Aller au contenu. | Aller à la navigation

Université
Facultés
Études et Formations
Recherche
Service à la société
International

Matthieu Collard

Historien, auteur et metteur en scène de nombreux spectacles, animateur d’ateliers de théâtre, Matthieu Collard est aussi à l’origine d’un projet audacieux, 100 % belge (et namurois) et 100 % coopératif : le tout premier film d’animation consacré à l’histoire de la Belgique et de son souverain, Léopold Ier. Dans le cadre de ce projet, Matthieu Collard a été mis à l’honneur lors de la rentrée académique de l’Université de Namur, sur le thème « Osons », en septembre 2017. Cet amateur de nouveaux challenges, ancien étudiant en histoire (promo 1996), nous raconte son parcours atypique.

MacoPourquoi avoir choisi l’Université de Namur ?

Je voulais être comédien, mais j’étais un an à l’avance et mes parents m’ont dit, comme je n’avais pas 18 ans, de faire de « vraies études » : un grand classique ! J’hésitais entre le droit, les sciences économiques et l’histoire. J’ai finalement choisi l’histoire. J’habitais Saint-Servais, donc Namur, c’était assez évident.

L’histoire, un choix un peu au hasard alors ?

Au départ oui, même si je venais de Sainte-Marie où j’avais une option histoire-français-art, donc c’était ce qu’il y avait de plus proche. Maintenant, peut-être y a-t-il un lien entre l’histoire et la volonté de faire du théâtre ? D’ailleurs, dans mon métier de metteur en scène et d’auteur théâtral, je fais souvent des références à l’histoire, au passé… Après coup, cela donne du sens, mais à l’époque cela m’a semblé une bonne idée, ne pouvant pas être comédien.

Quel étudiant étiez-vous ?

La première année, j’ai beaucoup « glandé » (rires). Digérer le rythme, l’exigence… Le latin était obligatoire (c’est encore le cas, il s’agit d’une spécificité des études en histoire à l’UNamur, NDLR), et c’était un peu « chaud », avec M. Absil. C’était aussi les balbutiements de l’informatique, ce qui était assez rigolo. J’ai raté ma première année, ce qui après coup a été une bonne affaire, puisque cela m’a permis de rencontrer mon épouse, avec qui j’ai trois enfants ! Côté extra-académique, j’animais un agenda culturel à la RUN (Radio Universitaire Namuroise) et c’était un chouette prétexte pour assister à des tas de spectacles. Le théâtre de Namur était en rénovation et les spectacles se faisaient un peu partout. J’ai pu assister au FIFF, au Festival du court métrage…

Vous avez poursuivi vos études à l’UCL, où vous avez réalisé votre mémoire sur la presse littéraire et le théâtre sur le front de l’Yser durant la Grande Guerre. Une façon d’allier votre passion à vos études ?

Le théâtre est revenu de deux façons à l’UCL. D’abord par mon sujet de mémoire, en effet. Dans celui-ci, j’ai essayé de conceptualiser pourquoi, dans des circonstances aussi dramatiques, l’homme a besoin de culture et continue d’en produire. Le mémoire avait suscité un certain intérêt car à l’époque, c’était le début de la vague pour l’histoire culturelle initiée par l’Université de Lille III. Partir du micro, de la petite histoire pour réécrire l’histoire plus générale, et revoir l’historiographie. Ensuite, j’ai rencontré un étudiant en romanes, Didier, qui  participait au Théâtre Universitaire de Louvain et qui m’avait demandé une intervention parce qu’il montant la pièce La Résistible Ascension d’Arturo Ui, qui est un pamphlet de Bertold Brecht sur l’ascension d’Hitler. Cette expérience m’a donné envie de faire le Centre d’études théâtrales, je me suis engagé dans le Théâtre Universitaire et nous avons créé en 2001 le Festival Universatil, qui a rencontré beaucoup de succès et qui en est maintenant à sa 17e édition.

Quel a été ensuite votre parcours ?

