Composé de chercheurs en linguistique et en littérature, l'Institut du Langage, du Texte et de la Transmédialité (NaLTT) constitue un espace interdisciplinaire de recherches diachroniques et synchroniques portant sur les pratiques communicatives verbales et multimodales qui se manifestent dans, sont formées et/ou régulées par la culture et la société.
Points forts
NaLTT réunit des chercheurs spécialisés dans l’étude des attitudes, des contacts et des conflits linguistiques, de la politique et de la planification linguistiques, du discours rapporté et de l’expression du point de vue, ainsi que dans l’étude de la multimodalité. L’analyse linguistique des langues signées sur des données de corpus constitue l’une des originalités de NaLTT au sein du LSFB Lab.
Dans le domaine littéraire, NaLTT fédère les travaux de spécialistes des biographies littéraires, de la théorie de la littérature, de la littérature du Moyen Âge, de la littérature missionnaire, de l’édition de textes, de la sociologie de la littérature et de la théorie de la traduction.
NaLTT propose aux doctorants un environnement de recherche stimulant et convivial. Il se veut un incitant pour le développement des collaborations entre chercheurs juniors et seniors et un espace de formation (continue) à la recherche.
Les centres de recherche de l'Institut NaLTT
Les thématiques de recherche
- Pratiques langagières, politique et planification linguistiques en contexte multilingue
- Propriétés structurelles et discursives des constructions linguistiques et des variétés linguistiques
- Multilinguisme et apprentissage d’une langue
- Traduction et hétérolinguisme comme manifestations du contact linguistique et du transfert interculturel
- Littérature, société et transmédialité
- Pratiques et concepts littéraires à travers les temps et les espaces
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Formation continue à l’UNamur : des personnes sourdes lauréates en enseignement et en traduction-interprétation en langue des signes
Formation continue à l’UNamur : des personnes sourdes lauréates en enseignement et en traduction-interprétation en langue des signes
Ce 28 juin 2024, les vingt-deux premiers étudiants du Certificat interuniversitaire en Langue des Signes de Belgique Francophone (LSFB) et français, sont proclamés à l’UNamur. Il s’agit de la première formation en Belgique francophone entièrement pensée en langue des signes et destinée au public sourd. Elle représente une avancée significative dans l’éducation inclusive et l’inclusion linguistique et sociale des personnes sourdes et malentendantes. Elle permet aussi de mettre en avant les atouts des professionnels sourds dans ces domaines.
La LSFB, reconnue officiellement depuis 2003, gagne en visibilité et en importance dans l’enseignement, les médias et l’interprétation. Cependant, en Fédération Wallonie Bruxelles, jusqu’à présent, il n’existait aucune formation spécifique soutenant les pratiques professionnelles dans ces domaines pour les personnes sourdes ou malentendantes. « Les formations étaient destinées aux personnes entendantes. Or, telles quelles, elles ne sont pas adaptées à ceux dont la langue des signes est leur première langue. Des exemples à l’international montraient qu’une formation conçue et dispensée pour des personnes sourdes avait beaucoup plus de pertinence. La réflexion était aussi lancée en Flandre avec la KULeuven qui a organisé récemment un certificat similaire au notre. Il nous semblait important de développer une telle offre côté francophone, qui s’appuie sur l’expérience de l’UNamur et de l’UCLouvain », souligne la professeure Laurence Meurant.
Le Certificat interuniversitaire en LSFB-français comble cette lacune en partageant l’expérience accumulée des professionnels et en développant les compétences nécessaires à travers une formation théorique et pratique. Cette formation est coorganisée avec l’UCLouvain Saint-Louis Bruxelles et soutenue par l’Université de Toulouse Jean Jaurès grâce à un financement Erasmus+ et grâce au support de Form@Nam.
Le programme, qui s’est déroulé de janvier 2023 à juin 2024, a permis aux étudiants de se spécialiser dans l’enseignement de la LSFB ou dans la pratique de la traduction-interprétation pour les sourds, après un tronc commun de six mois.
Le programme du certificat inclut un socle commun de maitrise de la LSFB et du français écrit, ainsi que des connaissances théoriques et pratiques sur le bilinguisme entre une langue signée et une langue vocale. Ensuite, des modules de spécialisation se centrent sur l’enseignement de la LSFB et sur les pratiques de la traduction et de l’interprétation par les sourds. Au terme de la formation, les participants sont capables notamment de préparer et de réaliser des prestations d’interprétation de haute qualité, et d’utiliser des outils techniques de pointe pour assurer l’interprétation et la traduction.
Une vingtaine d’étudiantes et étudiants sont proclamés lors de cette cérémonie, marquant ainsi une étape importante dans leur parcours académique et professionnel.
En coordonnant ce nouveau certificat, l’UNamur matérialise à nouveau son engagement envers la mise en œuvre de l’inclusion des personnes sourdes et malentendantes et de la visibilité de la langue des signes au sein de la société. L’UNamur est pionnière dans le domaine de l'étude linguistique de la LSFB. Son Laboratoire de langue des signes de Belgique francophone (LSFB-Lab) est unique en Belgique. Il collabore étroitement avec l’ASBL École et surdité et le Centre scolaire Sainte-Marie Namur, qui inclut depuis le début des années 2000 des groupes d’enfants sourds au sein de classes d’entendants, offrant à ces élèves un enseignement bilingue. En 2022, l’UNamur présentait ainsi le premier dictionnaire bilingue français-LSFB, élaboré grâce à l’expertise et la collaboration d’une équipe de chercheurs en linguistique et en informatique de l’UNamur, avec le soutien financier du Fonds Baillet Latour. L’UNamur a été, dès 2012, impliqué comme partenaire scientifique dans création du Baccalauréat et du Master en traduction et interprétation en langue des signes, organisés à l’UCLouvain, sur les sites de Saint-Louis Bruxelles et de Louvain-la-Neuve.
