Pour une prosopographie des comtes de Namur (Xe siècle-1429)
I. Notices consacrées aux comtes de Namur dans
des ouvrages anciens
A. L’art de vérifier les dates des faits historiques,
des chartes, des chroniques
et autres anciens monuments,
depuis la naissance de Notre-Seigneur
par un religieux de la congrégation de Saint-Maur,
réimprimé avec des corrections et annotations,
et continué jusqu’à nos jours,
par M. de Saint-Allais
T. XIV , Paris, 1819, pp. 112-131
Transcription par
Blandine Colin
Marie Druet
Matthieu Freche
Olivier Leleu
Virginie Marot
Thibaut Naniot
Cette transcription littérale sera progressivement
annotée et enrichie de références bibliographiques
par les étudiants en histoire de l’université de Namur (FUNDP),
sous la direction de Guy Philippart
Namur, FUNDP, 1998
CHRONOLOGIE HISTORIQUE
DES COMTES ET MARQUIS DE NAMUR
Le comté ou marquisat de Namur, situé entre
le Hainaut, le Brabant, le Luxembourg et le pays de Liége, n’a
présentement (1785) que douze lieues de longueur, sur un peu moins
de largeur. Sa capitale, d’où il tire son nom, est située
sur la Sambre et à côté de la Meuse. Elle a été
érigée en évêché suffragant de Cambrai,
l’an 1569. Les autres villes de ce comté sont Bouvines, Charlemont,
Valcourt, Thil-le-Château et Charleroi. Bérenger est le plus
ancien comte de Namur qui paraisse dans l’histoire. Ce pays faisait alors
partie du comté, beaucoup plus étendu, de Lomme, Pagus
ou comitatus Lommensis, dont Bérenger prit le titre.
Il est fait mention de lui sous cette dénomination pour la première
fois, dans un diplôme du roi de Germanie, Louis IV, en faveur de
l’évêque de Liége ; titre daté de l’an
908. (Gall. Chr. , t.III , Inst. c. 146.) L’an 924, il secourut
le comte Boson, dans la guerre qu’il eut contre Giselbert, duc de Lorraine,
frère de sa femme. Ayant fait celui ci prisonnier, il le remit
incontinent en liberté, se contentant de retenir en otage les enfants
de Rainier II, comte de Hainaut, frère du duc Giselbert. ( Voy.
Giselbert, duc de Lorraine. ) La paix se fit alors par l’entremise
de Henri, roi de Germanie. Bérenger vivait encore l’an 932, comme
on le voit par un diplôme de ce roi. N., son épouse, que
des modernes nomment Symphorienne, fille de Rainier I, duc de Lorraine
et comte de Hainaut (vivante en 924), lui donna un fils, qui suit.
ROBERT I.
932 au plutôt. Robert, fils et successeur de Bérenger
au comté de Lomme, fut un des seigneurs, suivant Flodoard, que
l’archevêque Brunon, archiduc des deux Lorraines, eut plus de peine
à réduire. Ce prince ayant publié un édit
pour faire détruire les forteresses que la noblesse avait élevées
sans l’ordre du souverain, Robert se mit à la tête de ceux
qui s’opposèrent à l’exécution de cette loi. (Flodoard,
ad ann. 960.) On ne sait ni l’année de sa mort, ni le nom
de sa femme, dont il laissa un fils, qui suit
ALBERT I.
Albert I, fils de Robert auquel il succéda, prit
le parti, en 973, des enfants de Rainier III, comte de Hainaut, que l’archiduc
Brunon avait dépouillés de ce domaine, et leur envoya des
secours pour le recouvrer. On ne sait pas combien il vécut depuis
cette époque. Ermengarde, son épouse, fille de Charles de
France, duc de la basse Lorraine, lui donna deux filles mentionnées
dans la généalogie de saint Arnoul : Hatvide, femme
de Gérard d’Alsace, duc de Lorraine ; et Emme, épouse
de Gislebert, comte de Loss. Le. P. de Marne donne à Albert encore
deux filles : Ermengarde, qui épousa Otton, comte de Chini ;
et Gode, ou Marguerite, dont on ne connaît point l’époux,
qu’elle fit père d’unne fille qui donna le jour à saint
Arnoul de Soissons.
RATBODE, ou ROBERT II.
Ratbode, ou Robert II, fils d’Albert et son successeur,
donna du secours à Lambert, comte de Louvain, beau-frère
de sa mère, contre Balderic de Loss, évêque de Liége,
et combattit pour lui à la bataille de Tirlemnont, donnée
le 10 octobre 1013, où il fit prisonnier Herman, comte de Verdun,
frère de Godefroi III, duc de la basse Lorraine. Il encourut par-là
l’inimitié de l’empereur Henri II. Mais, par le conseil d’Ermengarde,
sa mère, ayant rendu la liberté à son prisonnier,
il regagna les bonnes grâces de l’empereur, et acquit un ami dans
la personne du comte de Verdun. On ignore l’année de sa mort. Ratbode
avait un fils, dont parle l’histoire des miracles de saint Gengoul (Bolland.
die 11 maii, t.II, p.651, n.15), qui est peut-être Albert,
qui suit ; mais la généalogie de saint Arnoul, qui
ne nomme point Ratbode, le donne à Albert I et à Ermengarde.
ALBERT II.
Albert II, fils et non frère de Ratbode, lui
succéda. Il était déjà célèbre
par des actions de valeur. L’an 1006, il s’était joint à
Lambert, comte de Louvain, pour empêcher Godefroi III de se mettre
en possession du duché de la basse Lorraine, que l’empereur Henri
II lui avait donné. Cette guerre dura l’espace de douze ans. (Voy.
Godefroi III..) Une ancienne chronique (Bouquet, t .XI, p.172) dit qu’il
fut tué, le 15 novembre de l’an 1037, près de Bar-le-Duc,
en combattant pour l’empereur Conrad II, contre Eudes, comte de Champagne.