Après les études théâtrales, j’ai fait l’agrégation et un intérim comme professeur d’histoire. J’aimais bien, mais j’ai vite compris que cela ne remplirait pas mon existence. Avec d’autres étudiants, dont François Moens, j’ai co-fondé l’Isolat asbl, dont la vocation est d’être un collectif artistique multidisciplinaire avec une grosse connotation théâtrale. En 2002, j’ai aussi commencé à travailler pour le théâtre des Zygomars. J’ai retrouvé mon ancien professeur de théâtre à l’école Sainte-Marie, Jean-Michel Frère. Nous avons travaillé ensemble sur de gros événements et spectacles. Nous sommes aussi partis à l’étranger pour animer des ateliers de théâtre en français à Vilnius, en Europe de l’Est…  J’ai ensuite commencé à créer des spectacles, ainsi qu’un atelier, que j’anime toujours et qui est devenu une troupe de théâtre avec des adolescents. Depuis mes débuts dans le monde du théâtre, j’ai participé à l’aboutissement d’environ 70 projets. Parmi nos faits d’armes, on peut citer 2009, quand nous avons coupé Namur en deux pendant 15 jours afin de commémorer la chute du Mur de Berlin. Je me suis occupé également de la mise en scène des spectacles aux Médiévales. Ou encore en 2014, il y a eu Asile, avec l’hôpital psychiatrique du Beau-Vallon, dans le cadre de l’anniversaire de cet hôpital. Ils m’avaient contacté car j’étais historien, mais aussi saint-servaitois.

Comment êtes-vous passé de la création et la pédagogie théâtrale à la production de films d’animation ?

 La création du Mad Cat Studio en 2015 est née de ma rencontre avec Cédric Vandresse, qui a été décorateur pour des studios hollywoodiens. Il travaillait sur les décors des Médiévales. On a discuté ensemble et on a évoqué le projet de faire un court métrage de 4-5 minutes sur le personnage du roi Léopold Ier. Cela a ensuite dégénéré, puisqu’on en est aujourd’hui à un film de 47 minutes !

Pourquoi avoir choisi le roi Léopold Ier ? Comment ce projet s’est-il construit ?

Cédric avait lu qu’il était appelé le roi Vampire. En creusant cette idée, on s’est rendu compte qu’il s’agissait d’un personnage intéressant. Cédric me convainc – il faut dire que je ne suis pas très difficile à convaincre : j’ai toujours été fan de dessins animés ! De mon côté, j’ai amené les voix, les comédiens ; Cédric dessine, on discute ensemble du scénario… Et c’est le début de l’aventure. Plus encore que le produit fini, c’est le processus qui m’intéresse. C’est cela mon moteur : découvrir, avoir un nouveau challenge, c’est très chouette intellectuellement.

Après « Léopold Roi des Belges », quels sont vos prochains projets ?

Le cinéma est un secteur complètement différent du théâtre. Je ne sais pas où cela va nous mener. Nous avons d’autres projets : une série à connotation historique, un projet de long-métrage à dimension historique… Notre combat, au sein du Mad Cat Studio, est de pouvoir pérenniser l’activité pour les dessinateurs, qui sont particulièrement fragilisés au niveau des artistes, plus encore que les comédiens. Ils doivent souvent cumuler deux métiers. À côté du Studio, j’ai gardé un atelier de création théâtrale à Fosses-la-Ville avec des enfants de 9 à 12 ans, et qui m’a permis de développer ma propre pédagogie. Il y a aussi la troupe d’adolescents qui a été créée dans la foulée. Avec cette troupe, nous souhaitons responsabiliser les adolescents dans un processus artistique. En tant que metteur en scène, je préfère souvent faire des créations qui ont des vies plus ou moins abouties. Par exemple, la 2e année, nous avons fait la réécriture d’un texte d’un auteur anglais, que nous avons appelée Disco. Bien des années  plus tard, quand ces adolescents ont grandi et ont été étudiants aux Facs de Namur, on l’a jouée au Bunker, et on l’a appelée Remix. Ce qui est important ici, c’est plus le rapport pédagogique que la création.

La culture à l’Université, est-ce important selon vous ?  

L’engagement est extrêmement important. Je pense qu’il faut permettre et encourager fortement le fait que les étudiants s’investissement, que ce soit dans le domaine social, politique ou culturel, à leur échelle. Avec des projets qui sont ancrés dans la ville, et pas de manière artificielle. Cela me paraît fondamental. Ce que j’ai acquis en créant et organisant le Festival Universatil, durant mes études, était très formateur. On avait droit à l’erreur, mais ce fut un véritable accélérateur. Mes études d’histoire m’ont donné un cadre, une méthode et une exigence… mais via mon engagement, j’ai appris à organiser de A à Z un vrai festival professionnel.

 

Propos recueillis par Morgane Belin