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Discours de rentrée 2001-2002

LA FORMATION: PREMIER SERVICE DE L'UNIVERSITE A LA SOCIETE

Il y a un an, à l’occasion de l’ouverture de l’année académique 2000-2001, j’avais tenté de mettre en évidence l’écart grandissant qui sépare les demandes adressées par la société à l’université, d’une part, et les moyens que cette même société octroie, d’autre part.  C’est ce contraste qui m’avait amené à suggérer l’image d’une université « au milieu du gué ».

L’actualité de ces derniers mois, qu’elle soit communautaire, régionale, fédérale ou européenne, a manifesté encore à bien des reprises cette attente de la société à l’égard de l’enseignement supérieur en général, de l’université en particulier.  Je pense notamment aux encouragements de la Région Wallonne pour impliquer les universités dans la création de spin-off, à la mise sur pied par le gouvernement fédéral du nouveau programme de pôles d’attraction interuniversitaires ainsi qu ‘à la vaste problématique d’harmonisation européenne débattue dans le cadre de la « déclaration de Bologne ».

Rien d’étonnant donc à ce que les universités s’interrogent sur la troisième mission que la loi leur a conférée, celle du service à la société.  Dans cette réflexion, nous risquons de nous laisser entraîner par notre esprit cartésien à une identification de chacune des missions de l’université sans tenir compte des interactions qui les unissent et les enrichissent mutuellement.  Une conception très fragmentée de l’université qui isolerait l’enseignement de la recherche conduit à la négation même de la spécificité de l’université.  Pour pouvoir former des hommes et des femmes susceptibles de relever les défis de la société de ce début du 21ème siècle, l’enseignement qui leur est dispensé doit être alimenté par des recherches de très haute qualité, tenant compte ainsi de l’évolution des connaissances mais y participant aussi par la création de nouveaux savoirs.

Inversement, au sein de l’université, la recherche ne peut trouver sa véritable finalité qu’en référence à une formation de qualité, à la formation d’étudiants et de chercheurs capables d’analyse, de synthèse et d’intégration de leur démarche scientifique dans un projet de société où la place de l’homme, et de tout homme, est centrale.

Dans un document interne à nos Facultés, datant d’il y a déjà près de six ans et intitulé « Politique académique à moyen et à long terme », nous retrouvons, exprimé avec force, ce caractère indissociable de l’enseignement et de la recherche universitaires : « La  recherche scientifique a pour but la progression des connaissances ; elle est le ferment de l’enseignement universitaire, dans son rôle de transmettre les méthodes et résultats de la recherche.  Un enseignement de qualité ne peut se concevoir sans une recherche de haut niveau.  L’Université est, par essence, l’Institution où ces deux activités s’exercent de façon conjointe et complémentaire ».

Le même écueil de fragmentation nous guette lorsque nous souhaitons développer la troisième mission de l’université, le service à la société ; tout naturellement, nous risquons de mettre en avant la valorisation de la recherche, par ailleurs légitimement encouragée aujourd’hui, et de la considérer comme étant la première, voire même la seule manière pour l’université de répondre adéquatement à sa troisième mission.  En ce jour de rentrée académique, l’occasion nous est offerte de prendre quelque recul pour nous permettre de vivre nos engagements universitaires, si divers soient-ils, dans la cohérence d’une interpénétration des différentes missions de l’université, et donc de nos tâches quotidiennes.

La charte de nos Facultés affirme que « la formation d’étudiants et de chercheurs qui soient des acteurs responsables dans la société constitue l’objectif premier de l’université ».  On ne pouvait pas préciser avec une plus grande concision combien la sauvegarde de la raison d’être même de l’université passe par le lien essentiel et indissociable entre ses trois missions.

Cette approche nous permet de situer nos tâches quotidiennes d’enseignement et de recherche comme le premier lieu du service à la communauté humaine, à travers la perspective unificatrice de la formation.  Et cette formation ne se limite pas à sa dimension professionnelle, elle ne se réduit pas à dispenser un enseignement de qualité dans les diverses disciplines les plus pointues nécessaires aux informaticiens, aux biologistes, aux juristes, aux médecins, aux historiens et aux économistes de demain.

Ce que la société attend de l’université, c’est qu’elle forme des femmes et des hommes, non seulement compétents sur le plan technique, mais capables de s’engager, de prendre des responsabilités au cœur du monde d’aujourd’hui et de demain, des citoyens responsables,

« des hommes et des femmes pour les autres » comme l’exprime l’inspiration jésuite de notre institution.  Cette formation requiert de décloisonner les disciplines, de croiser les savoirs, d’approcher le réel avec un esprit critique, d’ouvrir ses horizons à ceux de notre village planétaire.  Le Professeur Dominique LAMBERT prolongera cette réflexion dans quelques instants.

