La Faculté de droit inscrit sa formation dans une perspective de l'accompagnement de l'étudiant vers l'excellence et l'autonomie. Elle mène une recherche scientifique pointue et interdisciplinaire dans des domaines clés, notamment au travers de ses centres de recherche, le CRIDS et Vulnérabilités et Sociétés. Elle organise divers services à la société comme la formation continuée à l'attention des professionnels du droit.

Soirée de diplomation

La cérémonie de diplomation aura lieu le vendredi 28 novembre 2026 à partir de 17h30. Inscrivez-vous dès à présent ! 

Chaire Francqui 2025-2026 | Besoin d'environnement, besoin de droit ?

Leçon inaugurale | 27 novembre 2026 - Protéger l’environnement au-delà du politique

La Faculté de droit accueille la professeure Delphine Misonne à l’occasion d’une Chaire Francqui qui lui a été décernée par la Fondation Francqui : « Besoin d’environnement, besoin de droit ? ». L’organisation de cette chaire s’intègre pleinement dans le Fil Rouge de la Faculté de droit dédiée à ce substrat essentiel à la vie qu’est l’environnement, la nature, notre terre : « Réenchanter la terre ».

Chaire Francqui 2025-2026 en Faculté de droit Delphine Misonne

Les études

La Faculté de droit offre une formation de bachelier en 3 ans, soit en horaire de jour, soit en horaire décalé. Les études de bachelier en droit à l’Université de Namur offrent une formation juridique de base complète, visant à faire des étudiantes et étudiants d’excellents juristes généralistes aptes à suivre le programme de Master en droit.

Droit études

La recherche

La Faculté de droit mène une recherche scientifique pointue et interdisciplinaire. Ancrée dans la société actuelle, elle axe ses priorités de recherche, notamment, autour de ses deux centres de recherche : le CRIDS et le Centre Vulnérabilités et Sociétés. Une formation doctorale est proposée aux juristes désireux d’effectuer une thèse de doctorat.

Droit études

Service à la société

À côté de l’enseignement et de la recherche, l’Université a une mission de service à la société. Dans ce cadre, la Faculté de droit propose diverses activités de formation continuée à l’attention des professionnels du droit. Le blog de la faculté est également disponible et partage l’actualité juridique belge et internationale. Enfin, l'Association des Anciens de la Faculté de droit est active : impossible d'oublier la Faculté après y être passé !

Service à la société - Faculté de droit

Organisation

La Faculté s'est organisée de manière optimale afin de gérer ses missions d'enseignement, de recherche et de service à la société.

Le fil rouge de droit

Depuis 2022, la Faculté de droit fait le choix d’un thème d’année qui réunit toute la Faculté, étudiants et enseignants, tous blocs et programmes confondus. Ce fil conducteur est exploité dans les cours, encadrements, travaux, tournois d'éloquence, et lors de conférences et activités pédagogiques et culturelles proposées au fil de l'année académique. Une dynamique enthousiaste et porteuse de valeurs qui rend toujours un peu plus unique l'encadrement de l'Université de Namur.

Logo du fil rouge de la Faculté de droit : Réanchantons la Terre (2025-2026)

La Faculté de droit en quelques chiffres

2000
étudiants
53
académiques dont 8 professeurs émérites
48
membres du personnel scientifique
12
membres du personnel administratif et technique

Bibliothèque de la Faculté

La bibliothèque de la Faculté de droit possède environ 20.000 ouvrages et est abonnée à environ 150 périodiques couvrant les différentes branches du droit. Elle abrite également le Centre de documentation du CRIDS (Centre de Recherche Information, Droit, Société) mais aussi le centre de documentation de Vulnérabilités et Sociétés.

À la une

Actualités

Intelligence artificielle, un danger pour la démocratie ?

Paroles d'experts
Démocratie

Peut-on encore parler de démocratie lorsque des algorithmes influencent nos choix électoraux ou participent à la rédaction des lois ? Cette thématique est étudiée par Aline Nardi, chercheuse à la Faculté de droit et membre du Namur Digital Institute (NADI). 

 

Aline Nardi

Plusieurs projets visent déjà à confier une partie du travail législatif à l’intelligence artificielle (IA). Si pour l’instant, il s’agit essentiellement d’outils de retranscription des débats parlementaires, de traduction ou d’analyse des archives, des outils de rédaction ou des textes de loi sont également envisagés. Recourir à l’IA peut paraître intéressant : elle peut améliorer la lisibilité ou faciliter la standardisation. Mais, selon ses usages, elle ne respecte pas spontanément les principes fondamentaux du processus législatif tels que la légalité, la proportionnalité ou l’égalité. Ces exigences établies par la Cour constitutionnelle font l’objet de nombreuses décisions jurisprudentielles. Dans le cadre d’une thèse de doctorat, Aline Nardi, les passe au crible pour voir si l’utilisation de l’IA est possible dans les processus législatifs.

Son constat ? « Pour certaines tâches plus critiques, qui dépassent la simple édition, des problèmes se posent ». Elle pointe notamment l’opacité du raisonnement, puisqu’« il est difficile de retracer pourquoi l’IA suggère telle piste à partir de la requête qu’on lui soumet ». Or, dans un État de droit, cheminement législatif doit être transparent et compréhensible afin d’être éventuellement contesté par les parlementaires et les citoyens.

À cela s’ajoutent des enjeux de légitimité démocratique : « La société qui va développer le système utilisé par les assemblées parlementaires peut influencer des décisions extrêmement importantes pour une nation. Un parlementaire est-il encore utile s’il n’est là que pour ratifier des décisions prises par une machine ? », s’interroge la juriste. 

Des élections influencées par l’IA

Côté citoyens, l’IA transforme depuis quelques années déjà les campagnes électorales. Microciblage, désinformation automatisée, manipulation des émotions via les réseaux sociaux : autant d’outils redoutables qui peuvent biaiser le débat public. La campagne présidentielle américaine de 2016 illustre clairement cette problématique. « La société Cambridge Analytica a par exemple ciblé et influencé les électeurs indécis dont les positions pouvaient être orientées au profit de Donald Trump. Environ 20 millions d’indécis ont ainsi reçu des messages sur mesure, tels que des mèmes, des vidéos, des articles de blog en faveur de Trump », rappelle Aline Nardi. Combinée aux réseaux sociaux, l’IA remet donc en cause le droit des électeurs à se forger une opinion à partir d’une information pluraliste et fiable.

Plus récemment, la Cour constitutionnelle roumaine a invalidé l’élection présidentielle de 2024 pour cause d’usage abusif de l’IA et de manque de transparence dans les campagnes numériques. « Cela a affecté le caractère librement exprimé du vote des citoyens et en particulier leur droit d’être correctement informés », explique Aline Nardi

L’Union européenne tente d’agir face à ces dérives. Plusieurs règlements ont été mis en place. Ils visent à encadrer les technologies numériques et à limiter leurs effets néfastes sur l’espace informationnel, notamment lors de processus électoraux. Parmi ces règlements : le Digital Services Act (DSA), le règlement sur l’IA et le règlement relatif à la transparence et au ciblage de la publicité à caractère politique (TTPA). Ces règlements ont d’ailleurs poussé Google et plus récemment Meta, à ne plus autoriser les publicités politiques, électorales et portant sur les enjeux sociaux dans l’Union européenne.

« Il subsiste toutefois une interrogation quant à l’applicabilité, la mise en œuvre concrète et l’effectivité de certaines normes issues des corpus de droit du numérique », alerte Aline Nardi qui appelle à « sortir de ce flou juridique ».

Sur le même sujet

  • Université et démocratie : un lien vivant, parfois menacé

Une année académique placée sous la thématique de la démocratie

Retrouvez le discours prononcé par la Rectrice Annick Castiaux lors de la Cérémonie de rentrée académique 2025-2026.