Il avait épousé RAGELINDE, fille de Gothelon I, duc de haute
et de basse Lorraine (et non pas Ermengarde, fille de Charles de France,
frère du roi Lothaire), dont il eut deux fils, Albert, qui suit,
et Henri, Comte de Durbui .
ALBERT III.
1037. Albert III, fils d’Albert II, lui succéda
en bas âge sous la tutelle d’Ermengarde, son aïeule. Cette
princesse mourut en 1044, lorsqu’Albert avait à peine l’âge
de majorité. L’an 1047, Albert fit ses premières armes sous
l’empereur Henri III, dans la guerre que ce prince eut avec le comte de
Flandre. Il l’accompagna, les années suivantes, dans les différentes
expéditions qu’il fit en ce pays-là, jusqu’à la paix
qui fut conclue en 1056. L’an 1072, Albert prit la défense de Richilde,
veuve de Baudouin, comte de Flandre et de Hainaut, contre Robert le Frison,
et combattit pour elle à la fameuse journée de Broqueroie,
où Robert fut vainqueur. L’an 1076, après la mort de Godefroi
le Bossu, duc de Lorraine, il aida efficacement Thierri, évêque
de Verdun, à se remettre en possession de son comté, dont
ce duc avait eu la jouissance. L’évêque, par reconnaissance,
l’établit son vicomte. L’an 1086 (et non 1078, comme le marque
le P. Anselme), il défendit l’évêque de Verdun contre
Godefroi de Bouillon, qui voulait reprendre ce comté pour en jouir
comme avait fait son oncle Godefroi le Bossu. Il alla même, à
la tête des vassaux de l’évêque, attaquer le château
de Bouillon, sur lequel il avait des prétentions du chef de sa
femme, et dont Manassès, archevêque de Reims, lui avait promis,
comme haut suzerain, l’investiture. Mais Godefroi, dans une sortie, battit
le comte et fit beaucoup de prisonniers, du nombre desquels fut Henri,
comte de Grand-Pré. Celui-ci, ayant recouvré sa liberté,
se laissa engager par le duc à faire des incursions sur le territoire
de Verdun, tandis que Godefroi, de son côté, faisait ravager
ce pays par la garnison qu’il avait mise au château de Stenai. Thierri,
qui gouvernait toujours l’église de Verdun, assembla des troupes
auxiliaires à la tête desquelles étaient le comte
de Namur et le comte de Toul, fit assiéger ce château, et
soutint devant cette place un combat dont le succès fut incertain.
L’évêque de Liége s’étant rendu médiateur
entre les parties belligérantes, parvint à les accommoder
vers le commencement de l’an 1089. (Laurent. Leod. Hist. Episc. Virdun.)
Albert mourut au plutôt en 1105. ( De Marne, Hist. de Namur.)
Il avait épousé Ide, ou Relinde, fille de Bernard, duc de
Saxe, et veuve de Frédéric, duc de Lothier, de laquelle
il eut Godefroi, qui suit ; Frédéric, évêque
de Liége ; Henri, comte de la Roche, en Ardennes ; Albert,
ou Alberic, mort en Asie ; Ide, première femme de Godefroi
le Barbu, duc de la basse Lorraine ; et Alix, femme d’Otton II, comte
de Chini, et non de Folmar, comte de Metz, comme le marque Bertel.
GODEFROI.
1105 au plutôt. Godefroi, fils aîné
d’Albert III, devint son successeur après avoir été
son collègue pendant l’espace de cinq ans ; car on voit qu’il
prend la qualité de comte dans une charte d’Ermesinde, sa femme,
de l’an 1101 ; ce qui suppose qu’il avait été associé
dès ce tems-là au gouvernement par le comte Albert, son
père. (Hist. de Namur, p.137.) Godefroi fut un des plus
zélés partisans de l’empereur Henri IV. Lorsque ce monarque,
poursuivi par son fils dénaturé, se fut retiré à
Liége, Godefroi lui amena des troupes pour l’empêcher d’être
forcé dans cet asile. Le jeune Henri ne tarda pas en effet d’envoyer
des troupes pour attaquer la ville de Liége. L’évêque
Otbert venait de célébrer la cêne du jeudi-saint,
lorsqu’on lui annonça qu’elles venaient de s’emparer du château
de Viset, sur la Meuse, entre Liége et Maëstricht. A cette
nouvelle, le comte de Namur, secondé par le duc de Limbourg et
son fils, se met à la tête des Liégeois et de ses
gens, court à l’ennemi, et, l’ayant attaqué à la
tête du pont de Viset, en tue une partie, et met en fuite l’autre,
qui s’étant jeté sur le pont avec trop de précipitation
pour le repasser, l’enfonça par son poids, et fut presque entièrement
noyée (Voyez Otbert, évêque de Liége.)
Godefroi, dans la suite, défendit Frédéric, son frère,
élu évêque de Liége en 1119, contre Alexandre,
son compétiteur, et l‘affermit sur son siége. Il fonda,
l’an 1121, l’abbaye de Floreffe pour des Prémontrés, en
considération de saint Norbert, son ami. L'an 1136, il prit querelle
avec Godefroi le Barbu , comte de Louvain et duc de Lothier, son
beau-frère, au sujet de l'élection d'un nouvel abbé
de Gemblours. Les choses allerent si loin, que le comte de Namur, ayant
pris les armes, rentra dans le Brabant, assiégea la ville de Gemblours,
et y jeta des matières enflammées qui la réduisirent
presque entièrement en cendres, sans qu'il pût néanmoins
s'en rendre maître pour lors. Mais étant revenu peu de tems
après devant la place avec le comte de Hainaut, son gendre, il
l'emporta d'assaut, et en abandonna les habitants, ainsi que l'abbaye,
à la fureur de ses troupes. L'an 1139, Godefroi de Namur se retira
dans l'abbaye de Floreffe, où il mourut le 19 août de la
même année. Il avait épousé, vers l'an 1088,
en premières noces, Sibylle, fille et héritière de
Roger, comte de Château-Porcien, qui le quitta ensuite pour donner
sa main à Enguerand de Boves, comte d'Amiens et sire de Couci :
source de guerre entre ces deux seigneurs et de malheurs pour leurs sujets.(Voy.
