seront publiés quelques mois plus tard.

photo d'archive de la BUMP

Les décennies suivantes poursuivront un processus désormais bien en marche et qui ne s’est plus arrêté, facilité par la démocratisation des moyens de transport et de communication. Aujourd’hui, nos scientifiques sont insérés dans plusieurs réseaux internationaux, réalisant des séjours dans de prestigieuses institutions sur tous les continents, où ils font rayonner l’excellence de la recherche namuroise. L’UNamur accueille également de nombreux chercheurs étrangers dans ses laboratoires, comptant 11 % d’académiques et 22 % de scientifiques internationaux. 

Parcourir la correspondance du professeur Désiré Lucas avec, notamment, le prix Nobel Pierre Curie

Les collections patrimoniales de l’UNamur offrent un précieux éclairage sur le développement des pratiques scientifiques et, plus largement, sur le processus de construction des savoirs aux 19e et 20e siècles. Bon nombre de documents retraçant cette passionnante histoire sont aujourd’hui librement accessibles sur le portail de numérisation de la BUMP : https://neptun.unamur.be/

Cet article est tiré de la rubrique "Le jour où" du magazine Omalius #38 (Septembre 2025).

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