Discours de la Rectrice à la Cérémonie de rentrée académique 2025-2026

Cet article est tiré de la rubrique "Enjeux" du magazine Omalius #38 (Septembre 2025).

cover-omalius-septembre-2025

Université et démocratie : un lien vivant, parfois menacé

Paroles d'experts
Démocratie

Méfiance envers les institutions politiques traditionnelles et les élus, montée des logiques autoritaires, définancement des services publics… La démocratie semble aujourd’hui traverser une zone de turbulences. Dans ce contexte, quel rôle l’université joue-t-elle ? Pour éclairer cette question, nous avons rencontré quatre chercheurs issus de disciplines différentes : la pédagogue Sephora Boucenna, le philosophe Louis Carré, le politologue Vincent Jacquet, la juriste Aline Nardi. Leurs regards croisés dessinent les contours d’un enjeu plus que jamais d’actualité : penser et défendre le lien entre université et démocratie.

démocratie-visages

La démocratie n’a rien d’un concept figé. Elle fait débat, surtout aujourd’hui. Louis Carré, directeur du Département de philosophie et membre de l’Espace philosophique de Namur (Institut ESPHIN), en propose une définition en trois dimensions : un régime politique, un état de droit et une manière de faire société.

Le concept de démocratie : entre pouvoir du peuple et centralisation

« Étymologiquement, la démocratie est un régime politique qui consiste à donner le pouvoir au peuple », rappelle-t-il. « Nos démocraties occidentales reposent aujourd’hui sur l’idée que le peuple est souverain, sans pour autant gouverner directement. De là naît une tension entre la démocratie idéale et la démocratie réelle. » Vincent Jacquet, professeur au Département des sciences sociales, politiques et de la communication et président de l’Institut Transitions appuie le propos : « La démocratie est un idéal d’autogouvernement des citoyens, mais il est en tension avec des logiques plus centralisatrices, plus autoritaires. […] Nos systèmes politiques sont traversés par ces différentes tensions, avec à la fois des logiques autoritaires de plus en plus présentes, y compris chez nous, et des logiques de participation qui s’accompagnent parfois de beaucoup d’espoir et de déception aussi. »

Deuxième pilier selon Louis Carré : l’État de droit. La démocratie garantit les droits fondamentaux de tous les citoyens par la constitution. Mais là encore, gare aux paradoxes : « On pourrait en effet imaginer des lois prises par la majorité des représentants ou par un référendum, mais qui contreviennent aux droits fondamentaux », souligne le philosophe. La démocratie ne peut donc se résumer au seul principe majoritaire.

Enfin, la démocratie est également une manière de faire société. Elle repose sur un réel pluralisme : diversité des opinions, des croyances et des valeurs. « Cela suppose l’existence d’un espace public relativement autonome face au pouvoir en place qui, par moment, conteste les décisions prises par les gouvernements qui ont été élus », insiste Louis Carré.

La méfiance des citoyens vis-à-vis du politique n’est, à ce titre, pas nécessairement un symptôme de crise démocratique. Elle peut même en être un signe de vitalité, comme l’explique Vincent Jacquet : « Le fait que les citoyens soient critiques envers leur gouvernement n’est pas forcément négatif parce que, dans une démocratie, les citoyens doivent pouvoir contrôler les actions des gouvernants ».

Photo de Vincent Jacquet
Vincent Jacquet

Former les gouvernants… et les gouvernés

Dans ce contexte, quelle est la responsabilité de l’université ? Louis Carré rappelle d’abord une réalité simple : une grande partie de nos élus sont passés par les bancs de l’université. Mais sa mission d’enseignement ne s’arrête pas là. « Il s’agit de former des citoyens éclairés, pas seulement des gouvernants. Les universités doivent offrir un enseignement supérieur de qualité, ouvert au plus grand nombre », affirme-t-il.

« La démocratie suppose en effet des citoyens capables de débattre, de réfléchir, de problématiser les enjeux », complète Sephora Boucenna, doyenne de la Faculté des sciences de l’éducation et de la formation et membre de l’Institut de Recherches en Didactiques et Éducation de l’UNamur (IRDENA). Il s’agit donc de former des esprits réflexifs, aptes à interroger leur époque.

Former des enseignants réflexifs, pour des citoyens critiques

L’université forme également ceux qui, demain, éduqueront les générations futures : les enseignants. Et là encore, la démocratie est en jeu.

 « Notre mission est de former des enseignants réflexifs qui, eux-mêmes, apprendront à leurs élèves à penser de manière critique », insiste Sephora Boucenna. Cela passe par un travail en profondeur sur l’analyse de pratiques, la construction collective et l’apprentissage du débat, dès la formation initiale des enseignants jusqu'à leur formation continue. 

Sephora BOUCENNA
Sephora Boucenna

Produire et diffuser du savoir… en toute indépendance

Outre l’enseignement, l’université a également une mission de recherche et de service à la société. Elle produit des savoirs qui peuvent éclairer les politiques publiques, mais aussi les questionner. Cette fonction critique suppose une indépendance réelle vis-à-vis du politique. « Pour analyser avec lucidité les mécanismes démocratiques, y compris ceux que les gouvernements mettent en place, il faut que l’université garde sa liberté de recherche et de parole », souligne Vincent Jacquet.

 

Louis Carré va plus loin : « Comme la presse, l’université est une forme de contre-pouvoir dans l’espace public ». Il précise par ailleurs qu’« il y a une confusion entre liberté d’opinion et liberté académique. Les savoirs universitaires passent par une série de procédures de vérification, d’expérimentation, de discussion au sein de la communauté scientifique. Cela leur donne une robustesse qui n’est pas celle d’une opinion, d’une valeur, d’une croyance. » 

Louis Carré
Louis Carré

Cette fonction critique de l’université suppose donc une indépendance forte. Or, en Belgique, le financement des universités relève largement du pouvoir politique. « Celane doit pas signifier une mise sous tutelle », alerte Louis Carré. « Mener des recherches critiques, qui ne satisfont pas à court terme des commanditaires, demande une indépendance, y compris de moyens. Il faut des chercheurs en nombre qui puissent analyser différents types de dynamiques. Plus on coupera dans les finances de la recherche, comme c’est le cas aujourd’hui, moins on aura de chercheurs et donc de capacité d’analyse indépendante et de diversité des perspectives », insiste Vincent Jacquet.

Le mouvement « Université en colère », récemment lancé au sein des universités de la Fédération Wallonie-Bruxelles, entend dénoncer les effets du définancement. Ses représentants appellent à « garantir les conditions de développement d’une université ouverte, indépendante, de qualité et accessible au plus grand nombre. Face aux défis sociaux, économiques et politiques de notre temps et parce que d’autres choix de société, et donc budgétaires, sont possibles, il est plus que jamais essentiel de renforcer les institutions et les acteurs au cœur de la production du savoir. » 

Entre vigilance et engagement : un lien à réinventer

La démocratie ne se limite donc ni aux élections ni aux institutions. Elle repose sur une vigilance collective, portée par les citoyens, les savoirs… et les lieux où ces savoirs se construisent. À ce titre, l’université apparaît comme un maillon essentiel de la vitalité démocratique. À condition de rester indépendante, accessible et ouverte sur la société.

« La démocratie, ce n’est pas seulement une affaire d’institutions. C’est l’affaire de citoyens qui la font vivre et qui s’organisent pour faire valoir leurs perspectives à différents moments », insiste Vincent Jacquet. Une invitation claire à ne pas rester spectateur, mais à participer, avec lucidité et exigence, à la construction d’un avenir démocratique commun.

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  • Intelligence artificielle, un danger pour la démocratie ?

Une année académique, placée sous la thématique de la démocratie

Retrouvez le discours prononcé par la Rectrice Annick Castiaux lors de la Cérémonie de rentrée académique 2025-2026.

Discours de la Rectrice à la Cérémonie de rentrée académique 2025-2026

Cet article est tiré de la rubrique "Enjeux" du magazine Omalius #38 (Septembre 2025).

cover-omalius-septembre-2025
Article
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Faculté de droit

Former les experts en droit du numérique

Droit
Étudiants
Futurs étudiants

La cérémonie de diplomation du master de spécialisation en Droit du Numérique a eu lieu ce vendredi 3 octobre 2025 en présence de la Rectrice, Annick Castiaux, et de la Ministre fédérale du Numérique et de la Politique Scientifique, Vanessa Matz. Une double présence qui symbolise l'importance du rôle des nouveaux diplômés dans nos sociétés toujours plus numérisées.

