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"Et si Namur m'était conté... Pour une culture nouvelle?"

Discours prononcé par le recteur Yves Poullet lors de la séance académique de la rentrée 2011-2012

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Permettez moi d’abord de saluer chacune et chacun d’entre vous en ses titres et surtout qualité. Votre présence souligne l’intérêt que vous portez à notre université. 

Au confluent de la Meuse et de la Sambre, au bas de la fière citadelle, notre institution a vu couler tant d’eau depuis un an. 

Inscrite dans un projet ambitieux de fusion, l’Université de Namur s’est retrouvée mi-janvier devant une page blanche qui rend plus urgente encore qu’hier, l’écriture de SON projet. C’est de lui que je voudrais, sans détour, vous entretenir aujourd’hui. Ce projet doit être audacieux et innovant, il ne peut plus se contenter d’une autosatisfaction ou de vœux pieux. C’est un devoir vis-à-vis de notre communauté et j’entends œuvrer pour le finaliser et le réaliser. 

Certes, le paysage dans lequel s’inscrit ce projet est en cours de discussion. Il se dessine au gré d’avant projets ministériels parfois contradictoires. À ces Ministres, architectes du paysage institutionnel tant de l’enseignement que de la recherche universitaires, qu’il me soit permis d’adresser quelques convictions et de souhaiter de leur part une réponse gouvernementale claire, rapide, simple et efficace, réponse indispensable pour remobiliser nos institutions d’enseignement supérieur, fragilisées ou démobilisées par l’échec des stratégies mises en place ces dernières années.

Sans doute, l’esquisse proposée et son principe sont connus. Elle s’articule sur des une volonté et des structures de collaboration entre, d’une part, les institutions d’enseignement supérieur universitaires et, d’autre part, celles non universitaires, y compris artistiques et de promotion sociale et ce à deux niveaux : au niveau central par la création d’une Académie ; au niveau au minimum sous-régional au sein de pôles géographiques au nombre de cinq dont un pôle namurois. L’ensemble des universités souscrit à cette idée, Namur y adhère totalement. 

Vue de Namur, la création de la coupole 'Enseignement supérieur namurois', il y a presque 10 ans préfigurait ce souci de mettre, autour de la même table et sur pied d’égalité, institutions d’enseignement supérieur universitaires et non universitaires, tous réseaux confondus. Ces concertation et collaboration croissantes au sein de la coupole nous les vivons au service tant des étudiants que d’une sous-région, en l’occurrence, notre Province. Désignée comme 'université de référence' de ce pôle, notre université est  prête à jouer pleinement ce rôle. Avec l’ensemble des institutions d’enseignement supérieur namurois, nous entendons multiplier entre nous et avec les acteurs privés et publics locaux ces synergies qui représentent un plus pour l’ensemble de nos étudiants et ces acteurs. Ainsi sont discutés des projets d’espace culturel commun, la mutualisation de nos ressources et bibliothèques, la coopération entre nos facultés et les départements d’enseignement supérieur  la création d’une maison internationale des étudiants  Enfin, la fusion de l'HENAM et de Blaise Pascal : l’HENALLUX et la personnalité liégeoise de certains membres de notre pôle créent pour le pôle namurois le devoir de collaborer au développement de l’enseignement supérieur dans la Province de Luxembourg et ce en parfait accord avec nos collègues liégeois. 

Au-delà du pôle, et de manière plus essentielle encore pour nos activités, la réforme du paysage institutionnel de l’enseignement supérieur entend renforcer au sein d’une académie unique la coopération entre toutes les institutions d’enseignement supérieur de la Fédération Wallonie- Bruxelles. Ce projet ambitieux ne peut que renforcer la visibilité de nos institutions à l’extérieur. Il substituera, je l’espère, à une logique concurrentielle parfois rude, une saine émulation et rationalisera l’offre d’équipements et de formations, tout en permettant des innovations tant en enseignement, recherche que de service à la Communauté. Ces innovations, les cloisonnements traditionnels ne les auraient pas permis. C’est sans hésiter et dans cet esprit que, sans exclusive, nous répondrons, dans la mesure de nos capacités, aux demandes de partenariat, qu’il s’agisse de co-diplômations, de laboratoires, d’infrastructures ou de programmes de recherches communs comme nous entendons que les autres répondent à nos propres sollicitations. Notre indépendance, nous y tenons même si cette indépendance se veut cordiale et ouverte à une coopération sur pied d’égalité. En matière d’excellence dans l’enseignement et la recherche, il n’y a pas de petites et de grandes universités et chacune d’elles est appelée à reconnaître loyalement les qualités de l’autre.