les sire de Couci.) Sibylle avait fait Godefroi père de
deux filles : Elisabeth, mariée, 1°. A Gervais, comte de Réthel ;
2°. A Clerembaud, et non Roger de Rosoi ; et Flandrine, mère
de Hugues, seigneur d'Antoing et d'Epinoi. Ermesinde, ou Ermenson, fille
de Conrad I, comte de Luxembourg, veuve d'Albert, comte de Dagsbourg,
sa seconde femme du vivant de la première, morte le 24 juin 1143,
et inhumée auprès de son mari, lui donna Henri, qui suit ;
Albert, mort avant son père ; Clémence, mariée
à Conrad, duc de Zeringen ; Béatrix, femme de Gonthier
ou Guitier, comte de Rethel ; et Adélaïde, appelée
aussi Ermengarde, femme de Baudouin IV, dit le Bâtisseur,
comte de Hainaut. " Nul comte de Namur, dit le P. de Marne,
ne fut plus aimé de ses sujets que Godefroi. Il les gouvernoit
avec une bonté et une modération qu'on ne devoit pas
attendre d'un caractère aussi impétueux que le sien ".
Guibert de Nogent (liv. 3, de vita sua, c. 3) dit qu'il était
aussi beau prince qu'il était bon.
HENRI II.
L'an 1139, Henri devint le successeur de Godefroi, son
père, au comté de Namur. S'étant brouillé,
l'année suivante, avec Adalbéron, évêque de
Liége, il attaque à l'improviste la ville de Fosse, dans
le pays de Lomme, qu'il livre aux flammes et au pillage. (Auctar. Gemblac.)
Cette rupture n'eut point de suite ; car nous voyons qu'en 1141,
la paix était faite entre le comte et le prélat, puisqu'Henri
fut un des alliés d'Adalbéron, dans l'expédition
qu'il fit cette année, pour recouvrer le château de Bouillon,
usurpé sur son église par le comte de Bar-le-Duc. Entr'autres
prouesses qu'il fit dans cette expédition, Gilles d'Orval rapporte
que, voulant détruire un moulin qui était à l'usage
des assiégés, il sauta à cheval dans la rivière,
à la tête de ses gens, pour couper la digue qui arrêtait
les eaux ; ce que voyant les assiégés, trois d'entre
eux lancèrent chacun un trait sur son cheval, qu'ils renversèrent
dans l'eau, avec le cavalier. Mais ses gens le relevèrent aussitôt,
et, animés par ses exhortations, ils vinrent à bout de rendre
à la rivière son libre cours, et d'empêcher, par-là,
le moulin de tourner ; car la rivière ( c'était le
Semois ) était trop petite pour le faire mouvoir sans artifice.
L'empereur Conrad ayant donné, l'an 1145, au comte Henri, l'avouerie
de Saint-Maximin de Trèves, il prit la défense de cette
abbaye contre l'archevêque Adalbéron, qui voulait attaquer
son exemption. Ce différent, qui occasiona une guerre très-vive
entre le comte et le prélat, fut terminée à la diète
de Spire par un diplôme de Conrad, daté du 4 janvier 1146.
( Voy. les archev. de Trèves. ) L'an 1149, suivant Lambert
Waterlos, ou 1150, selon un manuscrit des annales d'Anchin, Baudouin le
Bâtisseur, comte de Hainaut, étant en guerre avec Thierri
d'Alsace, comte de Flandre, implora le secours de Henri, son beau-frère
(et non son beau-père, comme dit Waterlos), qui lui amena des troupes,
avec Henri, évêque de Liége, pour empêcher le
comte de Flandre de fortifier le château de Cauhautin ; mais
ce fut inutilement, et ils se retirèrent avec la confusion de n'avoir
pu réussir. ( Bouquet, tom. XIII, pp. 502-737. ) L'an 1151, suivant
la chronique de Lobbes, le comte Henri renouvela ses entreprises sur les
terres de l'église de Liége : mais il trouva dans Henri
de Leyen, qui la gouvernait alors, un adversaire vigoureux, qui arrêta
les efforts de son ambition. Il arriva, dit un auteur du tems ( Auctar.
Afflighem.), que ses troupes s'étant jetées sur un village
du Liégeois, nommé Hoylon ( aujourd'hui Hollogne ), un des
chefs mit la main sur l'évêque, qui se trouvait là
pour le faire prisonnier. Mais le prélat ayant eu l'adresse ou
la force de lui échapper, on en vint à un combat sanglant,
dont l'issue fut l'incendie de l'église et d'un grand nombre de
personnes qui s'y étaient réfugiées. Ce prélat
eut sa revanche bientôt après : étant tombé
sur lui, le premier février de l'année suivante, il le battit
à plate couture, dans la plaine d'Andenne, sur la Meuse. L'an 1155,
tandis que l'évêque est en Italie, où ses affaires
l'avaient appelé, il profite de cette absence pour recommencer
ses hostilités. Mais le comte de Duras, maréchal de l'église
de Liége, pour le rappeler chez lui, va faire le siége de
Namur. Henri, déconcerté par cette diversion, prend le parti
de faire la paix. (Voy. les évêques de Liége.)