Cérémonie de diplomation du master de spécialisation en Droit du Numérique

Il est dans la nature du droit de travailler dans le temps long. Mais lorsque l'objet même de ce droit est par essence mouvant et en constante évolution, il est parfois difficile de garder le rythme. 

"La technologie évolue très rapidement, et c'est pour cette raison que tous les cours donnés durant ce Master de spécialisation en Droit du Numérique sont en lien avec les recherches que nous menons ici au CRIDS (cf. encadré), éclaire Élise Degrave, Professeur de Droit et directrice du Master. Tous les professeurs donnent des cours en lien avec leur thématique de recherche, et ces derniers évoluent au gré des résultats que nous obtenons et partageons avec les étudiants."

D'une durée d'un an, accessible aux titulaires d'un premier Master sur dossier, ce Master de spécialisation couvre un large programme : commerce, communications, vie privée, propriété intellectuelle, gouvernance internationale, information, intelligence artificielle… 

"Le Master est dense, avec un panel de cours très à jour, qui nous donne véritablement une vision à 360° de nos futurs métiers, estime Emma Belot, fraîchement diplômée et déjà embauchée dans un cabinet d'avocat. Cela se voit dès que nous entrons dans le monde du travail, et en particulier dans le domaine technique. On ne peut pas se revendiquer spécialiste du droit des nouvelles technologies sans comprendre la technologie dont on parle. Or cette dernière compte pour une large part de notre formation, en lien avec la faculté d'informatique."

En plus des cours théoriques, les étudiants peuvent également compter sur une pédagogie dont la Rectrice Annick Castiaux a souligné le caractère innovant. "Outre le stage en immersion professionnelle, les étudiants participent au Namur Legal Lab, qui prodigue des conseils juridiques aux start-up, ainsi qu'à un séminaire qui les forme à travailler en équipe, a-t-elle déclaré.

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Photo d'Annick Castiaux

Il est important que ce Master soit toujours en évolution pour rester à la pointe par rapport aux enjeux de société liés au numérique.

Annick Castiaux Rectrice de l'Université de Namur

Des enjeux dont les responsables du Master ont pleinement conscience, eux qui s'attachent à former des juristes très attentifs aux garde-fous nécessaires au fonctionnement d'une société libérale et démocratique.

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Elise DEGRAVE

A nos yeux, un juriste est un professionnel qui anticipe les problèmes pour les éviter par la suite. Nos étudiants sont formés dans cette optique. En étant capable de discuter en amont avec un technicien dont ils comprennent les problèmes, ils peuvent ainsi montrer que prendre en compte les garde-fous juridiques dès le départ permet d'éviter une perte de temps et d'argent importante, plutôt que de déconstruire les outils par la suite parce qu'ils ne respectent pas la législation.

Élise Degrave Professeur de Droit et directrice du Master de spécialisation en Droit du Numérique

La Ministre Vanessa Matz a, quant à elle, souligné l'importance pour la Belgique et l'Europe de former des experts capables de répondre à ces problématiques pressantes. "Contrôler l'exploitation des données personnelles, protéger le droit d'auteur face à l'utilisation de l'intelligence artificielle générative, ou encore réguler les plateformes et les GAFAM ne sont pas des questions théoriques, estime-t-elle. Elles exigent un équilibre délicat entre progrès et éthique, et ce sera aux nouveaux diplômés du Master d'y répondre en écrivant les futures règles du jeu."

Le Centre de Recherche Information, Droit et Société (CRIDS)

Le Master de Spécialisation en Droit du Numérique dépend du CRIDS, le Centre de Recherche Information, Droit et Société. Fondé en 1979, et dirigé aujourd'hui par le Pr Hervé Jacquemin et co-dirigé par le chercheur Jean-Marc Van Gyseghem, il s'agit d'un centre de recherche interdisciplinaire qui mène des recherches de pointe dans des domaines comme les communications numériques, la vie privée, la propriété intellectuelle, la cybersécurité ou encore la gouvernance des algorithmes, le e-commerce ou le e-gouvernement. 

Enseigner l’esprit critique

Intelligence Artificielle
Étudiants

Art du doute fécond, l’esprit critique s’apprend et s’entretient. Face à la surcharge d’information et au déploiement de l’intelligence artificielle, il est plus que jamais nécessaire pour les étudiants de développer cette faculté tout au long de leur cursus. À l’UNamur, cette nécessité pédagogique se veut protéiforme. 

esprit-critique-etudiants

Toute pensée qui se forme dans notre conscience est influencée à la fois par des contraintes externes – argument d’autorité, dogmatisme – mais aussi par des contraintes internes – opinions, émotions, suggestions. Faire preuve d’esprit critique est donc toujours d’abord un exercice réflexif, comme l’illustrait déjà Socrate. « À travers la maïeutique, l’art du dialogue, Socrate cherchait à remettre en question ses propres opinions. Il disait : la seule chose que je sais, c’est que je ne sais rien », rappelle Sabina Tortorella, chercheuse en philosophie politique à l’UNamur.  À partir de l’époque des Lumières, cet art de la mise en doute (étymologiquement, « critiquer », qui vient du grec, signifie « discerner ») se conçoit aussi comme la possibilité de faire usage public de la raison. « Dans la conception de Kant, la critique comporte une dimension d’émancipation », développe Sabina Tortorella.  « Elle consiste à sortir d’un état de tutelle, par ailleurs souvent très commode... » Avec Kant émerge aussi l’idée qu’il ne faut pas seulement se méfier du dogmatisme ou de ses émotions, mais de ses propres raisonnements : c’est la raison même qui fait l’objet de la critique. Bien sûr, cette disposition critique n’est pas la responsabilité des seuls individus : elle exige des institutions qui autorisent et encouragent le débat, la discussion, la confrontation.  « L’esprit critique est une attitude, un éthos qui ne peut pas se développer dans n’importe quel contexte », souligne Sabina Tortorella. « C’est pourquoi renforcer l’esprit critique demande d’abord de renforcer les institutions démocratiques. »

Proportionner sa confiance

« L’esprit critique pourrait être défini comme la faculté de proportionner correctement la confiance qu’on accorde à certains discours en fonction de leur qualité intrinsèque », commente Olivier Sartenaer, chargé de cours en philosophie des sciences à l'UNamur. 

Olivier Sartenaer
Olivier Sartenaer

« Autrement dit, si l’on est critique, on doit accorder beaucoup de confiance aux discours fiables et peu ou pas de confiance à ceux qui sont peu fiables. Par exemple, le platisme, qui considère que la terre est plate, peut être considéré comme une théorie peu fiable. Y croire beaucoup, c’est donc faire preuve de peu d’esprit critique. » Paradoxalement, la pensée complotiste revendique pourtant avec virulence son caractère critique, alors que, comme le souligne Sabina Tortorella, « l’esprit critique n’est pas le scepticisme radical. » Cette faculté de proportionner adéquatement sa confiance ne peut d’ailleurs être assimilée à la notion d’intelligence. « Cela relève aussi de dispositions psychosociales », souligne Olivier Sartenaer. « On sait par exemple que le climatoscepticisme est le fait de gens plutôt conservateurs. Concernant des cas extrêmes comme le platisme, on retrouve souvent une souffrance psychosociale, une forme de marginalité. Adhérer au platisme, c’est alors trouver une communauté, un sentiment d’appartenance. Si l’on était dans une société moins violente, plus bienveillante, il y aurait probablement moins d’adhésion à ces théories. »

Un privilège qui oblige 

Car la possibilité d’exercer son esprit critique est aussi une forme de privilège. « La faculté de discernement demande du temps et de l’énergie : c’est un travail qui met en jeu des dispositifs cognitifs assez coûteux », poursuit Olivier Sartenaer. « Tout le monde est capable d’avoir de l’esprit critique, mais s’asseoir et avoir le temps de penser est un luxe inouï », rappelle de son côté Géraldine Mathieu, professeure à la Faculté de droit de l’UNamur. Un luxe qui, selon elle, oblige à une forme d’engagement. « L’esprit critique, c’est aussi critiquer la norme, la loi, la jurisprudence et la combattre quand elle ne nous paraît pas juste », souligne la spécialiste du droit de la jeunesse. « Mon message aux étudiants est de leur faire comprendre qu’ils peuvent faire évoluer les choses. Cela suppose donc une forme de courage. » 

En ce sens, Géraldine Mathieu estime que l’université doit aujourd’hui se réinventer. « Nous ne pouvons plus former des étudiants qui soient de purs théoriciens. » Dans cette optique, elle propose donc à ses étudiants de découvrir les enjeux liés au droit de la jeunesse via le service-learning (apprentissage par le service), une alternative aux travaux valorisée par des crédits. 70 % d’entre eux choisissent aujourd’hui cette option.

