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Cédric Visart de Bocarmé

Humanisation de la justice, amélioration de son fonctionnement au quotidien, ouverture vers l’extérieur : autant de thèmes qui tiennent au coeur de Cédric Visart de Bocarmé. Il est expert en matière pénale et, à ce titre, envoyé par le Conseil de l’Europe dans les pays de l’Est. En mai 2001, il fonde l’Union professionnelle de la magistrature, dont il assure aujourd’hui la présidence.
Cedric VisartVous avez réalisé vos candis droit à Namur : des années marquantes ?

Oui, dans la mesure où il s’agissait de mes premières années d’université et aussi parce que mes parents n’étant pas universitaires eux-mêmes, c’était pour moi un saut dans l’inconnu. Le Père Maon m’a beaucoup marqué... Je suis d’ailleurs toujours en contact avec lui ! Monsieur Lukachevski, professeur de sociologie et Léo Moulin étaient passionnants : ils nous apprenaient à prendre distance par rapport au cours et à réfléchir sur des questions de géopolitique... Il s’agissait de personnalités brillantes.

Est-ce important pour une ville comme Namur d’avoir une université ?

Ah oui, absolument. D’abord, il est très rare que nous ayons des dossiers avec des étudiants des Facultés. Et puis c’est un pôle important d’attraction et d’animation pour la ville dont la population vit assez renfermée sur elle-même. Les Facultés créent certainement une ouverture sur le plan de la collectivité, d’autant plus qu’elle est implantée dans la ville.

La Faculté de droit de Namur a 35 ans : la manière d’enseigner le droit a-t-elle évolué à votre avis ?

Pas tellement me semble-t-il. J’ai 2 enfants en candis droit à Namur maintenant, je peux donc un peu comparer. Les étudiants sont je pense mieux pris en charge, mieux suivis en TPs, etc. même si déjà à l’époque Namur était réputée pour le suivi de ses étudiants. On connaissait aux Facultés une relation de proximité avec les professeurs et les assistants qui n’existait pas ailleurs, et c’était utile. J’ai constaté avec plaisir que la faculté avait poursuivi dans cette voie, et même accentué cet aspect, malgré l’accroissement du nombre d’étudiants.

Après vos licences à Leuven, vous revenez à Namur, au barreau puis au Parquet, c’est alors que vous êtes appelé par le Ministre de la Justice, en 1988.

Il était important que le ministre soit entouré de conseillers techniciens qui appréhendent la matière pénale et qui puissent l’éclairer sur la lecture d’un dossier, les procédures, les conséquences, ...  J’ai fait une seconde excursion au cabinet du Ministre de la Justice, en tant que chef de cabinet adjoint, puis chef de cabinet de 1995 à 1998 : époque de l’affaire Dutroux, de l’affaire Cools, ... une expérience passionnante.

A 37 ans, vous êtes nommé Procureur du Roi à Namur : en quoi consiste votre mission ?

Ce métier a beaucoup évolué ces dernières années. Le parquet connaît aujourd’hui davantage d’interconnexions avec le monde extérieur : le ministère de la justice, le parquet fédéral, la police, le justiciable, la presse, etc. Il s’agit donc essentiellement d’un travail de gestion, de dynamisation d’une équipe, plus que de dossier. Il est également devenu important d’expliquer à l’extérieur ce que nous faisons. La justice a été beaucoup critiquée, sans doute en partie à cause de notre mauvaise communication. Je pense qu’à Namur, nous avons réussi cette ouverture vers l’extérieur. L’attention aux victimes et à leurs familles s’est aussi fortement développée, elle relève de cette même volonté d’ouverture, d’humanisation de la justice à laquelle j’attache beaucoup d’importance. Enfin, dans le cadre de ce métier nous devons élaborer une politique criminelle : nous nous concertons, nous uniformisons notre pratique, nous essayons de travailler « dans la même direction », ce qui ne se faisait pas avant.

Remarquez-vous une évolution de la délinquance dans la région ?

Pas en quantité de dossiers, mais en lourdeur et en gravité : les délinquants commettent des actes de plus en plus nombreux et de plus en plus violents. La criminalité s’aggrave, les dossiers de vols avec violence, de car-jacking, etc. ne sont plus exceptionnels. Elle s’est déplacée vers des cibles plus faibles : les facteurs, les personnes âgées, ... Elle est le fait d’une frange de la population exclue de notre société de consommation, révoltée, sur laquelle la répression n’a pas de prise. Deuxième phénomène : l’explosion du nombre de dossiers de mœurs. Des tabous ont été renversés, on ose parler de ces choses depuis l’affaire Dutroux, ce qui est positif. Mais malheureusement, ces questions sont aussi régulièrement utilisées comme prétexte pour faire du tort dans le cadre de divorces, etc. Le troisième phénomène concerne la drogue : on attache moins d’importance à la consommation et à la détention de drogues, mais je tiens cependant à maintenir une politique très ferme en matière de distribution, même si nous ne sommes pas toujours suivis par le tribunal. Enfin, le phénomène de la criminalité organisée, qu'il s'agisse de trafics en tout genre ou de la traite des êtres humains, mobilise de plus en plus nos énergies.

La justice est régulièrement critiquée :lenteur, dysfonctionnements...

La justice est en meilleur état que ce qu’on ne veut bien dire. Dans la plupart des tribunaux, comme à Namur, l’arriéré est pratiquement inexistant, même s’il existe des exceptions. Il lui est cependant difficile d’évoluer avec son temps. Nous utilisons certaines méthodes de travail archaïques, nous manquons de moyens, et puis la loi est ce qu’elle est : les délais y sont déterminés par exemple, ce qui explique pourquoi nous sommes lents à rendre la justice !