Ces diverses initiatives s’inscrivent dans un contexte où le Conseil de la Langue française, des Langues régionales endogènes et des Politiques linguistiques viennent d’adopter un Avis d’initiative soulignant l’importance de l’inclusion des personnes sourdes dans divers domaines. En effet, l’inclusion des personnes sourdes, dans les domaines de la recherche sur la LSFB, de la formation des enseignants, de l’interprétation, des médias et de l’audiovisuel, et de l’aménagement linguistique, constitue le cœur de cet avis.
En savoir plus
- Sur le certificat en Certificat interuniversitaire en Langue des Signes de Belgique Francophone (LSFB) et français
- Sur le Laboratoire de langue des signes de Belgique francophone (LSFB-Lab)
- Sur le dictionnaire bilingue français-LSFB :
C'est aussi un projet à soutenir ! Plus d'infos : https://unamur.be/fr/soutenir/lsfb
Ce projet a vu le jour grâce au co-financement de l’Union européenne.
Comprendre l’histoire des violences faites aux femmes au Sénégal : une recherche récompensée par un prix « Genre et santé » de l’ARES
Comprendre l’histoire des violences faites aux femmes au Sénégal : une recherche récompensée par un prix « Genre et santé » de l’ARES
Angélique Aristondo, post-doctorante C2W à l’UNamur, se distingue en remportant le deuxième prix de la recherche 2023 sur le genre et la santé du comité Femmes et sciences de l’ARES. Son projet de recherche porte sur les violences faites aux femmes au Sénégal.
Angélique Aristondo, post-doctorante dans le projet Come to Wallonia | Connect to Wallonia (C2W) à l’UNamur, a été récompensée pour son projet de recherche intitulé « Lutter contre les violences faites aux femmes au Sénégal : pour une histoire située et « d’en bas » d’une urgence sanitaire et sociale », cofinancé par le programme de recherche et d'innovation Horizon 2020 de l'Union européenne dans le cadre de la convention de subvention Marie Skłodowska Curie. Ce prix, remis chaque année aux alentours de la Journée des femmes et filles de sciences du 11 février, a récompensé trois chercheuses évoluant en dehors des disciplines STEM.
« La Journée des femmes et filles de science a l’immense mérite de célébrer les femmes chercheuses. Cependant, ce genre d’événement laisse parfois un peu de côté les chercheuses évoluant dans le domaine des arts et des humanités. Le prix remis par le Comité Femmes et sciences est ouvert à toutes les disciplines et cette diversité est très appréciable », souligne la chercheuse.
Ce projet fait suite à sa recherche doctorale, achevée en 2022, qui portait sur l'impact de la Première Guerre mondiale sur les perceptions et les discours relatifs aux violences de genre et au consentement sexuel en France de 1914 à l'après-Seconde Guerre mondiale. Sa thèse devrait aboutir à une monographie l'année prochaine.
Depuis un an et demi à l'UNamur, Angélique Aristondo, membre des Instituts de recherche NaLTT et PaTHs, se consacre à l'histoire (post)coloniale des violences faites aux femmes au Sénégal. Ce projet s'inscrit dans le champ de l'histoire du genre tout en adoptant une perspective critique, voire postcoloniale, sur les discours contemporains liés à ces violences. L'hypothèse sous-jacente suggère que les dynamiques entre l'ordre colonial et les luttes politiques, raciales et genrées pour l'émancipation ont influencé de manière complexe les discours et dispositifs de prévention des violences faites aux femmes à l'époque postcoloniale.
Trois axes de recherche
Le projet se structure autour de trois axes majeurs : la localisation et l'analyse des sources documentant les débats publics sur les violences faites aux femmes (1930-1970), l'examen des liens entre ces débats et les négociations sur la nature et l'action de l'État à travers une recherche archivistique, et la génération de récits d'histoire orale pour mettre en perspective la marginalisation des femmes dans ces débats.
Ambitieux et novateur, ce projet vise à contribuer à une compréhension plus holistique et intersectionnelle des violences faites aux femmes au Sénégal, en tenant compte des dimensions historiques, coloniales et postcoloniales, tout en intégrant les perspectives des femmes elles-mêmes.
Le programme C2W Come to Wallonia | Connect with Wallonia
Ce projet a reçu un financement du programme de recherche et d'innovation Horizon 2020 de l'Union européenne dans le cadre de la convention de subvention Marie Skłodowska-Curie n° 101034383.
Double anniversaire pour la langue des signes de Belgique francophone
Double anniversaire pour la langue des signes de Belgique francophone
Octobre 2003, la Langue des signes de Belgique francophone (LSFB) était reconnue comme langue officielle par la Communauté française. Dix ans plus tard, en février 2013, l’UNamur, pionnière dans le domaine de l'étude linguistique de la LSFB, inaugurait le laboratoire LSFB-Lab. Retour sur cette aventure interdisciplinaire unique en Belgique.
Cet article est tiré de la rubrique "Expert" du magazine Omalius #30 (septembre 2023)
Pratiquée par environ 4.000 personnes, cette langue visuo-gestuelle présente de nombreuses caractéristiques intrigantes et passionnantes du point de vue de son histoire, de son évolution et de son fonctionnement linguistique. Depuis le début des années 2000, au Département de langues et littératures françaises et romanes de l’UNamur, la LSFB est devenue un objet d’enseignement et de recherche. La création du LSFB-Lab a fait avancer de manière considérable la recherche linguistique sur cette langue des signes et sur la gestualité dans le langage, tout en ouvrant la voie à différentes initiatives de recherche appliquée, dans les domaines de l’enseignement, de la traduction-interprétation et de la reconnaissance automatique de vidéos.