L’an 1163, se voyant sans enfants, et n’en espérant plus de sa
femme Laurence, il dispose, au mois de juin, de tous ses domaines, en
faveur de Baudouin, son neveu, fils et héritier de Baudouin IV,
comte de Hainaut, ne s’en réservant que l’usufruit. Laurence étant
morte, ou s’étant retirée dans un monastère, comme
le dit Gilbert de Mons, Henri épouse, vers 1166, Agnès,
fille de Henri, comte de Gueldre. Le but de ce mariage était de
retirer des mains de l’empereur la ville de Maëstricht, qu’il avait
engagée pour seize cents marcs d’argent, laquelle somme le comte
de Gueldre s’obligeait de rendre ; mais ayant manqué à
son engagement, Henri renvoya la princesse au bout de quatre ans, sans
qu’il eût habité avec elle maritalement.
Godefroi, duc de Brabant, formait contre le comte Henri
certaines prétentions, qui, en 1169, furent le sujet d’une guerre,
dans laquelle celui-ci eut pour alliés le comte de Hainaut et son
fils, qui lui procurèrent une paix avantageuse. L’an 1172, Le jeune
Baudouin, nouvellement comte de Hainaut secourut efficacement le comte
Henri, son oncle, dans la guerre qu’il eut avec le duc de Limbourg. (Voy.
Henri III, duc de Limbourg.) Baudouin ne servit pas un ingrat ;
et, l’an 1176, il trouva dans le comte de Namur, un allié fidèle
contre Jacques d’Avênes, avec lequel il était en guerre.
( Gisleb. Mont. ) Henri, depuis long-tems, n’avait qu’un œil, dont
il vît : il le perdit, l’an 1182, dans une maladie qu’il eut
à Luxembourg. ( Ibid. ) De là le surnom d’Aveugle
qui lui fut donné. Attaqué, l’an 1185, par le duc de Brabant,
il est puissamment secouru par le comte de Hainaut, son neveu. ( Voy.
Baudouin V, comte de Hainaut.) Il devint père, l’an 1186,
contre son attente, d’une fille, que sa seconde femme Agnès lui
donna. La naissance de cet enfant, à qui on donna le nom d’Ermansette,
ou Ermenson, changea les dispositions du père à l’égard
du comte de Hainaut, son neveu. L’an 1187, il fiança sa fille avec
Henri II, comte de Champagne, en promettant de la faire son héritière
universelle. Baudouin, par-là frustré du fruit de la donation
que son oncle lui avait faite en 1163, et qu’il avait confirmée
en 1184, en donna avis à l’empereur Frédéric, qui,
de son côté, traversa le mariage projeté, par la déclaration
qu’il fit à Toul, aux fêtes de la Pentecôte, de ne
jamais souffrir que la succession de notre comte passât entre les
mains d’un prince français. Au mois de juillet suivant, le comte
de Champagne étant venu à Namur, emmena avec lui la fille
du comte, âgée d’un an, avec promesse de l’épouser ;
et Henri, de son côté, lui fit prêter hommage par ses
vassaux, malgré la réclamation du comte de Hainaut, qui
s’était rendu sur les lieux. N’ayant pu rien gagner sur son oncle,
il fit porter ses plaintes à l’empereur, le 15 août, dans
la diète de Worms, lequel renouvela les assurances qu’il avait
données la première fois. L’année suivante, au terme
pascal, le comte de Hainaut, muni de lettres de recommandation de son
oncle, va trouver l’empereur à Seligenstadt, et obtient la même
assurance de lui et de son fils. Alors le vieux Henri, voyant le chef
de l’empire déclaré pour son neveu, fait une nouvelle transaction
avec lui, le déclare de nouveau son héritier, et, lui ayant
fait rendre hommage, lui confie le gouvernement du comté de Namur,
avec promesse de travailler à ravoir sa fille et de renoncer aux
engagements pris avec le comte de Champagne. Le comte de Hainaut vivait
à ses propres frais dans le comté de Namur, pour n’être
à charge à personne ; mais la sévérité
avec laquelle il réprimait les violences, le fit haïr des
grands, accoutumés à les exercer. Ils le noircirent auprès
du comte de Namur, et lui firent craindre qu’il ne fût entièrement
dépouillé par son neveu, s’il le souffrait plus long-tems
dans le pays. Sur cela, le soupçonneux vieillard lui ordonne de
sortir de ses états, et lui réitère cet ordre dans
une audience que le comte avait obtenue avec peine. Forcé de se
retirer pour ne pas irriter davantage son oncle, il demande d’être
déchargé du serment qu’il avait fait comme gouverneur :
ce qui lui est accordé. Etant retourné en Hainaut, il revient
bientôt après à la tête d’une armée faire
le siége de Namur. La ville est ausitôt prise et pillée
par le soldat, contre la défense du prince. Il entreprend le siége
du château, où le comte était renfermé avec
une forte garnison, qui est forcée de capituler. Le comte de Namur
n’observant pas les conditions qui venaient d’être accordées,
celui de Hainaut continue ses conquêtes et s’empare de la plupart
des places de son comté. ( Tout ceci est tiré de la chronique
de Gilbert de Mons, depuis la page 159 à 184 de l’édition
de M. le marquis du Chasteler. ) Baudouin, considérant qu’il ne
pourrait se maintenir dans la jouissance du comté de Namur, contre
le gré de l’empereur, ne pouvant l’aller trouver en personne, lui
envoie des députés à Erfort. Le comte de Champagne
y avait aussi envoyé les siens. On marchanda de part et d’autre
la faveur de l’empereur : mais les offres du comte de Hainaut, quoique
moindres, furent préférées à celles de son
rival. Ayant obtenu une trève du comte de Namur et du duc de Brabant,
il se rendit auprès de l’empereur, à Worms, trois jours
avant Noël de l’an 1188, et, pour comble de faveur, le chef de l’empire
érigea en marquisat le comté de Namur uni avec ceux de Durbui
et de la Roche ; il en donna l’investiture au comte de Hainaut :
mais il voulut que la chose fut tenue secrète. (Ibid., pag.