Géraldine Mathieu
Géraldine Mathieu

« Si je leur apprends les textes, je ne leur apprends rien ou presque. Le service-learning, lui, requiert à la fois de s’engager socialement, de réfléchir de manière critique, mais aussi de se comprendre soi-même et de comprendre la société. » Que ce soit aux côtés des Mena accompagnés par la Croix-Rouge, dans des pouponnières, des IPPJ, des maisons de quartier ou dans les services pédiatriques des hôpitaux, les étudiants peuvent ainsi développer leur esprit critique à partir de réalités de terrain hétérogènes et complexes. « Cela leur permet aussi de se rendre compte dès le départ si le métier leur convient. Car la réalité est souvent très dure », commente l’enseignante.

Déluge épistémique

De tout temps, l’exercice de l’esprit critique a exigé un apprentissage, une discipline, un engagement. Mais aujourd’hui, la surcharge informationnelle fait émerger de nouvelles difficultés. « On parle parfois d’"epistemic flooding" ou de "déluge épistémique" », explique Olivier Sartenaer. « Il y aurait simplement trop d’informations qui nous parviennent pour qu’on puisse les intégrer en faisant preuve d’esprit critique. » Sélectionner ses sources est donc une première étape essentielle. « Les étudiants doivent apprendre à ne pas foncer tête baissée sur les ressources », explique Élodie Mercy, bibliothécaire au sein du groupe formation de la BUMP (Bibliothèque universitaire Moretus Plantin). « C’est pourquoi on leur apprend à interroger les sources, à identifier les bonnes méthodologies, à trier l’information. » Marie-France Juchert, directrice de la BUMP, estime de son côté que sortir de l’université sans posséder ces compétences serait un véritable « échec ». « Aujourd’hui, les métiers évoluent », souligne-t-elle. « Il faut être capable de se former tout au long de la vie. Savoir se documenter est donc indispensable. » 

D’autant que l’émergence de l’intelligence artificielle a compliqué davantage encore le rapport aux sources. Katrien Beuls, professeure en intelligence artificielle à l’UNamur, estime ainsi que ChatGPT fait peser sur l’esprit critique des menaces inédites. Loin des discours rassurants de certains confrères, elle rappelle que la majorité des étudiants – et des citoyens – ignorent le fonctionnement des LLM (Large Language Model), qui ne sont en aucune manière des moteurs de recherche, mais des systèmes statistiques appliqués à la linguistique. « ChatGPT ne fait que deviner les mots qui suivent », rappelle-t-elle. « Il n’y a aucune base de connaissance derrière. 

Or, les étudiants pensent que c’est le nouveau Google ! » Pour Katrien Beuls, il est donc urgent de renforcer « les connaissances de base », sans lesquelles il est impossible d’exercer son esprit critique face aux IA. « Les étudiants me disent qu’ils utilisent ChatGPT simplement pour brainstormer... mais justement : former des pensées par soi-même, être créatif est la chose la plus difficile ! » 

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Katrien Beuls

Katrien Beuls alerte surtout sur la menace que les LLM font peser sur les compétences rédactionnelles. « Aujourd’hui, tous les étudiants utilisent ChatGPT. Il est donc devenu impossible de demander des travaux écrits... Or apprendre à écrire nourrit l’esprit critique. C’est quelque chose de très difficile – tout le monde le sait ! – et qui doit être entraîné presque chaque jour. À l’école, on n’utilise pas de calculatrice avant de maîtriser les bases du calcul ou de correcteur orthographique avant de bien maîtriser la langue... Cela devrait être pareil pour l’écriture. »

Pour autant, comme le souligne Olivier Sartenaer, penser que les jeunes, parce que biberonnés aux réseaux sociaux, auraient abdiqué leurs capacités critiques est sans fondement. C’est d’ailleurs ce qu’a encore montré le dernier « baromètre de l’esprit critique ».[1] « La formation des jeunes comprend aujourd’hui l’éducation aux médias, ce qui a tendance à les rendre plus critiques : en matière de "fake news", ce sont d’ailleurs souvent les personnes plus âgées qui tombent dans le panneau... », relève le philosophe. Par ailleurs, pour OIivier Sartenaer, la sensibilité accrue des jeunes aux questions de discriminations est précisément une preuve de l’excellente santé de leur esprit critique. « Ne pas accepter des choses injustes au nom de l’argument autorité est bel et bien une manifestation de l’esprit critique... même si c’est parfois déroutant et inconfortable pour les enseignants », conclut-il. 

 

[1] https://www.universcience.fr/fr/esprit-critique/barometre-esprit-critique-2025

71% des 15-24 ans estiment par exemple que les scientifiques suivent des règles éthiques strictes (contre 62% chez les 18 ans et +), 69% que ce sont les mieux placés dans leur domaine pour savoir ce qui est bon pour les citoyens (contre 57%), 62% estiment que la science est la seule source fiable de savoir (contre 53%), 66% que les scientifiques sont indépendants (contre 53%). Mais ils craignent en revanche davantage le pouvoir détenu par les scientifiques, qui peut les rendre dangereux (73% contre 65%). 

La théorie du raisonnement motivé

Dans sa conférence-spectacle « L’instant critique », un seul en scène élaboré dans le cadre de sa thèse de doctorat, Régis Falque, chercheur à la faculté EMCP (Économie Management Communication sciencesPo) de l’UNamur, entreprend de « faire vivre de manière expérientielle des moments d’esprit critique et des expériences sociales avec le public ». Accessible dès la quatrième secondaire, ce dispositif pédagogique explore comment « l’esprit critique relève à la fois de compétences comme la capacité à reconnaître un argument, à évaluer un raisonnement, à mener des recherches, mais aussi de dispositions comme l’ouverture d’esprit et l’empathie », résume Régis Falque. Une combinaison qui forme ce qu’on appelle « la vertu intellectuelle ». Vertu que personne ne peut se prévaloir de posséder une fois pour toutes... Face à des sujets « idéologiquement chaud » (vaccination, pseudosciences...), notre avis peut en effet influencer l’activation de nos compétences critiques. C’est ce qu’on appelle la théorie du raisonnement motivé. « Confronté à un sujet sur lequel il a une posture idéologique, même un individu avec un prix Nobel peut ne pas activer ses compétences liées à l’esprit critique ou plus dramatique encore, activer ses compétences dans le seul but de justifier son point de vue sur le sujet », souligne Régis Falque. Manière de rappeler qu’il n’existe pas de « professionnel de l’esprit critique » et que la vertu intellectuelle ne va jamais sans une forme de modestie. 

Régis Falque

Esprit critique et pédagogie immersive

Pour stimuler l’esprit critique de ses étudiants, Mélanie Latiers, enseignante au sein de la Faculté des Sciences économiques, sociales et de gestion de l’UNamur, utilise la pédagogie immersive. « Dès les premières semaines de cours, on emmène les étudiants deux jours en dehors de l’université pour travailler le processus créatif et la construction de leur projet. » Après le handicap et la précarité, les étudiants sont cette année invités à travailler autour du développement durable. L’objectif ? Partir de connaissances sensibles plutôt que théoriques pour mettre au point des projets davantage connectés aux problématiques. « La première année, la réalité virtuelle a permis aux étudiants de se plonger dans le quotidien d’un travailleur en situation de handicap (trouble de l’autisme, handicap visuel, etc.) », explique Mélanie Latiers. « Lorsque nous avons travaillé sur la précarité, nous avons utilisé une installation artistique "A mile in my shoes", qui, à partir de leur paire de chaussures, faisait entendre l’histoire de personnes en difficulté. » Une approche qui vise à « dézoomer de ses préconceptions » pour renouer dans un second temps avec une posture « plus scientifique ». « Grâce à cette approche, les étudiants se sentent davantage acteurs, moins impuissants par rapport à ces enjeux », résume l’enseignante. 

