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Koen Lenaerts

Le Président de la Cour européenne de Justice, Koen Lenaerts, a reçu les insignes de Docteur Honoris Causa de la Faculté de droit à l’occasion du 50e anniversaire de celle-ci. Après avoir suivi ses candidatures en droit à l’UNamur (1972-1974), il a poursuivi ses études à la KULeuven et à l’Université d’Harvard. Aujourd’hui professeur de droit européen à la KULeuven et premier juge de l’Europe, Koen Lenaerts met chaque jour en pratique les valeurs d’ouverture et de solidarité qu’il a découvertes lors de ses études à Namur.
Koen LenVous êtes originaire d’Anvers. Pourquoi avoir choisi Namur ?
Mon parrain, qui était bâtonnier du barreau d’Anvers, avait fait sa candidature à Namur, du temps où il n’y avait pas de candidature proprement dite en droit, mais bien une candi en philosophie et lettres préparatoire au droit. La création de la Faculté de droit de Namur, en 1967, a été décidée concomitamment
avec la réforme de ces études. Au départ, elle était logée à Saint-Servais, dans une école désaffectée. C’est là que j’ai commencé mes études. En janvier 1973 a été inauguré le bâtiment actuel. J’étais présent. C’est également le même jour qu’a été inauguré le Palais de la Cour de Justice de l’Union européenne, au Kirchberg, à Luxembourg. Ces bâtiments ont donc exactement le même âge !

Que retenez-vous de votre passage à Namur ?
L’ambiance générale, que je caractériserais par la proximité humaine existant entre l’ensemble du corps enseignant et les étudiants. Nous étions très jeunes et vraiment guidés, encadrés. J’avais 17 ans, je ne parlais pas encore très bien le français, et j’ai vraiment ressenti à Namur la valeur d’une société
« inclusive », c’est-à-dire qui n’exclut personne. Il y avait des étudiants provenant de milieux sociaux très différents, des néerlandophones et des francophones, des africains et des européens, et tout le monde partageait ce même sentiment d’appartenance. Il régnait une véritable écoute, avec empathie, afin de comprendre l’autre. Quand trois de mes six filles ont souhaité faire le droit, il a tout de suite été évident qu’elles viendraient le faire à l’Université de Namur. Il s’agit d’Annekatrien (promo 2002), de Marieke (promo 2003) et d’Elisabet (promo 2015). Toutes partagent aussi le même ressenti.

Ces valeurs ont-elles marqué la suite de votre parcours de juriste ?
L’inclusion est ce dont notre société a besoin, avec les grands défis auxquels nous devons faire face : populismes, replis sur soi, réflexes identitaires, ceux-ci étant souvent des réflexes d’exclusion...À Namur, j’ai eu la chance d’être immergé très jeune dans un « bain d’inclusion ». Depuis, j’ai bien sûr oublié les finesses du droit romain enseigné par le Père Maon... Mais l’esprit qu’il nous a transmis, ainsi que l’ensemble du personnel de la Faculté, du secrétariat, du Service social... est resté pour moi comme
une évidence. On devient juriste pour faire la différence sur des questions de société et des rapports humains. Cette communauté d’esprit anime tous les anciens de la Faculté de droit de Namur. Lorsque je suis devenu professeur à la KULeuven, j’ai aussi appliqué la méthode pédagogique du Père Maon. Il inspirait ses étudiants. Enseignant le droit romain, il partait de cas concrets, parlait d’un droit vivant,
en partant du cadre de vie des personnes comme vous et moi. C’était une approche très humaniste.

Ces valeurs trouvent-elles aussi leur place dans les débats au sujet de l’identité belge et européenne ?
Bien sûr. Nous devons tous faire humblement de notre mieux pour faire bouger les choses dans le sens de l’inclusion. À la Cour de Justice de l’Union européenne, que je préside, il y a une énorme diversité culturelle, au niveau des langues, mais aussi de la culture juridique. C’est aussi le cas en Belgique : c’est
notre richesse, et c’est pour cela que tous les Belges ont un rôle à jouer : notre société est marquée
par différentes identités, wallons, flamands, cela fait partie de notre ADN. Et ce n’est pas différent dans de nombreux autres pays européens. Aujourd’hui, le rôle du juriste et de l’humaniste engagé est de relier toutes ces identités de manière harmonieuse et de les rendre inclusives entre elles. Il y doit y avoir une subtile balance entre les identités plurielles, toujours de manière inclusive, jamais exclusive. Je pense ici aux écrits de Martha Nussbaum (philosophe américaine, professeur à l’Université de New York, NDLR)
qui distingue le patriotisme, qui est la fierté vertueuse de son identité, et le nationalisme, basé le plus souvent sur une ethnie, et qui est exclusif d’autres identités.

Comment concilier ces identités plurielles en Europe ?
Le pluralisme est la vraie plus-value de l’UE. Elle doit s’employer à faire en sorte que les pays et les régions puissent travailler ensemble et intégrer la dimension européenne à leur identité propre. La clé est là : notre identité doit contenir cette dimension d’inclusion avec nos voisins. De nombreuses questions nous concernent tous et dépassent nos frontières : le changement climatique, la transition énergétique, la
monnaie unique, l’espace de liberté-sécurité-justice et la libre circulation des personnes, et le droit européen bien sûr. Protéger des valeurs aussi fondamentales que la démocratie, la justice et la solidarité est un objectif partagé par nos voisins européens, et même au-delà. Ce sont par essence même des thématiques inclusives. Cela n’empêche pas de respecter l’identité nationale des états membres. L’Europe
forme une masse critique qui permet aux membres de peser dans ces débats car seuls, ils ne peuvent
plus le faire.

Vous voyagez énormément en Europe. Avez-vous l’occasion de revenir de temps en temps à
Namur ?
Je suis flamand et néerlandophone, mais je me sens vraiment très lié à Namur. Je viens chaque année aux Fêtes de Wallonie. La Citadelle, point de confluence entre Sambre et Meuse, est un lieu magnifique... J’ai aussi un grand intérêt pour ce qui pousse dans la nature, j’aime travailler dans le jardin, j’ai la main verte. J’apprécie beaucoup le Festival des fraises à Wépion. Si vous ne l’avez pas encore vu, il faut y aller ! (rires)