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Ecole et surdité : retour sur un modèle d'enseignement qui s'adapte aux différences

10.10.18

Inclure des groupes d’élèves malentendants et sourds dans des classes de l’enseignement ordinaire avec des pairs entendants, et leur offrir une formation bilingue en français et en langue des signes.

C’est le défi que relève l’école Sainte-Marie à Namur depuis 2000, avec l’aide de l’association École et Surdité et l’encadrement de l’Université de Namur. 

18 ans plus tard, Magaly Ghesquière et Laurence Meurant , toutes deux membres de l’Institut NaLTT, font le point sur ce dispositif d’enseignement dans l’essai École et surdité. Une expérience d’enseignement bilingue et inclusif. Publié aux Presses universitaires de Namur et en librairie dès ce 17 octobre 2018.

Un essai construit sur plusieurs années d’observation

Chercheuse qualifiée du FNRS, spécialiste de l’étude linguistique de la langue des signes de Belgique francophone (LSFB), Laurence Meurant collabore avec cette école depuis ses débuts.

« Depuis 2004, j’encadre ces professeurs qui ont été les tous premiers à enseigner les maths, le français, la géographie, l’histoire et les sciences en LSFB. Ce qui soulève de nombreuses questions linguistiques » précise la chercheuse.

Tout en sachant que proposer un enseignement bilingue (et les spécificités qui en découlent), s’adresser à des enfants qui n’entendent pas ou pas bien, et impliquer une langue minoritaire qui ne s’écrit pas, ont des répercussions importantes sur les pratiques pédagogiques des enseignants.

C’est ce dont Laurence Meurant  et Magaly Ghesquière ont voulu rendre compte.

Cette dernière est l’une des premières enseignantes à avoir été engagée dans ces classes bilingues. Entre 2012 et 2017, elle a collaboré avec le LSFB-Lab de l’UNamur (voir encadré) pour mener à bien la description de ce dispositif d’enseignement inédit. Ce travail visait à « prendre du recul par rapport aux méthodes mises en place à améliorer les pratiques pédagogiques, et à transmettre cette expérience ».

Cette collaboration débouche aujourd’hui sur la publication de l’ouvrage École et surdité. Une expérience d’enseignement bilingue et inclusif.

Un langage recensé

Fondé en 2014 par Laurence Meurant, le Laboratoire de langue des signes de Belgique francophone (LSFB-Lab) de l’Université de Namur a débuté ses travaux en constituant une banque de données en ligne sur cette langue des signes.

Ce corpus illustre l’usage actuel de la langue des signes, et représente un outil de documentation « au service des enseignants, des formateurs, des étudiants, des interprètes et des linguistes. Mais il contribue aussi à sauvegarder l’héritage linguistique et culturel de la communauté des sourds ».

Cette banque de données contient 150 heures de vidéos, accompagnées d’annotations et de traductions en français. Prochainement (2019-2021), elle servira de base au développement d’un dictionnaire bilingue contextuel.

Une logique d’apprentissage différente

Le livre s’adresse à tous les professionnels impliqués dans la scolarisation d’un enfant malentendant ou sourd (professeurs, interprètes, aides pédagogiques, logopèdes, etc.) et qui souhaitent prendre du recul sur leurs interventions.

Cet ouvrage développe dans un 1ier temps les fondements sur lesquels le dispositif d’enseignement est construit :

  • Le bilinguisme et l’alternance linguistique
  • L’inclusion collective
  • La prise en compte des différents profils d’enfants sourds,
  • Le fonctionnement en binômes d’enseignants.

La seconde partie explore ensuite les implications concrètes de ces fondements sur les pratiques pédagogiques. Aussi bien dans les disciplines linguistiques (français, LSFB, anglais) que dans les disciplines non linguistiques (en particulier les mathématiques).

La langue qu’on emploie a en effet un impact sur la façon dont on enseigne. Pour l’enseignement de certaines matières, comme la géométrie, la langue des signes est ainsi plus transparente que le français.

« Les signes pour dénommer les solides représentent visuellement leurs principales propriétés, et donnent donc un accès plus direct au sens, explique Laurence Meurant. Dans d’autres cas, c’est l’inverse. Par exemple, les concepts de "plus grand que" et "plus petit que" s’expriment de façon régulière en français, mais pas en langue des signes. Il est donc plLSFB UNamurus aisé de les enseigner et de les apprendre via le français ».

« Le livre vise à aider les enseignants à anticiper ce genre de différences : ce que ça implique dans la construction de leur cours et ce que ça entraîne comme difficultés pour les élèves qui doivent maitriser toutes les matières dans les deux langues. Mais aussi ce que ça demande comme aménagements, en favorisant les méthodes qui conviennent autant aux entendants qu’aux sourds ».

En bref, la logique d’apprentissage est différente dans ce contexte bilingue.

S’adapter pour mieux enseigner

Depuis les années 2000, des programmes du même type sont apparus en Europe et dans le monde. On les désigne en anglais par le terme de co-enrollment. Tous visent à combiner les avantages de l’enseignement spécialisé (où les élèves malentendants et sourds sont regroupés, plutôt qu’isolés) et ceux de l’intégration dans l’enseignement ordinaire (où ils suivent la même formation que les élèves entendants).

Il est nécessaire, selon les auteures, de déconstruire l’idée selon laquelle un enfant sourd peut suivre sans difficulté un enseignement pensé pour les entendants.

« Même s’il bénéficie d’aides auditives ou d’implants cochléaires performants, sa surdité entraine une perception particulière du monde qui l’entoure. Dès sa naissance, l’enfant est privé d’une partie des informations sonores, et accumule dès lors un retard linguistique et cognitif important dans ses premières années de vie » expose la chercheuse.

Selon elle, ce serait une erreur de l’ignorer. Si pendant toute la scolarité de l’enfant ce retard n’est pas vite pris en compte par une équipe de professionnels capables de le détecter et de le compenser au mieux, il risque d’avoir un impact important sur le développement de l’enfant. 

« Cet ouvrage ne reflète pas les résultats d’une étude sur les bienfaits ou les désavantages de ce type d’enseignement. Il vise plutôt à transmettre ce que l’expérience de presque 20 ans dans ces classes révèle sur la pédagogie bilingue destinée aux élèves malentendants et sourds : ses enjeux, ses contraintes, les questions qu’elle pose, les aménagements qu’elle implique et les compétences qu’elle demande » conclut Laurence Meurant.

A l’occasion de la sortie de l’ouvrage, l’Institut NaLTT organise 2 événements :

  • Un colloque Enseignement bilingue et surdité le 17 octobre. Plus d'infos ICI
  • Une conférence Multilinguisme et Multiculturalisme le 18 octobre. Plus d'infos ICI
C.S

 

Pour plus d’informations

Téléphone : +32 (0)81 72 41 43

Commander l'ouvrage

Site des PUN

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