Cet article est tiré de la rubrique "Enjeux" du magazine Omalius #35 (Juillet 2025).

Omalius #37

Intelligence artificielle, un danger pour la démocratie ?

Paroles d'experts
Démocratie

Peut-on encore parler de démocratie lorsque des algorithmes influencent nos choix électoraux ou participent à la rédaction des lois ? Cette thématique est étudiée par Aline Nardi, chercheuse à la Faculté de droit et membre du Namur Digital Institute (NADI). 

 

Aline Nardi

Plusieurs projets visent déjà à confier une partie du travail législatif à l’intelligence artificielle (IA). Si pour l’instant, il s’agit essentiellement d’outils de retranscription des débats parlementaires, de traduction ou d’analyse des archives, des outils de rédaction ou des textes de loi sont également envisagés. Recourir à l’IA peut paraître intéressant : elle peut améliorer la lisibilité ou faciliter la standardisation. Mais, selon ses usages, elle ne respecte pas spontanément les principes fondamentaux du processus législatif tels que la légalité, la proportionnalité ou l’égalité. Ces exigences établies par la Cour constitutionnelle font l’objet de nombreuses décisions jurisprudentielles. Dans le cadre d’une thèse de doctorat, Aline Nardi, les passe au crible pour voir si l’utilisation de l’IA est possible dans les processus législatifs.

Son constat ? « Pour certaines tâches plus critiques, qui dépassent la simple édition, des problèmes se posent ». Elle pointe notamment l’opacité du raisonnement, puisqu’« il est difficile de retracer pourquoi l’IA suggère telle piste à partir de la requête qu’on lui soumet ». Or, dans un État de droit, cheminement législatif doit être transparent et compréhensible afin d’être éventuellement contesté par les parlementaires et les citoyens.

À cela s’ajoutent des enjeux de légitimité démocratique : « La société qui va développer le système utilisé par les assemblées parlementaires peut influencer des décisions extrêmement importantes pour une nation. Un parlementaire est-il encore utile s’il n’est là que pour ratifier des décisions prises par une machine ? », s’interroge la juriste. 

Des élections influencées par l’IA

Côté citoyens, l’IA transforme depuis quelques années déjà les campagnes électorales. Microciblage, désinformation automatisée, manipulation des émotions via les réseaux sociaux : autant d’outils redoutables qui peuvent biaiser le débat public. La campagne présidentielle américaine de 2016 illustre clairement cette problématique. « La société Cambridge Analytica a par exemple ciblé et influencé les électeurs indécis dont les positions pouvaient être orientées au profit de Donald Trump. Environ 20 millions d’indécis ont ainsi reçu des messages sur mesure, tels que des mèmes, des vidéos, des articles de blog en faveur de Trump », rappelle Aline Nardi. Combinée aux réseaux sociaux, l’IA remet donc en cause le droit des électeurs à se forger une opinion à partir d’une information pluraliste et fiable.

Plus récemment, la Cour constitutionnelle roumaine a invalidé l’élection présidentielle de 2024 pour cause d’usage abusif de l’IA et de manque de transparence dans les campagnes numériques. « Cela a affecté le caractère librement exprimé du vote des citoyens et en particulier leur droit d’être correctement informés », explique Aline Nardi

L’Union européenne tente d’agir face à ces dérives. Plusieurs règlements ont été mis en place. Ils visent à encadrer les technologies numériques et à limiter leurs effets néfastes sur l’espace informationnel, notamment lors de processus électoraux. Parmi ces règlements : le Digital Services Act (DSA), le règlement sur l’IA et le règlement relatif à la transparence et au ciblage de la publicité à caractère politique (TTPA). Ces règlements ont d’ailleurs poussé Google et plus récemment Meta, à ne plus autoriser les publicités politiques, électorales et portant sur les enjeux sociaux dans l’Union européenne.

« Il subsiste toutefois une interrogation quant à l’applicabilité, la mise en œuvre concrète et l’effectivité de certaines normes issues des corpus de droit du numérique », alerte Aline Nardi qui appelle à « sortir de ce flou juridique ».

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  • Université et démocratie : un lien vivant, parfois menacé

Une année académique placée sous la thématique de la démocratie

Retrouvez le discours prononcé par la Rectrice Annick Castiaux lors de la Cérémonie de rentrée académique 2025-2026.

Discours de la Rectrice à la Cérémonie de rentrée académique 2025-2026

Cet article est tiré de la rubrique "Enjeux" du magazine Omalius #38 (Septembre 2025).

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Université et démocratie : un lien vivant, parfois menacé

Paroles d'experts
Démocratie

Méfiance envers les institutions politiques traditionnelles et les élus, montée des logiques autoritaires, définancement des services publics… La démocratie semble aujourd’hui traverser une zone de turbulences. Dans ce contexte, quel rôle l’université joue-t-elle ? Pour éclairer cette question, nous avons rencontré quatre chercheurs issus de disciplines différentes : la pédagogue Sephora Boucenna, le philosophe Louis Carré, le politologue Vincent Jacquet, la juriste Aline Nardi. Leurs regards croisés dessinent les contours d’un enjeu plus que jamais d’actualité : penser et défendre le lien entre université et démocratie.

démocratie-visages

La démocratie n’a rien d’un concept figé. Elle fait débat, surtout aujourd’hui. Louis Carré, directeur du Département de philosophie et membre de l’Espace philosophique de Namur (Institut ESPHIN), en propose une définition en trois dimensions : un régime politique, un état de droit et une manière de faire société.

Le concept de démocratie : entre pouvoir du peuple et centralisation

« Étymologiquement, la démocratie est un régime politique qui consiste à donner le pouvoir au peuple », rappelle-t-il. « Nos démocraties occidentales reposent aujourd’hui sur l’idée que le peuple est souverain, sans pour autant gouverner directement. De là naît une tension entre la démocratie idéale et la démocratie réelle. » Vincent Jacquet, professeur au Département des sciences sociales, politiques et de la communication et président de l’Institut Transitions appuie le propos : « La démocratie est un idéal d’autogouvernement des citoyens, mais il est en tension avec des logiques plus centralisatrices, plus autoritaires. […] Nos systèmes politiques sont traversés par ces différentes tensions, avec à la fois des logiques autoritaires de plus en plus présentes, y compris chez nous, et des logiques de participation qui s’accompagnent parfois de beaucoup d’espoir et de déception aussi. »

Deuxième pilier selon Louis Carré : l’État de droit. La démocratie garantit les droits fondamentaux de tous les citoyens par la constitution. Mais là encore, gare aux paradoxes : « On pourrait en effet imaginer des lois prises par la majorité des représentants ou par un référendum, mais qui contreviennent aux droits fondamentaux », souligne le philosophe. La démocratie ne peut donc se résumer au seul principe majoritaire.

Enfin, la démocratie est également une manière de faire société. Elle repose sur un réel pluralisme : diversité des opinions, des croyances et des valeurs. « Cela suppose l’existence d’un espace public relativement autonome face au pouvoir en place qui, par moment, conteste les décisions prises par les gouvernements qui ont été élus », insiste Louis Carré.

La méfiance des citoyens vis-à-vis du politique n’est, à ce titre, pas nécessairement un symptôme de crise démocratique. Elle peut même en être un signe de vitalité, comme l’explique Vincent Jacquet : « Le fait que les citoyens soient critiques envers leur gouvernement n’est pas forcément négatif parce que, dans une démocratie, les citoyens doivent pouvoir contrôler les actions des gouvernants ».

Photo de Vincent Jacquet
Vincent Jacquet

Former les gouvernants… et les gouvernés

Dans ce contexte, quelle est la responsabilité de l’université ? Louis Carré rappelle d’abord une réalité simple : une grande partie de nos élus sont passés par les bancs de l’université. Mais sa mission d’enseignement ne s’arrête pas là. « Il s’agit de former des citoyens éclairés, pas seulement des gouvernants. Les universités doivent offrir un enseignement supérieur de qualité, ouvert au plus grand nombre », affirme-t-il.