Dans un article publié il y a quatre ans, le Professeur Fredirico MAYOR, ancien directeur général de l’UNESCO, précise ce lien entre la formation et le service à la communauté : « La complexité du monde moderne est telle que l’éducation doit responsabiliser l’individu, développer sa capacité d’entreprendre et pas seulement celle d’apprendre.  L’enseignement supérieur, dans sa fonction d’anticipation, doit servir la société.  C’est dire que l’éducation est non seulement un droit humain fondamental, mais aussi une clé pour résoudre les problèmes qui submergent notre société ».   Je ne résiste pas au plaisir de vous citer cette autre phrase du même article par laquelle l’auteur tente de définir ce qu’il entend par la « fonction d’anticipation » de l’université : « Si nous créons des universités de marché, régies uniquement selon les lois et l’optique du marché, elles seront effectivement de leur temps, mais elles ne sauront pas le transcender.  En se contentant de s’adapter aux circonstances plutôt que d’en anticiper le développement, elles ne seront plus capables de participer à la construction de l’avenir.  En se laissant guider par les événements, elles ne seront pas capables d’orienter les générations futures comme elles l’ont fait jusqu’ici en s’inspirant des valeurs intemporelles qui forment la pierre angulaire de toute construction éthique et intellectuelle ».

Si la formation d’étudiants et de chercheurs qui soient des acteurs responsables dans la société constitue bien l’objectif premier de l’Université et donc le premier service que la société attend de celle-ci, il nous faut aujourd’hui élargir cette notion de l’étudiant universitaire qui s’adresse à nous, et donc envisager de développer, en concertation avec d’autres, des programmes de formation dite « continuée ».  En effet, les besoins de formation ne se limitent plus à ce qu’il est convenu d’appeler la formation initiale ; de plus en plus aujourd’hui, ces besoins sont exprimés par des hommes et des femmes dotés d’une excellente formation de base mais confrontés quotidiennement à des questions nouvelles, à des problématiques inédites, à des technologies toutes récentes, à des questions de management insoupçonnées hier encore.  Pour d’autres, ce besoin de formation continuée s’exprime en raison de modifications de parcours dans leur carrière professionnelle, ce qui devient le lot d’un très grand nombre de nos contemporains.  L’Université se doit d’être attentive à ces besoins nouveaux.

Affirmer que le premier service rendu à la société par l’université est celui de la formation ne signifie pas un repli sur soi ni un refus d’affronter les défis actuels.  Qu’il nous suffise de rappeler que ces derniers mois, la communauté universitaire, tantôt directement, tantôt par l’intermédiaire de plusieurs de ses organes (assemblée générale, conseil académique, commission de l’enseignement, conseil de recherche…) a été amenée à réfléchir sur des dossiers qui manifestent ces interpellations nouvelles.  Le Conseil d’Administration dispose maintenant d’études et d’avis permettant de prendre des orientations importantes dans quatre domaines :

·        le service à la société en lien avec l’ancrage régional de l’université ;

·        la formation continuée, diplômante ou non ;

·        la valorisation de la recherche et la création de spin-off ;

·        les collaborations internationales, et plus particulièrement européennes.

Même si les moyens budgétaires mis à la disposition des universités dans notre pays restent gravement déficitaires par rapport à la moyenne européenne, il nous faudra être inventifs pour développer au cœur de nos Facultés ces accents nouveaux et répondre ainsi aux demandes de la société.  C’est bien à cette ouverture que nous invite notre charte : « En liaison avec l’enseignement et la recherche et dans le respect de sa démarche propre et de son indépendance, l’Université interpelle la Société et répond aux interpellations de celle-ci.  Ainsi, les FUNDP se veulent un ferment pour leur région : elles entendent collaborer à son développement culturel, social, politique et économique, en partenariat avec les acteurs locaux ».  Nous ne pourrons le faire que dans le cadre d’une mission partagée par la communauté universitaire toute entière qui, à travers l’enseignement et la recherche, dans les multiples collaborations nationales et internationales, relevant les nouveaux défis qui se posent à elle, cherche envers et contre tout à « former des étudiants et des chercheurs qui soient des acteurs dans la société de demain ».

Nous aurons donc besoin du soutien de vous tous qui nous avez fait l’amitié de venir vous joindre à nous aujourd’hui.  Votre présence nous dit l’intérêt que vous portez à notre institution universitaire ; nous savons que nous pourrons compter sur votre appui pour mettre en œuvre ces missions que la société nous confie.

Je déclare ouverte, sous l’égide de Notre-Dame de la Paix, cette année académique 2001-2002.

Michel Scheuer, Recteur