188-194.) Après quelques trèves mal observées, la
paix se fit au mois de juillet 1190, par l’entremise de l’archevêque
de Cologne : le comte de Hainaut resta maître des places fortes
dont il s’était emparé, avec l’assurance de succéder
à son oncle dans tout le reste après sa mort. (Ibid.
p. 207.) Ce traité ayant été présenté
à l’empereur, à Hall, en Suabe, il déclara avoir
érigé les comtés de Namur, de Durbui et de la Roche,
en marquisat. Le duc de Brabant s’oppose à cette érection,
prétendant que ces trois comtés dépendaient du duché
de Lothier. Gilbert , prévôt de Saint-Germain de Mons, chancelier
de Baudouin, et chargé de ses affaires à la cour de l’empereur,
assure avoir prouvé le contraire ; mais quoiqu’on l’en ait
cru, il est pourtant vrai qu’il avait tort. Depuis ce tems, Baudouin prit
les titres de prince de l’empire et de marquis de Namur, comme on le voit
dans une charte qu’il fit expédier, l’an 1192, en faveur de l’église
de Saint-Alban de Namur. (Miræus, Diplom. Belg., t.I, pag.
294) L’an 1193, le comte Henri maria sa fille, que le comte de Champagne
avait renvoyée, dès 1191, avec Thibaut, comte de Bar . L’an
1194, ses troupes et celles de ses alliés furent battues par son
neveu, le 1er. août, à la bataille de Neuville,
sur la Mehaigne. Le chagrin qu’il en conçut, fut si vif ,
qu’il en mourut peu de jours après, suivant le commun des historiens.
Le P. Bertholet et le P. de Marne prétendent néanmoins,
avec plus de fondement, qu’il ne finit ses jours qu’en 1196. Il avait
épousé, 1° Laurence, fille de Thierri
d’Alsace, comte de Flandre, qui avait déjà eu trois maris ;
2°. Agnès, fille de Henri, comte de Gueldre, de laquelle il fut
séparé durant quinze ans, et qu’il reprit à la sollicitation
du duc de Brabant, du comte de Flandre et de l’archevêque de Cologne.
(Ces deux époux sont enterrés à Floreffe.) Du premier
lit, il eut une fille morte avant 1163; du second sortit Ermansette, dont
on vient de parler.
MARQUIS DE NAMUR.
Philippe I, dit Le Noble.
1196. Philippe I, dit le Noble, second fils de Baudouin
V, comte de Hainaut, lui succéda au comté de Namur,
en vertu de son testament; mais avec dépendance du comte de Hainaut,
son frère, de qui il était dit, par ce même testament,
que le comté-marquisat de Namur releverait à l’avenir, ainsi
que de ses successeurs dans le Hainaut. Le comte de Bar lui fit la guerre
pour avoir aussi le comté de Namur du chef de sa femme ; mais
l’an 1197, on fit une espèce de trève qui fut convertie,
l’an 1199, le 26 non d’août, comme de Marne le dit, mais de juillet,
en un traité de paix conclu près de Didant, lequel assura
la possession du marquisat de Namur jusqu’à la Meuse, à
Philippe. (Du Mont, Corps Diplom., tom.I, part. 1, p.125.) Etant
allé peu de tems après au secours du comte de Flandre, son
frère, qui était en guerre avec la France, au sujet de l’Artois,
il tomba, près de Leuze, dans une embuscade des Français,
qui le firent prisonnier avec douze chevaliers et Hugues, élu évêque
de Cambrai, qui était de la compagnie. Le prélat, sur les
menaces du légat du pape, fut presque aussitôt remis en liberté,
suivant Roger de Hoveden. Mais Philippe ne fut délivré que
par le traité de Péronne, conclu avec le comte de Flandre
aux fêtes de Noël de la même année. Ce dernier,
l’an 1202, partant pour la croisade, où il fut élu empereur
de Constantinople, confia la tutelle de ses deux filles, à Philippe,
avec la régence de ses états. Mais le roi de France, craignant
que ces deux princesses ne s’allliassent avec ses ennemis, engagea le
marquis de Namur à les envoyer à Paris pour y être
élevées sous les yeux de la reine. Le marquis s’attira par-là
de sanglants reproches de la part des Flamands, dont le mécontentement
alla si loin, qu’ils lui ôtèrent la régence. L’an
1212, Philippe mourut le 8 octobre, suivant les chroniques de Clairmarais
et de Lobbes, et non 1213, comme dit Albéric, sans laisser de postérité
de Marie, fille du roi Philippe Auguste et d’Agnès de Méranie,
qu’il avait fiancée par contrat du mois d’août 1206, et épousée
en 1210. Les dernières circonstances de sa vie, rapportées
par Albéric de Trois-Fontaines, d’après Césaire d’Heisterbach,
auteur contemporain, sont trop remarquables et trop édifiantes
pour n’être pas mises sous les yeux de nos lecteurs. " Le
comte Philippe ,dit Albéric ( ad. ann. 1213), se sentant
atteint d’une grosse fièvre dans le château de Blaton, près
de Condé, qu’il avait enlevé au châtelain de Caudri ,
l’un des six pairs de Valenciennes, se confessa plusieurs fois à
quatre abbés en même tems, savoir, à Conrad, abbé
de Villers, Baudouin de Cambron, Nicolas de Marchiennes, et Régnier
de Saint Jean de Valenciennes, s’accusant de ses péchés
avec une humilité si profonde et une douleur si vive, qu’il faisait
verser des larmes à ses confesseurs. Il n’en demeura pas là ;
s’étant mis une corde au cou, il les pria de le traîner par
les rues, disant : J’ai vécu comme un chien, il juste qu’à
la mort je sois traité comme un chien ". (Il
n’y a pas d’apparence qu’ils aient déféré à
la ferveur du pénitent.) " En cet état, continue
Albéric, il se fit transporter dans l’hôtel du prévôt.