« La démocratie suppose en effet des citoyens capables de débattre, de réfléchir, de problématiser les enjeux », complète Sephora Boucenna, doyenne de la Faculté des sciences de l’éducation et de la formation et membre de l’Institut de Recherches en Didactiques et Éducation de l’UNamur (IRDENA). Il s’agit donc de former des esprits réflexifs, aptes à interroger leur époque.

Former des enseignants réflexifs, pour des citoyens critiques

L’université forme également ceux qui, demain, éduqueront les générations futures : les enseignants. Et là encore, la démocratie est en jeu.

 « Notre mission est de former des enseignants réflexifs qui, eux-mêmes, apprendront à leurs élèves à penser de manière critique », insiste Sephora Boucenna. Cela passe par un travail en profondeur sur l’analyse de pratiques, la construction collective et l’apprentissage du débat, dès la formation initiale des enseignants jusqu'à leur formation continue. 

Sephora BOUCENNA
Sephora Boucenna

Produire et diffuser du savoir… en toute indépendance

Outre l’enseignement, l’université a également une mission de recherche et de service à la société. Elle produit des savoirs qui peuvent éclairer les politiques publiques, mais aussi les questionner. Cette fonction critique suppose une indépendance réelle vis-à-vis du politique. « Pour analyser avec lucidité les mécanismes démocratiques, y compris ceux que les gouvernements mettent en place, il faut que l’université garde sa liberté de recherche et de parole », souligne Vincent Jacquet.

 

Louis Carré va plus loin : « Comme la presse, l’université est une forme de contre-pouvoir dans l’espace public ». Il précise par ailleurs qu’« il y a une confusion entre liberté d’opinion et liberté académique. Les savoirs universitaires passent par une série de procédures de vérification, d’expérimentation, de discussion au sein de la communauté scientifique. Cela leur donne une robustesse qui n’est pas celle d’une opinion, d’une valeur, d’une croyance. » 

Louis Carré
Louis Carré

Cette fonction critique de l’université suppose donc une indépendance forte. Or, en Belgique, le financement des universités relève largement du pouvoir politique. « Celane doit pas signifier une mise sous tutelle », alerte Louis Carré. « Mener des recherches critiques, qui ne satisfont pas à court terme des commanditaires, demande une indépendance, y compris de moyens. Il faut des chercheurs en nombre qui puissent analyser différents types de dynamiques. Plus on coupera dans les finances de la recherche, comme c’est le cas aujourd’hui, moins on aura de chercheurs et donc de capacité d’analyse indépendante et de diversité des perspectives », insiste Vincent Jacquet.

Le mouvement « Université en colère », récemment lancé au sein des universités de la Fédération Wallonie-Bruxelles, entend dénoncer les effets du définancement. Ses représentants appellent à « garantir les conditions de développement d’une université ouverte, indépendante, de qualité et accessible au plus grand nombre. Face aux défis sociaux, économiques et politiques de notre temps et parce que d’autres choix de société, et donc budgétaires, sont possibles, il est plus que jamais essentiel de renforcer les institutions et les acteurs au cœur de la production du savoir. » 

Entre vigilance et engagement : un lien à réinventer

La démocratie ne se limite donc ni aux élections ni aux institutions. Elle repose sur une vigilance collective, portée par les citoyens, les savoirs… et les lieux où ces savoirs se construisent. À ce titre, l’université apparaît comme un maillon essentiel de la vitalité démocratique. À condition de rester indépendante, accessible et ouverte sur la société.

« La démocratie, ce n’est pas seulement une affaire d’institutions. C’est l’affaire de citoyens qui la font vivre et qui s’organisent pour faire valoir leurs perspectives à différents moments », insiste Vincent Jacquet. Une invitation claire à ne pas rester spectateur, mais à participer, avec lucidité et exigence, à la construction d’un avenir démocratique commun.

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Une année académique, placée sous la thématique de la démocratie

Retrouvez le discours prononcé par la Rectrice Annick Castiaux lors de la Cérémonie de rentrée académique 2025-2026.

Discours de la Rectrice à la Cérémonie de rentrée académique 2025-2026

Cet article est tiré de la rubrique "Enjeux" du magazine Omalius #38 (Septembre 2025).

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Article
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Faculté de droit

Former les experts en droit du numérique

Droit
Étudiants
Futurs étudiants

La cérémonie de diplomation du master de spécialisation en Droit du Numérique a eu lieu ce vendredi 3 octobre 2025 en présence de la Rectrice, Annick Castiaux, et de la Ministre fédérale du Numérique et de la Politique Scientifique, Vanessa Matz. Une double présence qui symbolise l'importance du rôle des nouveaux diplômés dans nos sociétés toujours plus numérisées.

Cérémonie de diplomation du master de spécialisation en Droit du Numérique

Il est dans la nature du droit de travailler dans le temps long. Mais lorsque l'objet même de ce droit est par essence mouvant et en constante évolution, il est parfois difficile de garder le rythme. 

"La technologie évolue très rapidement, et c'est pour cette raison que tous les cours donnés durant ce Master de spécialisation en Droit du Numérique sont en lien avec les recherches que nous menons ici au CRIDS (cf. encadré), éclaire Élise Degrave, Professeur de Droit et directrice du Master. Tous les professeurs donnent des cours en lien avec leur thématique de recherche, et ces derniers évoluent au gré des résultats que nous obtenons et partageons avec les étudiants."

D'une durée d'un an, accessible aux titulaires d'un premier Master sur dossier, ce Master de spécialisation couvre un large programme : commerce, communications, vie privée, propriété intellectuelle, gouvernance internationale, information, intelligence artificielle… 

"Le Master est dense, avec un panel de cours très à jour, qui nous donne véritablement une vision à 360° de nos futurs métiers, estime Emma Belot, fraîchement diplômée et déjà embauchée dans un cabinet d'avocat. Cela se voit dès que nous entrons dans le monde du travail, et en particulier dans le domaine technique. On ne peut pas se revendiquer spécialiste du droit des nouvelles technologies sans comprendre la technologie dont on parle. Or cette dernière compte pour une large part de notre formation, en lien avec la faculté d'informatique."

En plus des cours théoriques, les étudiants peuvent également compter sur une pédagogie dont la Rectrice Annick Castiaux a souligné le caractère innovant. "Outre le stage en immersion professionnelle, les étudiants participent au Namur Legal Lab, qui prodigue des conseils juridiques aux start-up, ainsi qu'à un séminaire qui les forme à travailler en équipe, a-t-elle déclaré.

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Photo d'Annick Castiaux

Il est important que ce Master soit toujours en évolution pour rester à la pointe par rapport aux enjeux de société liés au numérique.

Annick Castiaux Rectrice de l'Université de Namur

Des enjeux dont les responsables du Master ont pleinement conscience, eux qui s'attachent à former des juristes très attentifs aux garde-fous nécessaires au fonctionnement d'une société libérale et démocratique.

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Elise DEGRAVE

A nos yeux, un juriste est un professionnel qui anticipe les problèmes pour les éviter par la suite. Nos étudiants sont formés dans cette optique. En étant capable de discuter en amont avec un technicien dont ils comprennent les problèmes, ils peuvent ainsi montrer que prendre en compte les garde-fous juridiques dès le départ permet d'éviter une perte de temps et d'argent importante, plutôt que de déconstruire les outils par la suite parce qu'ils ne respectent pas la législation.

Élise Degrave Professeur de Droit et directrice du Master de spécialisation en Droit du Numérique

La Ministre Vanessa Matz a, quant à elle, souligné l'importance pour la Belgique et l'Europe de former des experts capables de répondre à ces problématiques pressantes. "Contrôler l'exploitation des données personnelles, protéger le droit d'auteur face à l'utilisation de l'intelligence artificielle générative, ou encore réguler les plateformes et les GAFAM ne sont pas des questions théoriques, estime-t-elle. Elles exigent un équilibre délicat entre progrès et éthique, et ce sera aux nouveaux diplômés du Master d'y répondre en écrivant les futures règles du jeu."