Mais au-delà de ce satisfecit, qu’il me soit permis de rappeler à nos responsables politiques que l’excellence de l’enseignement supérieur s’appuie de manière essentielle sur l’autonomie de ses institutions. Cette autonomie et la liberté académique qui la fonde sont garantes de  la vitalité et de l’originalité de nos offres d’enseignement et de nos recherches. Nos universités ont fait leurs preuves et continuent à le faire dans le concert européen et à l’aune des classements internationaux, de Shanghai et d’ailleurs. Par ailleurs, l’autonomie de chaque institution doit se doubler d’une autonomie collective de l’ensemble de nos universités et hautes écoles, chaque catégorie consacrée dans ses spécificités et ses complémentarités. La création d’un réseau autonome des enseignements supérieurs constitue la réponse de l’ensemble de ces institutions vis-à-vis du pouvoir politique. Si certes, celui-ci lui réclame de nos institutions, à bon droit, des comptes en matière de formation de ses futurs cadres ou en matière de réflexions critiques et d’innovations sociétaires, si donc le pouvoir politique doit pouvoir fixer à nos institutions des objectifs, qu’il prenne garde cependant de ne pas s’ingérer pour autant dans la conduite des affaires universitaires ni d’étouffer par des contraintes administratives et une gouvernance lourde, la liberté créatrice de ses acteurs. Que certaines balises soient mises afin de favoriser le développement de chaque institution, l’émulation et non plus la concurrence, que le politique promeut les synergies locales mais que ces interventions restent strictement proportionnées : il ne peut être question par les pôles de balkanisation, ni, par l’académie unique, de mise sous tutelle de l’enseignement supérieur, alors même que les structures (FNRS, CIUF, CUD, etc.) font leurs preuves.

Le même propos doit être tenu en particulier en matière de recherche. L’apport de nos institutions universitaires à la société se mesure à la qualité de la recherche qui y est conduite et à sa capacité d’innovation. Cette qualité et cette innovation supposent à la fois la liberté de l’Université, c'est-à-dire la possibilité pour chaque institution de suivre des stratégies différenciées mais également fondée sur cette liberté, la volonté et le désir de dialoguer entre  elles et, dans toute la mesure du possible, de mutualiser leurs moyens voire les équipes de recherche. Par ailleurs, cet apport n’est possible que si est garantie, tant financièrement que dans sa gouvernance, une recherche universitaire dite 'fondamentale', ayant pour seul critère l’excellence. Sans doute, au-delà, un double devoir s’impose au gouvernement, le premier est de veiller au fait que les universités assurent le continuum entre recherche fondamentale et recherche opérationnelle dans et avec les entreprises au service de nos régions ; le second est d’inscrire ses projets de recherche en lien avec la politique européenne de développement.

Notre souci, Messieurs, Mesdames, Mesdemoiselles et vous chers collègues, de voir rapidement précisé le paysage dans lequel inscrire notre action ne peut nous dispenser, je l’ai souligné d’emblée, de définir et finaliser notre propre stratégie. OSER LE CHANGEMENT. C’est l’ardente demande de la communauté universitaire namuroise : « Dites nous où et comment nous y allons ! Contez-nous Namur qui demain ne sera plus comme hier ! ».  Pour éclairer nos décisions, comme l’a rappelé son Président, l’Assemblée générale a mobilisé cinq ateliers dont les rapports ont été analysés tant collectivement qu’individuellement au sein de notre Université. Sans préjuger des résultats auxquels le Conseil d’administration aboutira dès la fin de cette année, sur la base des lignes stratégiques qui seront tracées en octobre par l’Assemblée générale, je souhaite dès maintenant vous proposer quelques axes du changement que je souhaite pour notre Université.