Mais, y étant, il connut que cet officier avait commis plusieurs
injustices et plusieurs vexations contre les peuples de Blaton. Au même
moment, il changea de domicile et préféra la maison de son
chapelain, toute chétive qu’elle était. Là, excité
par l’esprit de justice, il distribua toute sa vaisselle d’or et d’argent
aux églises et aux pauvres, sans réserver même une
seule cuiller ".
Son corps, rapporté à Namur, fut inhumé
dans l’église de Saint-Urbain. Six mois après l’avoir perdu,
Marie, sa femme, se remaria avec Henri I, duc de Brabant. Le surnom de
Noble fut donné au comte marquis Philippe, soit à
cause de sa magnificence et de sa générosité, soit
à cause de la grandeur de sa maison dont il y eut de son vivant,
deux princes, ses frères, empereurs de Constantinople.
YOLANDE ET PIERRE DE COURTENAI.
1212. Yolande, femme de Pierre de Courtenai, comte d’Auxerre,
et sœur de Philippe le Noble, se mit en possession du marquisat de Namur
après la mort de ce dernier, avec le consentement, au moins tacite,
de Henri, son autre frère, empereur de Constantinople. Elle demeura
en paisible jouissance l’espace de deux ans. Mazis, l’an 1214, Waleran,
comte de Luxembourg, ayant épousé Ermansette, fille de Henri
l’Aveugle, prétendit que ce marquisat était dévolu
à sa femme, suivant l’interprétation qu’il donnait au traité
de Dinant. Cette contestation occasiona une longue guerre, durant laquelle
Pierre partit avec sa femme au mois de janvier 1217, pour aller remplir
le trône de Constantinople. Avant son départ, Yolande se
démit du marquisat de Namur en faveur de son fils, qui suit. (Miræus ,
Diplom. Belg., tom. I, pag. 300. )
PHILIPPE II DE COURTENAI.
1216. Philippe II de Courtenai, dit à la Lèvre,
fils de Pierre de Courtenai et d’Yolande, succéda au marquisat
de Namur, en vertu de la donation que sa mère lui en avait faite.
Mais il fallut défendre cette succession contre les attaques du
comte de Luxembourg, commencées depuis deux ans. Elles en durèrent
encore quatre ans aucun succès décisif de part ni d’autre.
L’an 1220, l’archevêque de Cologne et la comtesse de Flandre, s’étant
rendus médiateurs, obtinrent un armistice, pendant lequel ils travaillèrent
à concilier les parties. Les négociations durèrent
près de deux ans, et enfin la paix fut conclue à Dinant,
le 13 mars 1223 (n.st.), sur le pied du traité signé au
même lieu l’an 1199. Philippe, depuis ce tems, resta paisible possesseur
de son marqisat. L’an 1226, ayant suivi Louis VIII dans la guerre contre
les Albigeois, il contracta au siége d’Avignon la maladie qui régnait
dans le camp, et s’étant fait transporter à Saint-Flour,
en Auvergne, il y mourut peu de tems après, sans avoir été
marié. Son corps, rapporté dans les Pays-Bas, fut inhumé
à Vaucelles, près de Cambrai. (Albéricus, ad.
an, 1226.) Une preuve du désintéressement de ce prince,
c’est que le trône de Constantinople lui ayant été
offert, l’an 1217, après la mort de son père, il le refusa,
et le céda à Robert, son frère puîné.
HENRI DE COURTENAI.
1226. Henri de Courtenai, frère de Philippe II,
fut mis en possession du marquisat de Namur après la mort de celui-ci,
n’étant pas encore majeur, par Enguerand de Couci, son tuteur.
Il ne régna qu’environ deux ans, et mourut sur la fin de 1228,
ou au commencement de l’année suivante.
MARGUERITE DE COURTENAI
1228 ou 1229. Marguerite de Courtenai, femme de Henri,
comte de Vianden, et sœur de Henri de Courtenai, se porta pour son héritière,
quoiqu’il restât à ce prince un frère vivant, Baudouin
II , empereur de Constantinople, encore mineur, sans parler d’Yolande,
reine de Hongrie, sœur aînée de Marguerite. Cependant, elle
n’éprouva aucune opposition pour lors de la part de ces plus prochains
héritiers ; mais elle eut un concurrent dans la personne de
Ferrand, comte de Flandre, qui prétendit au comté de Namur
du chef de sa femme, nièce d’Yolande, femme de Pierre de Courtenai.
C’était par conséquent vouloir opposer usurpation à
usurpation. Le comte de Flandre soutint sa prétention par la voie
des armes. Mais Philippe, comte de Boulogne, ami commun des parties, s’étant
rendu médiateur entre elles, enfin, au mois de novembre 1232, on
en vint à un accommodement. Marguerite et son époux cédèrent
à Ferrand quelques terres, qu’ils possédaient en Flandre
et en Hainaut, au moyen de quoi il renonça au marquisat de Namur.
L’an 1236, Marguerite fut inquiétée par un nouveau prétendant
mieux fondé que le premier : c’était Baudouin, son
frère, alors empereur de Constantinople. Ce prince, étant
venu en France pour solliciter du secours contre les Grecs, entreprit
de se faire restituer le marquisat de Namur et le reste de son patrimoine.
Marguerite voulut en vain le faire passer pour un imposteur qui venait
renouveler la scène, dont un autre imposteur avait, depuis quelques
années, donné le spectacle en Flandre. Baudouin, avec les
troupes que le roi saint Louis et Jeanne, comtesse de Flandre, lui fournirent,
contraignit Marguerite, après bien du sang répandu, à
lui abandonner l’héritage dont elle s’était injustement
emparée.