Une première thèse, un laboratoire, un corpus informatisé
Les premiers travaux de linguistiques consacrés à la LSFB ont débuté à l’UNamur avec les recherches de Laurence Meurant, alors assistante de linguistique, aujourd’hui maitre de recherche F.R.S.-FNRS et présidente de l’Institut NaLTT. Sa thèse était consacrée au rôle du regard dans l’organisation grammaticale de la LSFB. Aurélie Sinte, actuellement directrice du Département de langues et littératures françaises et romanes, a ensuite mené son doctorat sur l’expression du temps et de l’aspect dans cette même langue signée. Les deux jeunes collègues ont alors testé les opportunités méthodologiques qu’offraient les enregistrements numériques qui se généralisaient à l’époque. Ce faisant, elles préparaient la constitution d’un ambitieux corpus linguistique apte à documenter la LSFB.
C’est autour de ce projet de corpus qu’a été créé le LSFB-Lab, rassemblant des chercheurs, des assistants de recherche, ainsi qu’un responsable vidéo. L’ensemble des données collectées – et annotées signe par signe pour pouvoir être interrogé automatiquement – représente plus de 80 heures de conversations d’une centaine de signeurs de tous âges, originaires de différentes régions de Belgique francophone et de différents profils, enregistrés par paires au LSFB-Lab. Cette « bibliothèque » de langue des signes accessible en ligne offre une documentation unique du patrimoine culturel et des usages linguistiques de la communauté des Sourds. Elle est désormais l’outil de travail quotidien des chercheurs du LSFB-Lab.
Enseignement bilingue et inclusif
Lorsque l’ASBL École et surdité a vu le jour, en 2000, et a mis sur pied au sein du Centre scolaire Sainte-Marie de Namur un cursus inédit d’enseignement ordinaire bilingue (langue des signes – français) et inclusif pour les enfants sourds et malentendants, l’UNamur a d’emblée soutenu le projet en tant que partenaire scientifique. Dès 2004, elle a organisé une formation continue pour les enseignants des classes bilingues de Sainte-Marie. Les nombreuses collaborations ont donné lieu à la création de nombreux supports (dictionnaire, grammaire descriptive, film…).
Plus fondamentalement, les synergies entre chercheurs et enseignants ont poussé le LSFB-Lab à développer la recherche comparative entre la LSFB et le français, et à créer des outils bilingues au service des enseignants, des élèves, des interprètes, traducteurs et de leurs formateurs.
Études contrastives, multimodalité et outils bilingues
Un deuxième ensemble de données est en cours de collecte au LSFB-Lab : des paires de locuteurs francophones sont enregistrés selon le même protocole que pour le Corpus LSFB. Ce corpus de français parlé multimodal (FRAPé) a récemment ouvert un axe de recherche supplémentaire au sein du laboratoire : celui de l’étude contrastive entre les productions des signeurs de la LSFB et celles des locuteurs du français, sur des données directement comparables. Ces travaux permettent de repenser le statut des gestes dans les productions linguistiques et les interactions, tant en langue signée qu’en langue vocale.
De plus, le LSFB-Lab possède un autre type de ressource bilingue : les conversations signées du Corpus LSFB ont été traduites en français écrit. Ces traductions sont à la base du dictionnaire bilingue contextuel publié en octobre 2022, grâce à la collaboration entre le LSFB-Lab et les équipes d’Anthony Cleve et de Benoît Frénay (Faculté d’Informatique, NADI) et au soutien du Fonds Baillet Latour. Cet outil inspiré des célèbres Linguee ou Reverso, est interrogeable en français et en LSFB, via une webcam : une première mondiale qui a été classée 5e parmi les 10 progrès scientifiques 2022 par l’Écho.
Les perspectives actuelles
Le dynamisme des jeunes chercheurs apporte de nouvelles thématiques de recherche au sein du laboratoire : un post-doctorat et deux thèses récemment démarrées portent sur l’interprétation et sur la traduction entre LSFB et français. Dans le domaine de la formation, le Certificat interuniverstaire « LSFB – français » a démarré en janvier 2023, en collaboration avec l’USL-B (et en particulier, avec le Pr. Dany Etienne). Il s’agit de la première formation entièrement donnée en LSFB et pensée pour un public sourd.
« J’ai débuté la recherche sur la LSFB en solitaire en 2000 et c’est maintenant toute une équipe qui fait vivre la LSFB à l’UNamur et la fait rayonner sur la scène internationale de la recherche ! Les connaissances sur la LSFB ont été augmentées de 10 thèses et de deux projets de post-doc en 10 ans : c’était inimaginable en 2000, c’était encore un rêve quand je suis devenue chercheuse qualifiée en 2011. L’UNamur soutient l’inclusion des membres du personnel sourds et la visibilité de la LSFB, notamment par le recours à l’interprétation. Pour les 10 années à venir, mon souhait serait que la recherche puisse inclure davantage de chercheurs sourds », conclut la responsable du laboratoire.
Cet article est tiré de la rubrique "Le jour où" du magazine Omalius#30 (Septembre 2023)
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Première mondiale : un dictionnaire langue des signes-français
Première mondiale : un dictionnaire langue des signes-français
Un dictionnaire bilingue français-langue des signes (LSFB), que l’on peut interroger dans les deux langues, grâce à une technologie de pointe (reconnaissance faciale) et à l’accès à une vaste base de données compilant plus de 4.500 signes, de mots et d’expressions.
Tel est le fruit de quatre années de travail intense mené par une équipe de chercheurs en linguistique et en informatique de l’UNamur. Une première mondiale qui offre un outil performant, facile d’usage et accessible gratuitement à un large public : les enfants sourds, leurs familles, leurs enseignants, les traducteurs ou encore les interprètes.
En Belgique francophone, la langue des signes francophone de Belgique (LSFB) est pratiquée par environ 4.000 personnes. L’idée de la création d’un dictionnaire bilingue LSBF- Français prend sa source dans la collaboration qu’entretient depuis près de 20 ans, l’UNamur avec les classes bilingues (français - LSFB) fondées par Ecole et Surdité à Sainte-Marie Namur.