Mais d’abord qui sommes nous ? Affirmer l’identité de ce que nous sommes est sans doute la meilleure façon pour que chacun dans notre communauté universitaire puisse se reconnaître et guider son action :

« Université, au sens plein du terme, qui pratique des valeurs humanistes fortes héritées de sa tradition jésuite, notre institution répond aux besoins tant de son ancrage local que de la société globale, elle entend se doter d’une gouvernance qui responsabilise ses membres y compris les étudiants et ses organes à tous les niveaux ; elle  met en œuvre l’évaluation régulière de ses pratiques et de celles de ses personnels. En coopération avec ses partenaires universitaires, elle développe la recherche dans une logique de crédibilité internationale et de services à la société. Elle intègre fortement enseignement et recherche et développe un projet pédagogique innovant, répondant aux défis de la société et aux besoins d’une génération nouvelle d’étudiants. Enfin, elle est soucieuse de mettre en pratique les exigences d’une politique de développement durable et suit une politique financière qui arbitre les dépenses pour garantir un équilibre soutenable tout en entendant porter des projets ambitieux ».

Pour forger cette identité, il importe d’insuffler à notre université, à ses organes, à ses membres, une culture nouvelle. Trois éléments fondamentaux me paraissent devoir caractériser celle-ci et permettre la définition tant, par l’assemblée générale, des lignes stratégiques que, par le Conseil d’administration, des objectifs et des moyens de les atteindre: le premier élément est la recherche de la qualité que je qualifierai de différentielle, le deuxième, celui de la responsabilisation collective et individuelle, qui suppose une culture de l’évaluation, le troisième s’ancre dans le besoin de communication et de dialogue. Évoquons chacun de ces éléments.  

La culture de la recherche et de l’enseignement de qualité… dans la différence

Notre université ne vise pas la quantité, que ce soit en ce qui concerne le nombre de cycle d’études, le nombre d’étudiants et de chercheurs. Dans les domaines d’activités universitaires, qui lui sont reconnus et où elle est reconnue, elle vise la qualité du service celui qu’elle entend rendre tant à ses étudiants, qu’à ses chercheurs et, finalement, à la société. Cette approche implique que nous ne dissocions pas enseignement et recherche tant chacun se fertilise au contact de l’autre, cela implique que nous soyons innovants tant dans nos méthodes d’enseignement que dans nos domaines d’enseignement et de recherche. Ces innovations doivent permettre de mieux souligner et valoriser, dans le concert interuniversitaire de notre fédération Wallonie Bruxelles, la spécificité de notre enseignement en particulier celui de deuxième et troisième cycles et de notre recherche.

  • À propos des méthodes d’enseignement, les innovations pourraient se décliner autour de différents axes qui répondent aux besoins d’une formation universitaire dans la société actuelle: la pédagogie différenciée en particulier pour la première année de baccalauréat et, dans le cas des masters, de développer une pédagogie participative et de renforcer le lien entre étudiants et chercheurs.
  • À propos des domaines de recherche et donc d’enseignement, on épingle le maintien et le développement de créneaux complémentaires à ceux proposés par les institutions universitaires voisines et l’importance de l’interdisciplinarité, du croisement des savoirs.
  • Enfin, il importe que des moyens soient accordés pour promouvoir l’excellence de certains de nos chercheurs. Il s’agit, pour la recherche, d’assurer les conditions d’une visibilité internationale, de garantir le maintien et le développement d’une crédibilité internationale dans certains domaines clés développés à Namur.
La culture de la responsabilisation et de l’évaluation

La responsabilisation s’entend en premier lieu de celle accrue des organes de base de notre institution (ainsi, les facultés, les centres de recherche et les administrations). Vis-à-vis de ces organes, si leur responsabilisation s’accroît, cela implique le transfert de compétences et l’attribution des moyens d’exercer ces compétences, la responsabilisation signifie également, pour ces organes, un impératif de rendre des comptes sur leur gestion. La culture de la responsabilisation s’entend donc également d’une gouvernance centrale forte en charge de définir, dans et par un dialogue renforcé, avec ces organes les axes stratégiques essentiels pour le devenir de notre université et de veiller à leur réalisation. Cette gouvernance centrale doit permettre de dépasser la logique des silos facultaires ou administratifs, dans lesquels nous sommes trop souvent cantonnés pour entrer pleinement dans une dynamique de transversalité. Ceci implique notamment le renforcement des organes transversaux existants, en particulier le Conseil académique et le Conseil de gestion. Cette dynamique assurera une plus grande richesse à notre enseignement et à notre recherche et nous permettra d’être plus efficients dans l’arbitrage de nos ressources limitées.