BAUDOUIN DE COURTENAI.
1237. Baudouin, devenu maître du marquisat de Namur,
n’y fit pas un long séjour. Obligé de retourner promptement
en Orient, il donna les ordres nécessaires pour assurer la tranquillité
du pays durant son absence, et partit. En passant à Paris, il hypothéqua
son marquisat au roi saint Louis, pour une pour une somme de cinquante
mille livres, que ce prince lui prêta. Sur la fin de 1244, étant
revenu en France, il fit un nouveau voyage à Namur, où il
trouva toutes choses sur le même pied qu’il les avait laissées.
Mais, l’an 1248, il apprit, à Constantinople, que Jean d’Avênes,
qui se portait pour comte du Hainaut, s’était fait adjuger le marquisat
de Namur par une déclaration de Guillaume, roi des Romains. Le
fondement de cette déclaration, datée du 27 avril 1248,
et rapportée par D. Martène ( Anecd. , tom. I, col.
1034), était que le marquisat de Namur étant un fief du
Hainaut, il était tombé en commise, faute par Baudouin d’en
avoir fait hommage au suzerain. Hors d’état d’aller défendre
son héritage en personne, Baudouin envoya l’impératrice
Marie, sa femme, sur les lieux. Elle vit, en passant à Rome, le
pape Innocent IV, et à Paris la reine Blanche, sa tante, lesquels
lui promirent, l’un et l’autre, leur protection. Arrivée à
Namur, elle trouva évanouies les menaces de Jean d’Avênes.
L’impératrice revient en France, où elle reste jusqu’à
la mort de la reine Blanche, arrivée le Ier . décembre
1251. Jean d’Avênes, la voyant privée de l’appui de sa tante,
renouvela ses prétentions au comté de Namur. L’an 1256,
le roi saint Louis, choisi pour arbitre de ce différent, prononce,
le 24 septembre, en faveur de l’empereur Baudouin et de sa femme. Mais
bientôt un nouvel orage s’élève à Namur contre
l’impératrice-comtesse. Des impositions qu’elle met sur ses sujets,
les irritent. Le bailli, chargé de lever ses taxes, est mis à
mort. On recherche les auteurs du crime. C’étaient les plus accrédités
de la ville. Pour se mettre à l’abri des poursuites, ils s’adressent
en secret à Henri III, comte de Luxembourg, et s’offrent de le
reconnaître pour souverain . Henri, qui avait des prétentions
à ce marquisat, arrive à petit bruit à Namur, dont
il se rend maître, la veille de Noël 1256, sans coup ferir.
Marie, n’ayant eu que le loisir de se sauver, va mendier des secours chez
ses voisins, après avoir laissé la défense de la
citadelle au brave Francon de Wesemale. L’an 1258, la comtesse de Flandre
envoie des troupes au secours de la place, sous la conduite de Baudouin
d’Avênes. Elles sont jointes par les seigneurs champenois, à
la tête desquels se trouvent les deux frères de Marie. Mais
le général s’entend avec le comte de Luxembourg. Instruite
de la trahison, l’armée auxiliaire se débande, et la citadelle,
manquant de tout, est obligée de se rendre le 22 janvier 1259.
Henri, maître de la capitale, soumet, en peu de tems, le reste de
la province. Alors Marie, privée de toutes ressources prend le
parti de vendre ses droits à Gui de Dampierre, fils aîné
du second lit de Marguerite, comtesse de Flandre. Cette vente ne fut néanmoins
consommée qu’en 1263, et l’empereur Baudouin la ratifia. (Voyez
Baudouin II, empereur de Constantinople.)
GUI DE DAMPIERRE.
1263. Gui de Dampierre , associé au gouvernement
de la Flandre par Marguerite, sa mère fut obligé de prendre
les armes pour faire valoir les droits que Marie lui avait cédés
sur le marquisat de Namur. Il poussa d’abord vivement le comte de Luxembourg,
son rival. Mais voyant le comte du Hainaut disposé à secourir
ce dernier, il prit le parti d’entrer en accommodement. Ayant demandé
en mariage Isabelle, fille du comte de Luxembourg, avec le marquisat contesté
pour sa dot, il l’obtint, et la paix fut ainsi conclue au mois de mars
de l’an 1265 (n.st.) Gui, l’an 1270 accompagna saint Louis, avec une troupe
choisie de sa noblesse, dans son expédition d’Afrique. Il succéda,
l’an 1280, à sa mère, dans le comté de Flandre. L’an
1297, il se démit du marquisat de Namur en faveur de son fils,
qui suit. (Voy. Gui de Dampierre, comte de Flandre.)
JEAN I.
1297. Jean I, fils aîné
de Gui de Dampierre et d’Isabelle de Luxembourg, leur succéda,
l’an 1297, dans le marquisat de Namur, en vertu de la cession qu’ils lui
en firent. Né avec un caractère ferme, il en fit sentir
les effets à ses nouveaux sujets, que son extrême jeunesse
avait enhardis à se révolter. L’an 1302, il combattit, le
13 juillet, à coté de Gui, son frère, à la
journée de Courtrai, si funeste aux Français. L’an 1304,
le 18 août, il perdit, contre le roi de France, la bataille de Mons-en-Puelle,
ou de Mons-en-Pnele, où il commandait avec Philippe, son frère.
Le furieux échec qu’il reçut en cette occasion ne le découragea
pas, moins encore les Flamands, qui, voyant Lille assiégée,
accoururent de toutes parts au secours de la place. Le roi, dit-on, voyant
une nouvelle armée de Flamands sur pied après le carnage
qu’il venait d’en faire, demanda s’il pleuvait des Flamands. On fit une
trève qui fut convertie en paix l’année suivante. L’an 1310,
le marquis Jean accompagna l’empereur Henri VII dans son expédition
d’Italie. Pendant son absence, des impôts, que la marquise, son
épouse, veut lever sur ses sujets, occasionent une révolte.