« Que ce soit dans nos contacts sur le terrain, dans les écoles par exemple, ou dans nos travaux de recherche, nous faisions le constat que les outils linguistiques permettant une traduction bilingue langue des signes/français étaient peu nombreux et dotés de fonctionnalités limitées. Jusqu’à présent, il s’agissait de lexiques compilant des signes et leur signification en français, ou le dictionnaire en ligne qui en plus offre une définition des signes en LSFB, quelques exemples où le signe est utilisé dans une phrase et des informations sur l’étymologie des signes,» explique la professeure Laurence Meurant, linguiste, responsable du Laboratoire de langue des signes de Belgique francophone (LSFB-Lab) de l’UNamur.
Laurence Meurant et son équipe se mettent alors à rêver d’un outil plus performant, inspiré du principe de Linguee© qui pourrait aider les utilisateurs de tous âges. Il permettrait de comprendre et utiliser adéquatement les mots et les expressions ou les signes dans des contextes variés, tirés de conversations spontanées, et qui pourrait être interrogé directement en langue des signes. Dès 2018, une équipe pluridisciplinaire composée de linguistes et d’informaticiens de l’UNamur se réunit pour relever ce défi scientifique et technologique.
Quatre ans plus tard, grâce au soutien financier du Fonds Baillet Latour, un outil pionnier est opérationnel : un nouveau dictionnaire contextuel bilingue LSFB-français.
Le fonctionnement et les atouts du dictionnaire
Le dictionnaire développé par l’UNamur peut être interrogé dans les deux langues. Concrètement, l’utilisateur peut signer devant la caméra de son ordinateur, et il obtiendra le mot recherché et les contextes dans lesquels il peut être utilisé. Inversement, l’utilisateur peut encoder un mot dans le moteur de recherche du dictionnaire, et il obtiendra sa traduction en signe, ainsi qu’une liste de suggestions d’usage du signe, sous forme de vidéos. Ces fonctionnalités sont actuellement uniques au monde.
Ce dictionnaire repose sur une base de données en langue des signes, très riche, unique au monde. Il utilise les productions en langue des signes de Belgique francophone (LSFB) de cent signeurs, totalisant plus de 80 heures de conversations filmées et leurs traductions en français pour en faire un répertoire de textes bilingues. Un corpus qui résulte de plusieurs années de travail de traduction et d’annotation, signe par signe, réalisée par l’équipe du LSFB-Lab de l’UNamur. Cette base de données continuera à être alimentée par les équipes de l’UNamur, afin d’enrichir continuellement le dictionnaire.
Grâce à un système de reconnaissance de pointe, le dictionnaire est capable, en un laps de temps très limité, de détecter, reconnaitre et traduire de manière très précise, le signe soumis par l’utilisateur. Il fonctionne quel que soit l’environnement dans lequel il se trouve (nul besoin de se trouver dans un studio d’enregistrement ou derrière un fond vert, par exemple). L’outil pourra donc être utilisé directement par les élèves et les enseignants dans leur classe ou à la maison.
Ce nouvel outil est disponible sur une plateforme numérique accessible gratuitement, depuis une tablette ou un ordinateur. L’outil se veut accessible pour tous et partout.
Le corpus en quelques chiffres : 88h15 de vidéos, dont 36h annotées (217.085 annotations, représentant 4.600 signes différents) et traduites (18.872 phrases).
Les défis technologiques réalisés
Pour développer ce nouveau dictionnaire, de nombreux défis sur le plan tant linguistique (conception et alimentation du corpus, comme évoqué ci-dessus) qu’informatique ont dû être relevés. La réussite de ce projet résulte donc, en grande partie de l’excellente collaboration et l’importante complémentarité qui s’est mise en place entre les linguistes de l’institut NaLTT et les chercheurs en informatique de l’institut NADI de l’UNamur.
« Cet outil a nécessité d’abord un travail d’ingénierie web, pour créer une plateforme performante et fluide d’utilisation », explique Anthony Cleve, professeur à la faculté d’informatique et pilote de ce projet aux cotés de Laurence Meurant. « Mais nous avons aussi fait appel à notre expertise et aux dernières avancées de recherche en matière de machine-learning et d’intelligence artificielle, ainsi que d’interaction humain-machine et de data engineering, pour arriver à ce résultat totalement pionnier et innovant ».
Les perspectives de développement
- Développement international : La technologie mise en place peut -être appliquée à d’autres couples langues vocale-langue signée. Des tests ont d’ailleurs déjà été réalisés sur le couple néerlandais-langues des signes des Pays-Bas, grâce à une collaboration avec le Pr. Onno Crasborn (Université Radboud de Nimègue). L’ensemble de la communauté des signeurs en Europe, voire dans le monde, pourrait donc bénéficier de cette innovation.
- Développement technologique : « Un monitoring des erreurs sera mis en place de telle sorte à ce que le système de reconnaissance permettant de détecter le signe de l’utilisateur, soit constamment amélioré, affiné », cite également Anthony Cleve. « Cela permettra non seulement de fournir des traductions encore plus précises et justes mais aussi d’enrichir encore le corpus », poursuit-il. Par ailleurs, les chercheurs en informatique étudient la manière dont l’outil sera capable de segmenter une phrase en LSFB, en signes individuels. C’est sur cette base que l’on pourra viser ensuite le développement d’outils de traduction simultanée, d’une langue à l’autre.
L’expertise UNamur en langue des signes
L’UNamur est pionnière dans le domaine de l'étude linguistique de la LSFB. Son Laboratoire de langue des signes de Belgique francophone est unique en Belgique. Il collabore étroitement avec l’ASBL École et surdité et le Centre scolaire Sainte-Marie Namur, qui inclut depuis le début des années 2000 des groupes d’enfants sourds au sein de classes d’entendants, offrant à ces élèves un enseignement bilingue.
L’équipe de recherche de l’UNamur
C'est une équipe non seulement interdisciplinaire (linguistes et informaticiens), mais aussi intergénérationnelle avec des profils seniors (académiques et post-doctorants), et tout à fait juniors (étudiants). Elle est aussi inclusive, puisqu’entendants et sourds participent à ce projet.