La responsabilisation s’entend également de celle des acteurs de notre communauté : les chercheurs, les membres du corps administratif, les étudiants. Il importe qu’à chacun soient fixés en concertation des objectifs et lui soient donnés les moyens de les réaliser.

La responsabilisation va de pair avec une culture de l’évaluation. Seule, celle-ci fait grandir et pousse à l’excellence.

  • Évaluation de notre recherche et de notre enseignement : il sera nécessaire de procéder à des évaluations externes des personnes, des programmes d’enseignement et des centres tant ex-ante qu’ex-post. Cette évaluation est au cœur de l’excellence de la recherche. Elle est demandée à juste titre par les autorités de la Fédération Wallonie Bruxelles. C’est donc un impératif de l’approfondir. Elle ne doit pas être vécue comme une contrainte, mais comme un gage d’efficacité et de qualité.
  • Évaluation des personnes : il s’agit de combiner la liberté académique et le respect des personnes avec un approfondissement et un renforcement de nos méthodes d’évaluation. Nous prônons une  culture d’évaluation positive, source de dialogue et non d’exclusion, fondée sur la définition d’objectifs transparents  de compétences à atteindre et ayant pour moteur des incitants et non des exclusions. Cette évaluation doit ouvrir au corps académique une carrière différenciée dans le temps et favoriser pour le corps ATO une mobilité accrue dans l’institution.
La culture de communication et de dialogue : troisième et dernier élément fondamental du changement

Notre Université communique peu, et je le regrette. En interne, la communication m’apparaît indispensable à l’adhésion par tous au projet de l’institution et permet, sur cette base, la discussion des moyens. Énoncer et motiver les décisions majeures, éclairer les choix stratégiques mais également rendre compte des résultats atteints ou non atteints, c’est le devoir des dirigeants et j’entends bien qu’à tous niveaux de pouvoir, cette transparence existe. L’importance du dialogue ne peut qu’être soulignée, dialogue avec les corps et le Conseil d’entreprise, dialogue entre organes, dialogue surtout dans les services et les facultés avec les personnes, il y a encore, dans notre Université, trop de personnes qui se retrouvent en souffrance seules sur le bord du chemin.

Que dire de la communication et du dialogue avec l’extérieur ? Un an de visites rectorales au sein de nos bâtiments m’a fait découvrir les richesses et les potentialités de nos facultés. Sans doute, sans perdre la modestie qui sied à la taille de notre institution, importe-t-il dorénavant de mieux les mettre en évidence, d’afficher à l’extérieur ce qui souvent se cache derrière les murs.

Communiquer et dialoguer, c’est aussi prolonger et amplifier le dialogue avec nos anciens, avec la Ville, les acteurs économiques et sociaux, c’est, dans le cadre de nos moyens et pour autant que nous puissions y répondre adéquatement, être ouvert sans exclusive à toute forme de coopération avec nos partenaires ceux locaux de l’enseignement supérieur, ceux de notre Fédération Wallonie-Bruxelles  et au-delà, dans les réseaux européens et internationaux. Avec eux, fort d’une indépendance que nous voulons cordiale, nous tenterons de répondre aux défis de cette société.

C’est dans cet esprit d’ouverture, c’est avec une audace nourrie par la conviction de la nécessité d’un changement, c’est avec la ferme volonté de concrétiser à bref délai un projet pour notre Université autour de ces axes nouveaux, que je déclare, sous la protection de Notre Dame, l’année académique 2011-2012 ouverte.   

Yves Poullet, recteur des FUNDP

15 septembre 2011