Pouvoir capter, conserver et restituer quelque chose d’immatériel comme le son - et donc la voix humaine - est un vieux rêve de l’humanité.  Les débuts se confondent avec les premiers balbutiements de l’informatique : les essais médiévaux de programmation et de reproduction d’une mélodie sur un instrument de musique mécanique, tel un carillon ou un orgue (comme le ‘taureau’ de Salzbourg, avec le clin d’œil ultérieur du père Mozart).  De nombreux grands esprits de l’histoire des sciences se sont intéressés au sujet : Léonard de Vinci, Galilée, Salomon de Caux, Athanase Kircher, Thomas Young, Ernst Chladni, jusqu’à l’étape décisive de Thomas Edison.

Un de ces géniaux précurseurs est toutefois resté longtemps oublié : Edouard-Léon Scott de Martinville, qui le premier a réussi à enregistrer la voix humaine sur un support durable (1857).  Il cherchait en fait à perfectionner la sténographie, et son objectif était de créer la possibilité d’écrire automatiquement à la vitesse où on parle.  Il construisit, dans les années 1850, le ‘phonautographe’ en rassemblant dans une même machine un pavillon collecteur, une membrane de baudruche avec - collée à cette membrane - une soie de sanglier et un cylindre tournant recouvert d’une feuille de papier enduite de noir de fumée.  Il parvient ainsi à ‘inscrire’ et à fixer les vibrations sonores de sa voix.  Les inscriptions ne pouvaient toutefois pas être déchiffrées, et il n’y avait pas de possibilité de restituer le son, ce qui explique que les travaux de Scott de Martinville tombèrent dans l’oubli.  Des chercheurs américains ont toutefois retrouvé récemment dans les archives de l’Académie des Sciences à Paris les tracés originaux, et, après les avoir numérisés et ‘remastérisés’ avec la technologie moderne, ont ressuscité et rendu audibles les tout premiers enregistrements de voix de l’histoire de l’humanité.  C’est ainsi qu’il est maintenant possible d’entendre Scott de Martinville chanter ‘Au clair de la lune’.

Une vingtaine d’années plus tard, Edison - qui vraisemblablement n’avait pas connaissance des travaux de Scott de Martinville - inventait le phonographe (1877), capable non seulement d’enregistrer, mais aussi de restituer le son capté, ouvrant ainsi la porte du monde musical qui nous est familier.

Cette page de l’histoire des sciences et des techniques illustre, une fois encore, la genèse complexe du progrès, fruit de contributions variées, parcellaires, émanant d’horizons divers, souvent laborieuses, parfois marginales, avec çà et là, une intuition fulgurante et une étincelle de génie.