L’équipe : Laurence Meurant (LSFB-Lab), Anthony Cleve (Informatique), Benoît Frénay (Informatique), Bruno Dumas (Informatique), Sibylle Fonzé (LSFB-Lab), Bruno Sonnemans (LSFB-Lab), Alice Heylens (LSFB-Lab), Maxime Gobert (Informatique), Jérome Fink (Informatique), Maxime André (Informatique), Pierre Poitier (Informatique), Loup Meurice (Informatique).
Formation continue à l’UNamur : des personnes sourdes lauréates en enseignement et en traduction-interprétation en langue des signes
Formation continue à l’UNamur : des personnes sourdes lauréates en enseignement et en traduction-interprétation en langue des signes
Ce 28 juin 2024, les vingt-deux premiers étudiants du Certificat interuniversitaire en Langue des Signes de Belgique Francophone (LSFB) et français, sont proclamés à l’UNamur. Il s’agit de la première formation en Belgique francophone entièrement pensée en langue des signes et destinée au public sourd. Elle représente une avancée significative dans l’éducation inclusive et l’inclusion linguistique et sociale des personnes sourdes et malentendantes. Elle permet aussi de mettre en avant les atouts des professionnels sourds dans ces domaines.
La LSFB, reconnue officiellement depuis 2003, gagne en visibilité et en importance dans l’enseignement, les médias et l’interprétation. Cependant, en Fédération Wallonie Bruxelles, jusqu’à présent, il n’existait aucune formation spécifique soutenant les pratiques professionnelles dans ces domaines pour les personnes sourdes ou malentendantes. « Les formations étaient destinées aux personnes entendantes. Or, telles quelles, elles ne sont pas adaptées à ceux dont la langue des signes est leur première langue. Des exemples à l’international montraient qu’une formation conçue et dispensée pour des personnes sourdes avait beaucoup plus de pertinence. La réflexion était aussi lancée en Flandre avec la KULeuven qui a organisé récemment un certificat similaire au notre. Il nous semblait important de développer une telle offre côté francophone, qui s’appuie sur l’expérience de l’UNamur et de l’UCLouvain », souligne la professeure Laurence Meurant.
Le Certificat interuniversitaire en LSFB-français comble cette lacune en partageant l’expérience accumulée des professionnels et en développant les compétences nécessaires à travers une formation théorique et pratique. Cette formation est coorganisée avec l’UCLouvain Saint-Louis Bruxelles et soutenue par l’Université de Toulouse Jean Jaurès grâce à un financement Erasmus+ et grâce au support de Form@Nam.
Le programme, qui s’est déroulé de janvier 2023 à juin 2024, a permis aux étudiants de se spécialiser dans l’enseignement de la LSFB ou dans la pratique de la traduction-interprétation pour les sourds, après un tronc commun de six mois.
Le programme du certificat inclut un socle commun de maitrise de la LSFB et du français écrit, ainsi que des connaissances théoriques et pratiques sur le bilinguisme entre une langue signée et une langue vocale. Ensuite, des modules de spécialisation se centrent sur l’enseignement de la LSFB et sur les pratiques de la traduction et de l’interprétation par les sourds. Au terme de la formation, les participants sont capables notamment de préparer et de réaliser des prestations d’interprétation de haute qualité, et d’utiliser des outils techniques de pointe pour assurer l’interprétation et la traduction.
Une vingtaine d’étudiantes et étudiants sont proclamés lors de cette cérémonie, marquant ainsi une étape importante dans leur parcours académique et professionnel.
En coordonnant ce nouveau certificat, l’UNamur matérialise à nouveau son engagement envers la mise en œuvre de l’inclusion des personnes sourdes et malentendantes et de la visibilité de la langue des signes au sein de la société. L’UNamur est pionnière dans le domaine de l'étude linguistique de la LSFB. Son Laboratoire de langue des signes de Belgique francophone (LSFB-Lab) est unique en Belgique. Il collabore étroitement avec l’ASBL École et surdité et le Centre scolaire Sainte-Marie Namur, qui inclut depuis le début des années 2000 des groupes d’enfants sourds au sein de classes d’entendants, offrant à ces élèves un enseignement bilingue. En 2022, l’UNamur présentait ainsi le premier dictionnaire bilingue français-LSFB, élaboré grâce à l’expertise et la collaboration d’une équipe de chercheurs en linguistique et en informatique de l’UNamur, avec le soutien financier du Fonds Baillet Latour. L’UNamur a été, dès 2012, impliqué comme partenaire scientifique dans création du Baccalauréat et du Master en traduction et interprétation en langue des signes, organisés à l’UCLouvain, sur les sites de Saint-Louis Bruxelles et de Louvain-la-Neuve.
Ces diverses initiatives s’inscrivent dans un contexte où le Conseil de la Langue française, des Langues régionales endogènes et des Politiques linguistiques viennent d’adopter un Avis d’initiative soulignant l’importance de l’inclusion des personnes sourdes dans divers domaines. En effet, l’inclusion des personnes sourdes, dans les domaines de la recherche sur la LSFB, de la formation des enseignants, de l’interprétation, des médias et de l’audiovisuel, et de l’aménagement linguistique, constitue le cœur de cet avis.
En savoir plus
- Sur le certificat en Certificat interuniversitaire en Langue des Signes de Belgique Francophone (LSFB) et français
- Sur le Laboratoire de langue des signes de Belgique francophone (LSFB-Lab)
- Sur le dictionnaire bilingue français-LSFB :
C'est aussi un projet à soutenir ! Plus d'infos : https://unamur.be/fr/soutenir/lsfb
Ce projet a vu le jour grâce au co-financement de l’Union européenne.
Comprendre l’histoire des violences faites aux femmes au Sénégal : une recherche récompensée par un prix « Genre et santé » de l’ARES
Comprendre l’histoire des violences faites aux femmes au Sénégal : une recherche récompensée par un prix « Genre et santé » de l’ARES
Angélique Aristondo, post-doctorante C2W à l’UNamur, se distingue en remportant le deuxième prix de la recherche 2023 sur le genre et la santé du comité Femmes et sciences de l’ARES. Son projet de recherche porte sur les violences faites aux femmes au Sénégal.