Le Centre de Recherche Information, Droit et Société (CRIDS)

Le Master de Spécialisation en Droit du Numérique dépend du CRIDS, le Centre de Recherche Information, Droit et Société. Fondé en 1979, et dirigé aujourd'hui par le Pr Hervé Jacquemin et co-dirigé par le chercheur Jean-Marc Van Gyseghem, il s'agit d'un centre de recherche interdisciplinaire qui mène des recherches de pointe dans des domaines comme les communications numériques, la vie privée, la propriété intellectuelle, la cybersécurité ou encore la gouvernance des algorithmes, le e-commerce ou le e-gouvernement. 

Enseigner l’esprit critique

Intelligence Artificielle
Étudiants

Art du doute fécond, l’esprit critique s’apprend et s’entretient. Face à la surcharge d’information et au déploiement de l’intelligence artificielle, il est plus que jamais nécessaire pour les étudiants de développer cette faculté tout au long de leur cursus. À l’UNamur, cette nécessité pédagogique se veut protéiforme. 

esprit-critique-etudiants

Toute pensée qui se forme dans notre conscience est influencée à la fois par des contraintes externes – argument d’autorité, dogmatisme – mais aussi par des contraintes internes – opinions, émotions, suggestions. Faire preuve d’esprit critique est donc toujours d’abord un exercice réflexif, comme l’illustrait déjà Socrate. « À travers la maïeutique, l’art du dialogue, Socrate cherchait à remettre en question ses propres opinions. Il disait : la seule chose que je sais, c’est que je ne sais rien », rappelle Sabina Tortorella, chercheuse en philosophie politique à l’UNamur.  À partir de l’époque des Lumières, cet art de la mise en doute (étymologiquement, « critiquer », qui vient du grec, signifie « discerner ») se conçoit aussi comme la possibilité de faire usage public de la raison. « Dans la conception de Kant, la critique comporte une dimension d’émancipation », développe Sabina Tortorella.  « Elle consiste à sortir d’un état de tutelle, par ailleurs souvent très commode... » Avec Kant émerge aussi l’idée qu’il ne faut pas seulement se méfier du dogmatisme ou de ses émotions, mais de ses propres raisonnements : c’est la raison même qui fait l’objet de la critique. Bien sûr, cette disposition critique n’est pas la responsabilité des seuls individus : elle exige des institutions qui autorisent et encouragent le débat, la discussion, la confrontation.  « L’esprit critique est une attitude, un éthos qui ne peut pas se développer dans n’importe quel contexte », souligne Sabina Tortorella. « C’est pourquoi renforcer l’esprit critique demande d’abord de renforcer les institutions démocratiques. »

Proportionner sa confiance

« L’esprit critique pourrait être défini comme la faculté de proportionner correctement la confiance qu’on accorde à certains discours en fonction de leur qualité intrinsèque », commente Olivier Sartenaer, chargé de cours en philosophie des sciences à l'UNamur. 

Olivier Sartenaer
Olivier Sartenaer

« Autrement dit, si l’on est critique, on doit accorder beaucoup de confiance aux discours fiables et peu ou pas de confiance à ceux qui sont peu fiables. Par exemple, le platisme, qui considère que la terre est plate, peut être considéré comme une théorie peu fiable. Y croire beaucoup, c’est donc faire preuve de peu d’esprit critique. » Paradoxalement, la pensée complotiste revendique pourtant avec virulence son caractère critique, alors que, comme le souligne Sabina Tortorella, « l’esprit critique n’est pas le scepticisme radical. » Cette faculté de proportionner adéquatement sa confiance ne peut d’ailleurs être assimilée à la notion d’intelligence. « Cela relève aussi de dispositions psychosociales », souligne Olivier Sartenaer. « On sait par exemple que le climatoscepticisme est le fait de gens plutôt conservateurs. Concernant des cas extrêmes comme le platisme, on retrouve souvent une souffrance psychosociale, une forme de marginalité. Adhérer au platisme, c’est alors trouver une communauté, un sentiment d’appartenance. Si l’on était dans une société moins violente, plus bienveillante, il y aurait probablement moins d’adhésion à ces théories. »

Un privilège qui oblige 

Car la possibilité d’exercer son esprit critique est aussi une forme de privilège. « La faculté de discernement demande du temps et de l’énergie : c’est un travail qui met en jeu des dispositifs cognitifs assez coûteux », poursuit Olivier Sartenaer. « Tout le monde est capable d’avoir de l’esprit critique, mais s’asseoir et avoir le temps de penser est un luxe inouï », rappelle de son côté Géraldine Mathieu, professeure à la Faculté de droit de l’UNamur. Un luxe qui, selon elle, oblige à une forme d’engagement. « L’esprit critique, c’est aussi critiquer la norme, la loi, la jurisprudence et la combattre quand elle ne nous paraît pas juste », souligne la spécialiste du droit de la jeunesse. « Mon message aux étudiants est de leur faire comprendre qu’ils peuvent faire évoluer les choses. Cela suppose donc une forme de courage. » 

En ce sens, Géraldine Mathieu estime que l’université doit aujourd’hui se réinventer. « Nous ne pouvons plus former des étudiants qui soient de purs théoriciens. » Dans cette optique, elle propose donc à ses étudiants de découvrir les enjeux liés au droit de la jeunesse via le service-learning (apprentissage par le service), une alternative aux travaux valorisée par des crédits. 70 % d’entre eux choisissent aujourd’hui cette option.

Géraldine Mathieu
Géraldine Mathieu

« Si je leur apprends les textes, je ne leur apprends rien ou presque. Le service-learning, lui, requiert à la fois de s’engager socialement, de réfléchir de manière critique, mais aussi de se comprendre soi-même et de comprendre la société. » Que ce soit aux côtés des Mena accompagnés par la Croix-Rouge, dans des pouponnières, des IPPJ, des maisons de quartier ou dans les services pédiatriques des hôpitaux, les étudiants peuvent ainsi développer leur esprit critique à partir de réalités de terrain hétérogènes et complexes. « Cela leur permet aussi de se rendre compte dès le départ si le métier leur convient. Car la réalité est souvent très dure », commente l’enseignante.

Déluge épistémique

De tout temps, l’exercice de l’esprit critique a exigé un apprentissage, une discipline, un engagement. Mais aujourd’hui, la surcharge informationnelle fait émerger de nouvelles difficultés. « On parle parfois d’"epistemic flooding" ou de "déluge épistémique" », explique Olivier Sartenaer. « Il y aurait simplement trop d’informations qui nous parviennent pour qu’on puisse les intégrer en faisant preuve d’esprit critique. » Sélectionner ses sources est donc une première étape essentielle. « Les étudiants doivent apprendre à ne pas foncer tête baissée sur les ressources », explique Élodie Mercy, bibliothécaire au sein du groupe formation de la BUMP (Bibliothèque universitaire Moretus Plantin). « C’est pourquoi on leur apprend à interroger les sources, à identifier les bonnes méthodologies, à trier l’information. » Marie-France Juchert, directrice de la BUMP, estime de son côté que sortir de l’université sans posséder ces compétences serait un véritable « échec ». « Aujourd’hui, les métiers évoluent », souligne-t-elle. « Il faut être capable de se former tout au long de la vie. Savoir se documenter est donc indispensable. » 

D’autant que l’émergence de l’intelligence artificielle a compliqué davantage encore le rapport aux sources. Katrien Beuls, professeure en intelligence artificielle à l’UNamur, estime ainsi que ChatGPT fait peser sur l’esprit critique des menaces inédites. Loin des discours rassurants de certains confrères, elle rappelle que la majorité des étudiants – et des citoyens – ignorent le fonctionnement des LLM (Large Language Model), qui ne sont en aucune manière des moteurs de recherche, mais des systèmes statistiques appliqués à la linguistique. « ChatGPT ne fait que deviner les mots qui suivent », rappelle-t-elle. « Il n’y a aucune base de connaissance derrière. 