Angélique Aristondo, post-doctorante dans le projet Come to Wallonia | Connect to Wallonia (C2W) à l’UNamur, a été récompensée pour son projet de recherche intitulé « Lutter contre les violences faites aux femmes au Sénégal : pour une histoire située et « d’en bas » d’une urgence sanitaire et sociale », cofinancé par le programme de recherche et d'innovation Horizon 2020 de l'Union européenne dans le cadre de la convention de subvention Marie Skłodowska Curie. Ce prix, remis chaque année aux alentours de la Journée des femmes et filles de sciences du 11 février, a récompensé trois chercheuses évoluant en dehors des disciplines STEM.
« La Journée des femmes et filles de science a l’immense mérite de célébrer les femmes chercheuses. Cependant, ce genre d’événement laisse parfois un peu de côté les chercheuses évoluant dans le domaine des arts et des humanités. Le prix remis par le Comité Femmes et sciences est ouvert à toutes les disciplines et cette diversité est très appréciable », souligne la chercheuse.
Ce projet fait suite à sa recherche doctorale, achevée en 2022, qui portait sur l'impact de la Première Guerre mondiale sur les perceptions et les discours relatifs aux violences de genre et au consentement sexuel en France de 1914 à l'après-Seconde Guerre mondiale. Sa thèse devrait aboutir à une monographie l'année prochaine.
Depuis un an et demi à l'UNamur, Angélique Aristondo, membre des Instituts de recherche NaLTT et PaTHs, se consacre à l'histoire (post)coloniale des violences faites aux femmes au Sénégal. Ce projet s'inscrit dans le champ de l'histoire du genre tout en adoptant une perspective critique, voire postcoloniale, sur les discours contemporains liés à ces violences. L'hypothèse sous-jacente suggère que les dynamiques entre l'ordre colonial et les luttes politiques, raciales et genrées pour l'émancipation ont influencé de manière complexe les discours et dispositifs de prévention des violences faites aux femmes à l'époque postcoloniale.
Trois axes de recherche
Le projet se structure autour de trois axes majeurs : la localisation et l'analyse des sources documentant les débats publics sur les violences faites aux femmes (1930-1970), l'examen des liens entre ces débats et les négociations sur la nature et l'action de l'État à travers une recherche archivistique, et la génération de récits d'histoire orale pour mettre en perspective la marginalisation des femmes dans ces débats.
Ambitieux et novateur, ce projet vise à contribuer à une compréhension plus holistique et intersectionnelle des violences faites aux femmes au Sénégal, en tenant compte des dimensions historiques, coloniales et postcoloniales, tout en intégrant les perspectives des femmes elles-mêmes.
Le programme C2W Come to Wallonia | Connect with Wallonia
Ce projet a reçu un financement du programme de recherche et d'innovation Horizon 2020 de l'Union européenne dans le cadre de la convention de subvention Marie Skłodowska-Curie n° 101034383.
Double anniversaire pour la langue des signes de Belgique francophone
Double anniversaire pour la langue des signes de Belgique francophone
Octobre 2003, la Langue des signes de Belgique francophone (LSFB) était reconnue comme langue officielle par la Communauté française. Dix ans plus tard, en février 2013, l’UNamur, pionnière dans le domaine de l'étude linguistique de la LSFB, inaugurait le laboratoire LSFB-Lab. Retour sur cette aventure interdisciplinaire unique en Belgique.
Cet article est tiré de la rubrique "Expert" du magazine Omalius #30 (septembre 2023)
Pratiquée par environ 4.000 personnes, cette langue visuo-gestuelle présente de nombreuses caractéristiques intrigantes et passionnantes du point de vue de son histoire, de son évolution et de son fonctionnement linguistique. Depuis le début des années 2000, au Département de langues et littératures françaises et romanes de l’UNamur, la LSFB est devenue un objet d’enseignement et de recherche. La création du LSFB-Lab a fait avancer de manière considérable la recherche linguistique sur cette langue des signes et sur la gestualité dans le langage, tout en ouvrant la voie à différentes initiatives de recherche appliquée, dans les domaines de l’enseignement, de la traduction-interprétation et de la reconnaissance automatique de vidéos.
Une première thèse, un laboratoire, un corpus informatisé
Les premiers travaux de linguistiques consacrés à la LSFB ont débuté à l’UNamur avec les recherches de Laurence Meurant, alors assistante de linguistique, aujourd’hui maitre de recherche F.R.S.-FNRS et présidente de l’Institut NaLTT. Sa thèse était consacrée au rôle du regard dans l’organisation grammaticale de la LSFB. Aurélie Sinte, actuellement directrice du Département de langues et littératures françaises et romanes, a ensuite mené son doctorat sur l’expression du temps et de l’aspect dans cette même langue signée. Les deux jeunes collègues ont alors testé les opportunités méthodologiques qu’offraient les enregistrements numériques qui se généralisaient à l’époque. Ce faisant, elles préparaient la constitution d’un ambitieux corpus linguistique apte à documenter la LSFB.
C’est autour de ce projet de corpus qu’a été créé le LSFB-Lab, rassemblant des chercheurs, des assistants de recherche, ainsi qu’un responsable vidéo. L’ensemble des données collectées – et annotées signe par signe pour pouvoir être interrogé automatiquement – représente plus de 80 heures de conversations d’une centaine de signeurs de tous âges, originaires de différentes régions de Belgique francophone et de différents profils, enregistrés par paires au LSFB-Lab. Cette « bibliothèque » de langue des signes accessible en ligne offre une documentation unique du patrimoine culturel et des usages linguistiques de la communauté des Sourds. Elle est désormais l’outil de travail quotidien des chercheurs du LSFB-Lab.
Enseignement bilingue et inclusif
Lorsque l’ASBL École et surdité a vu le jour, en 2000, et a mis sur pied au sein du Centre scolaire Sainte-Marie de Namur un cursus inédit d’enseignement ordinaire bilingue (langue des signes – français) et inclusif pour les enfants sourds et malentendants, l’UNamur a d’emblée soutenu le projet en tant que partenaire scientifique. Dès 2004, elle a organisé une formation continue pour les enseignants des classes bilingues de Sainte-Marie. Les nombreuses collaborations ont donné lieu à la création de nombreux supports (dictionnaire, grammaire descriptive, film…).
Plus fondamentalement, les synergies entre chercheurs et enseignants ont poussé le LSFB-Lab à développer la recherche comparative entre la LSFB et le français, et à créer des outils bilingues au service des enseignants, des élèves, des interprètes, traducteurs et de leurs formateurs.
Études contrastives, multimodalité et outils bilingues
Un deuxième ensemble de données est en cours de collecte au LSFB-Lab : des paires de locuteurs francophones sont enregistrés selon le même protocole que pour le Corpus LSFB. Ce corpus de français parlé multimodal (FRAPé) a récemment ouvert un axe de recherche supplémentaire au sein du laboratoire : celui de l’étude contrastive entre les productions des signeurs de la LSFB et celles des locuteurs du français, sur des données directement comparables. Ces travaux permettent de repenser le statut des gestes dans les productions linguistiques et les interactions, tant en langue signée qu’en langue vocale.
De plus, le LSFB-Lab possède un autre type de ressource bilingue : les conversations signées du Corpus LSFB ont été traduites en français écrit. Ces traductions sont à la base du dictionnaire bilingue contextuel publié en octobre 2022, grâce à la collaboration entre le LSFB-Lab et les équipes d’Anthony Cleve et de Benoît Frénay (Faculté d’Informatique, NADI) et au soutien du Fonds Baillet Latour. Cet outil inspiré des célèbres Linguee ou Reverso, est interrogeable en français et en LSFB, via une webcam : une première mondiale qui a été classée 5e parmi les 10 progrès scientifiques 2022 par l’Écho.
Les perspectives actuelles
Le dynamisme des jeunes chercheurs apporte de nouvelles thématiques de recherche au sein du laboratoire : un post-doctorat et deux thèses récemment démarrées portent sur l’interprétation et sur la traduction entre LSFB et français. Dans le domaine de la formation, le Certificat interuniverstaire « LSFB – français » a démarré en janvier 2023, en collaboration avec l’USL-B (et en particulier, avec le Pr. Dany Etienne). Il s’agit de la première formation entièrement donnée en LSFB et pensée pour un public sourd.
« J’ai débuté la recherche sur la LSFB en solitaire en 2000 et c’est maintenant toute une équipe qui fait vivre la LSFB à l’UNamur et la fait rayonner sur la scène internationale de la recherche ! Les connaissances sur la LSFB ont été augmentées de 10 thèses et de deux projets de post-doc en 10 ans : c’était inimaginable en 2000, c’était encore un rêve quand je suis devenue chercheuse qualifiée en 2011. L’UNamur soutient l’inclusion des membres du personnel sourds et la visibilité de la LSFB, notamment par le recours à l’interprétation. Pour les 10 années à venir, mon souhait serait que la recherche puisse inclure davantage de chercheurs sourds », conclut la responsable du laboratoire.
Cet article est tiré de la rubrique "Le jour où" du magazine Omalius#30 (Septembre 2023)
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Première mondiale : un dictionnaire langue des signes-français
Première mondiale : un dictionnaire langue des signes-français
Un dictionnaire bilingue français-langue des signes (LSFB), que l’on peut interroger dans les deux langues, grâce à une technologie de pointe (reconnaissance faciale) et à l’accès à une vaste base de données compilant plus de 4.500 signes, de mots et d’expressions.
Tel est le fruit de quatre années de travail intense mené par une équipe de chercheurs en linguistique et en informatique de l’UNamur. Une première mondiale qui offre un outil performant, facile d’usage et accessible gratuitement à un large public : les enfants sourds, leurs familles, leurs enseignants, les traducteurs ou encore les interprètes.
En Belgique francophone, la langue des signes francophone de Belgique (LSFB) est pratiquée par environ 4.000 personnes. L’idée de la création d’un dictionnaire bilingue LSBF- Français prend sa source dans la collaboration qu’entretient depuis près de 20 ans, l’UNamur avec les classes bilingues (français - LSFB) fondées par Ecole et Surdité à Sainte-Marie Namur.
« Que ce soit dans nos contacts sur le terrain, dans les écoles par exemple, ou dans nos travaux de recherche, nous faisions le constat que les outils linguistiques permettant une traduction bilingue langue des signes/français étaient peu nombreux et dotés de fonctionnalités limitées. Jusqu’à présent, il s’agissait de lexiques compilant des signes et leur signification en français, ou le dictionnaire en ligne qui en plus offre une définition des signes en LSFB, quelques exemples où le signe est utilisé dans une phrase et des informations sur l’étymologie des signes,» explique la professeure Laurence Meurant, linguiste, responsable du Laboratoire de langue des signes de Belgique francophone (LSFB-Lab) de l’UNamur.
Laurence Meurant et son équipe se mettent alors à rêver d’un outil plus performant, inspiré du principe de Linguee© qui pourrait aider les utilisateurs de tous âges. Il permettrait de comprendre et utiliser adéquatement les mots et les expressions ou les signes dans des contextes variés, tirés de conversations spontanées, et qui pourrait être interrogé directement en langue des signes. Dès 2018, une équipe pluridisciplinaire composée de linguistes et d’informaticiens de l’UNamur se réunit pour relever ce défi scientifique et technologique.
Quatre ans plus tard, grâce au soutien financier du Fonds Baillet Latour, un outil pionnier est opérationnel : un nouveau dictionnaire contextuel bilingue LSFB-français.