Or, les étudiants pensent que c’est le nouveau Google ! » Pour Katrien Beuls, il est donc urgent de renforcer « les connaissances de base », sans lesquelles il est impossible d’exercer son esprit critique face aux IA. « Les étudiants me disent qu’ils utilisent ChatGPT simplement pour brainstormer... mais justement : former des pensées par soi-même, être créatif est la chose la plus difficile ! » 

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Katrien Beuls

Katrien Beuls alerte surtout sur la menace que les LLM font peser sur les compétences rédactionnelles. « Aujourd’hui, tous les étudiants utilisent ChatGPT. Il est donc devenu impossible de demander des travaux écrits... Or apprendre à écrire nourrit l’esprit critique. C’est quelque chose de très difficile – tout le monde le sait ! – et qui doit être entraîné presque chaque jour. À l’école, on n’utilise pas de calculatrice avant de maîtriser les bases du calcul ou de correcteur orthographique avant de bien maîtriser la langue... Cela devrait être pareil pour l’écriture. »

Pour autant, comme le souligne Olivier Sartenaer, penser que les jeunes, parce que biberonnés aux réseaux sociaux, auraient abdiqué leurs capacités critiques est sans fondement. C’est d’ailleurs ce qu’a encore montré le dernier « baromètre de l’esprit critique ».[1] « La formation des jeunes comprend aujourd’hui l’éducation aux médias, ce qui a tendance à les rendre plus critiques : en matière de "fake news", ce sont d’ailleurs souvent les personnes plus âgées qui tombent dans le panneau... », relève le philosophe. Par ailleurs, pour OIivier Sartenaer, la sensibilité accrue des jeunes aux questions de discriminations est précisément une preuve de l’excellente santé de leur esprit critique. « Ne pas accepter des choses injustes au nom de l’argument autorité est bel et bien une manifestation de l’esprit critique... même si c’est parfois déroutant et inconfortable pour les enseignants », conclut-il. 

 

[1] https://www.universcience.fr/fr/esprit-critique/barometre-esprit-critique-2025

71% des 15-24 ans estiment par exemple que les scientifiques suivent des règles éthiques strictes (contre 62% chez les 18 ans et +), 69% que ce sont les mieux placés dans leur domaine pour savoir ce qui est bon pour les citoyens (contre 57%), 62% estiment que la science est la seule source fiable de savoir (contre 53%), 66% que les scientifiques sont indépendants (contre 53%). Mais ils craignent en revanche davantage le pouvoir détenu par les scientifiques, qui peut les rendre dangereux (73% contre 65%). 

La théorie du raisonnement motivé

Dans sa conférence-spectacle « L’instant critique », un seul en scène élaboré dans le cadre de sa thèse de doctorat, Régis Falque, chercheur à la faculté EMCP (Économie Management Communication sciencesPo) de l’UNamur, entreprend de « faire vivre de manière expérientielle des moments d’esprit critique et des expériences sociales avec le public ». Accessible dès la quatrième secondaire, ce dispositif pédagogique explore comment « l’esprit critique relève à la fois de compétences comme la capacité à reconnaître un argument, à évaluer un raisonnement, à mener des recherches, mais aussi de dispositions comme l’ouverture d’esprit et l’empathie », résume Régis Falque. Une combinaison qui forme ce qu’on appelle « la vertu intellectuelle ». Vertu que personne ne peut se prévaloir de posséder une fois pour toutes... Face à des sujets « idéologiquement chaud » (vaccination, pseudosciences...), notre avis peut en effet influencer l’activation de nos compétences critiques. C’est ce qu’on appelle la théorie du raisonnement motivé. « Confronté à un sujet sur lequel il a une posture idéologique, même un individu avec un prix Nobel peut ne pas activer ses compétences liées à l’esprit critique ou plus dramatique encore, activer ses compétences dans le seul but de justifier son point de vue sur le sujet », souligne Régis Falque. Manière de rappeler qu’il n’existe pas de « professionnel de l’esprit critique » et que la vertu intellectuelle ne va jamais sans une forme de modestie. 

Régis Falque

Esprit critique et pédagogie immersive

Pour stimuler l’esprit critique de ses étudiants, Mélanie Latiers, enseignante au sein de la Faculté des Sciences économiques, sociales et de gestion de l’UNamur, utilise la pédagogie immersive. « Dès les premières semaines de cours, on emmène les étudiants deux jours en dehors de l’université pour travailler le processus créatif et la construction de leur projet. » Après le handicap et la précarité, les étudiants sont cette année invités à travailler autour du développement durable. L’objectif ? Partir de connaissances sensibles plutôt que théoriques pour mettre au point des projets davantage connectés aux problématiques. « La première année, la réalité virtuelle a permis aux étudiants de se plonger dans le quotidien d’un travailleur en situation de handicap (trouble de l’autisme, handicap visuel, etc.) », explique Mélanie Latiers. « Lorsque nous avons travaillé sur la précarité, nous avons utilisé une installation artistique "A mile in my shoes", qui, à partir de leur paire de chaussures, faisait entendre l’histoire de personnes en difficulté. » Une approche qui vise à « dézoomer de ses préconceptions » pour renouer dans un second temps avec une posture « plus scientifique ». « Grâce à cette approche, les étudiants se sentent davantage acteurs, moins impuissants par rapport à ces enjeux », résume l’enseignante. 

Cet article est tiré de la rubrique "Enjeux" du magazine Omalius #35 (Juillet 2025).

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Chaire Francqui 2025-2026 en Faculté de droit | Besoin d'environnement, besoin de droit ?

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Leçon inaugurale | Protéger l'environnement au-delà du politique

Oratrice : Delphine Misonne, Maître de recherches FNRS, Professeure à l'UCLouvain, Directrice du CEDRE et membre de l'Académie royale de Belgique.

Chaire Francqui 2025-2026 en Faculté de droit Delphine Misonne

Cette Chaire Francqui offre un regard neuf sur les avancées mais aussi les tensions qui caractérisent aujourd’hui la manière dont le droit organise la relation de la société à l’environnement, en tant que substrat essentiel à la vie humaine et à l’équilibre des écosystèmes. Loin de présenter ce droit comme ayant atteint son paroxysme, ce sont de ses avancées récentes majeures dont il sera discuté, ainsi que des risques de régression qui le menacent. Si l’ambition de protéger l’environnement est bien devenue une question juridique, comment ses ressorts essentiels sont-ils en train d’évoluer, que ce soit en matière climatique, dans le rapport à la santé humaine ou encore au statut accordé à la nature ?

La conférence sera suivie d'un drink local proposé par le Cercle de Droit, la Régionale la Binchoise et la Régionale RTM.

Évènement gratuit.  Inscription vivement souhaitée.

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Chaire Francqui 2025-2026 en Faculté de droit | Besoin d'environnement, besoin de droit ?

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Leçon 2 | Le droit de l’environnement menacé de disparition ?

Oratrice : Delphine Misonne, Maître de recherches FNRS, Professeure à l'UCLouvain, Directrice du CEDRE et membre de l'Académie royale de Belgique.

Chaire Francqui 2025-2026 en Faculté de droit Delphine Misonne

Cette Chaire Francqui offre un regard neuf sur les avancées mais aussi les tensions qui caractérisent aujourd’hui la manière dont le droit organise la relation de la société à l’environnement, en tant que substrat essentiel à la vie humaine et à l’équilibre des écosystèmes. Loin de présenter ce droit comme ayant atteint son paroxysme, ce sont de ses avancées récentes majeures dont il sera discuté, ainsi que des risques de régression qui le menacent. Si l’ambition de protéger l’environnement est bien devenue une question juridique, comment ses ressorts essentiels sont-ils en train d’évoluer, que ce soit en matière climatique, dans le rapport à la santé humaine ou encore au statut accordé à la nature ?

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Découvrez la vie universitaire lors des cours ouverts de printemps !

5 jours pour plonger dans le quotidien des étudiants

Pendant les congés de l’enseignement secondaire, l’Université de Namur vous invite à vivre l’expérience universitaire de l’intérieur.

Assistez à des cours (plus de 300 heures accessibles), participez à des travaux pratiques, rencontrez des professeurs et explorez le campus et la ville.

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Professeur et étudiants de la Fac de droit

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