Le fonctionnement et les atouts du dictionnaire
Le dictionnaire développé par l’UNamur peut être interrogé dans les deux langues. Concrètement, l’utilisateur peut signer devant la caméra de son ordinateur, et il obtiendra le mot recherché et les contextes dans lesquels il peut être utilisé. Inversement, l’utilisateur peut encoder un mot dans le moteur de recherche du dictionnaire, et il obtiendra sa traduction en signe, ainsi qu’une liste de suggestions d’usage du signe, sous forme de vidéos. Ces fonctionnalités sont actuellement uniques au monde.
Ce dictionnaire repose sur une base de données en langue des signes, très riche, unique au monde. Il utilise les productions en langue des signes de Belgique francophone (LSFB) de cent signeurs, totalisant plus de 80 heures de conversations filmées et leurs traductions en français pour en faire un répertoire de textes bilingues. Un corpus qui résulte de plusieurs années de travail de traduction et d’annotation, signe par signe, réalisée par l’équipe du LSFB-Lab de l’UNamur. Cette base de données continuera à être alimentée par les équipes de l’UNamur, afin d’enrichir continuellement le dictionnaire.
Grâce à un système de reconnaissance de pointe, le dictionnaire est capable, en un laps de temps très limité, de détecter, reconnaitre et traduire de manière très précise, le signe soumis par l’utilisateur. Il fonctionne quel que soit l’environnement dans lequel il se trouve (nul besoin de se trouver dans un studio d’enregistrement ou derrière un fond vert, par exemple). L’outil pourra donc être utilisé directement par les élèves et les enseignants dans leur classe ou à la maison.
Ce nouvel outil est disponible sur une plateforme numérique accessible gratuitement, depuis une tablette ou un ordinateur. L’outil se veut accessible pour tous et partout.
Le corpus en quelques chiffres : 88h15 de vidéos, dont 36h annotées (217.085 annotations, représentant 4.600 signes différents) et traduites (18.872 phrases).
Les défis technologiques réalisés
Pour développer ce nouveau dictionnaire, de nombreux défis sur le plan tant linguistique (conception et alimentation du corpus, comme évoqué ci-dessus) qu’informatique ont dû être relevés. La réussite de ce projet résulte donc, en grande partie de l’excellente collaboration et l’importante complémentarité qui s’est mise en place entre les linguistes de l’institut NaLTT et les chercheurs en informatique de l’institut NADI de l’UNamur.
« Cet outil a nécessité d’abord un travail d’ingénierie web, pour créer une plateforme performante et fluide d’utilisation », explique Anthony Cleve, professeur à la faculté d’informatique et pilote de ce projet aux cotés de Laurence Meurant. « Mais nous avons aussi fait appel à notre expertise et aux dernières avancées de recherche en matière de machine-learning et d’intelligence artificielle, ainsi que d’interaction humain-machine et de data engineering, pour arriver à ce résultat totalement pionnier et innovant ».
Les perspectives de développement
- Développement international : La technologie mise en place peut -être appliquée à d’autres couples langues vocale-langue signée. Des tests ont d’ailleurs déjà été réalisés sur le couple néerlandais-langues des signes des Pays-Bas, grâce à une collaboration avec le Pr. Onno Crasborn (Université Radboud de Nimègue). L’ensemble de la communauté des signeurs en Europe, voire dans le monde, pourrait donc bénéficier de cette innovation.
- Développement technologique : « Un monitoring des erreurs sera mis en place de telle sorte à ce que le système de reconnaissance permettant de détecter le signe de l’utilisateur, soit constamment amélioré, affiné », cite également Anthony Cleve. « Cela permettra non seulement de fournir des traductions encore plus précises et justes mais aussi d’enrichir encore le corpus », poursuit-il. Par ailleurs, les chercheurs en informatique étudient la manière dont l’outil sera capable de segmenter une phrase en LSFB, en signes individuels. C’est sur cette base que l’on pourra viser ensuite le développement d’outils de traduction simultanée, d’une langue à l’autre.
L’expertise UNamur en langue des signes
L’UNamur est pionnière dans le domaine de l'étude linguistique de la LSFB. Son Laboratoire de langue des signes de Belgique francophone est unique en Belgique. Il collabore étroitement avec l’ASBL École et surdité et le Centre scolaire Sainte-Marie Namur, qui inclut depuis le début des années 2000 des groupes d’enfants sourds au sein de classes d’entendants, offrant à ces élèves un enseignement bilingue.
L’équipe de recherche de l’UNamur
C'est une équipe non seulement interdisciplinaire (linguistes et informaticiens), mais aussi intergénérationnelle avec des profils seniors (académiques et post-doctorants), et tout à fait juniors (étudiants). Elle est aussi inclusive, puisqu’entendants et sourds participent à ce projet.
L’équipe : Laurence Meurant (LSFB-Lab), Anthony Cleve (Informatique), Benoît Frénay (Informatique), Bruno Dumas (Informatique), Sibylle Fonzé (LSFB-Lab), Bruno Sonnemans (LSFB-Lab), Alice Heylens (LSFB-Lab), Maxime Gobert (Informatique), Jérome Fink (Informatique), Maxime André (Informatique), Pierre Poitier (Informatique), Loup Meurice (Informatique).
Événements
Préparer le terrain. Gestes, supports et discours du travail exploratoire en littérature et au cinéma
Ce colloque, organisé sous les auspices du master de spécialisation en Cultures et pensées cinématographiques de l’Université de Namur et de l’Observatoire des Littératures Sauvages (OLSa) se penchera sur les phases exploratoires des projets littéraires et cinématographiques dans le domaine francophone contemporain.
Le colloque se tiendra les mardi 15 et mercredi 16 avril 2025, à l’Université de Namur (Belgique). Les propositions de communication (titre programmatique et résumé de 500 signes, suivis d’une biobibliographie) peuvent être adressées pour le 15 novembre 2024 à Jean-Benoit.Gabriel@unamur.be et Denis.Saint-Amand@unamur.be.
Contact
Pour toute question : info.naltt@unamur.be