Obligée de se sauver dans la citadelle avec ses enfants, elle y
est assiégée par les rebelles. Le marquis, à son
retour, (l’an 1313) délivre sa famille avec le secours du comte
de Loss. Les mutins, après avoir demandé grâce, sont
condamnés, les uns à une forte amende, les autres au bannissement.
L’an 1318, la querelle particulière des habitants de Bouvigne,
sujets du marquis de Namur, avec ceux de Dinant, sujets de l’église
de Liége, met aux prises le marquis avec les Liégeois. La
guerre dura quatre ans, et finit, l’an 1322, par un traité de paix
dont on ignore les conditions. La même année, Louis de Créci,
comte de Flandre, cède au marquis de Namur le port de l’Ecluse,
en reconnaissance des services qu’il avait reçus de lui. (Voyez
les comtes de Flandre. ) Les Brugeois, à qui ce port est
important pour leur commerce, s’offensent de cette aliénation.
Ils vont attaquer le marquis dans l’Ecluse, dont il était venu
prendre possession, forcent la place, et font le marquis prisonnier. Délivré
peu de tems après par l’adresse d’un gentilhomme qui perça
l’égoût de la prison, il va trouver le comte de Flandre à
Paris. Le roi Charles le Bel s’intéresse pour eux. On indique une
conférence à Courtrai, où le comte et le marquis
se rendent. Mais le comte s’apercevant que les députés de
Bruges ont de mauvais desseins, les fait arrêter. Les Brugeois,
à cette nouvelle, accourent au nombre de cinq à six mille
pour délivrer leurs compatriotes. Louis se prépare à
soutenir un siége dans Courtrai, et commence par mettre le feu
à un des faubourgs. Mais l’incendie s’étant communiqué
à la ville, les Brugeois, déjà malintentionnés,
en prennent occasion de se soulever. Le comte, obligé de prendre
la fuite, est arrêté à deux cent pas de la ville,
et livré aux bourgeois qui l’emmènent dans leurs prisons.
Toute la Flandre est en combustion. Les villes de Gand, d’Oudenarde, et
quelques autres déclarées pour leur maître, font marcher
leurs troupes sous la conduite du marquis de Namur, contre les rebelles
commandés par Robert de Cassel. Deux victoires, que le marquis
remporte sur eux, les obligent à demander la paix. Elle est conclue
la nuit de Noël de l’an 1326, dans la ville d’Arques, près
de Saint-Omer. L’an 1328, nouveau soulèvement des Flamands contre
leur comte. Le marquis de Namur, ayant joint ses troupes à celles
du roi de France, a part à la victoire remportée sur eux,
le 23 août, à Cassel. L’avantage qu’il en retire, est la
confirmation de la donation de l’Ecluse, et de la possession de quelques
autres terres qui lui appartiennent en Flandre. Ce fut là son dernier
exploit. Il mourut à Paris, le ier. février 1331,
âgé de soixante-quatre ans, et fut enterré, le 4 du
même mois, aux Cordeliers de cette ville. Le marquis Jean avait
épousé, 1°. vers 1307, Marguerite, petite-fille
de saint Louis, par Robert de Clermont, son père, morte sans enfants
l’an 1309 ; 2o. Marie d’Artois , fille de Philippe
d’Artois, seigneur de Conches, dont il eut sept fils et trois filles.
Quatre de ces fils lui succédèrent l’un après l’autre.
Deux autres, Robert et Louis, se rendirent célèbres par
leur valeur. Isabelle, la seconde des filles, épousa Robert, comte
palatin du Rhin ; Blanche, la troisième, fut mariée
à Magnus, roi de Suède. Le marquis Jean I fut autant regretté
de ses sujets, qu’il en avait peu aimé de son vivant. On ne rendit
justice à ses grandes qualités que lorsqu’il n’en resta
plus que le souvenir.
JEAN II.
1331. Jean II , fils aîné de Jean I , lui
succéda. Lorsque son père mourut, il était à
Paris, d’où il partit, après lui avoir rendu les derniers
devoirs, pour venir prendre possession de son marquisat. Deux ans auparavant,
il était parti pour la Bohême, laissant à Marie, sa
mère, le soin de son état. L’objet de son voyage était
de secourir le roi de Bohême, Jean de Luxembourg, dans la guerre
qu’il faisait, de concert avec les chevaliers Teutoniques, aux Lithuaniens,
encore idolâtres. Pendant son absence, le marquis, son père,
ayant donné asile au fameux Robert d’Artois, son frère,
proscrit de la France, le roi Philippe de Valois, instruit que Robert
y cabalait contre lui, engagea l’évêque de Liége à
porter la guerre dans le Namurois, pour l’obliger d’en sortir. La régente
alors n’eut rien de plus pressé que de congédier son frère.
L’an 1334, le marquis Jean, de retour de Bohême, entra dans la ligne
de l’évêque de Liége, et de plusieurs princes de la
basse Allemagne contre le duc de Brabant ; et, l’année suivante,
il prit encore parti contre ce dernier, dans la guerre qu’il déclara
au comte de Flandre, par rapport à la seigneurie de Malines. L’an
1335, le marquis Jean termina ses jours, le 2 avril, sans avoir été
marié . Il laissa un fils naturel, nommé Philippe,
qui fut tué, l’an 1380, en défendant Dendemonde pour le
comte de Flandre, contre ses sujets révoltés. (De Marne.)
GUI II.
1335. Gui II , frère du marquis Jean II et son
successeur, partit, peu de tems après son inauguration, pour l'Angleterre,
et accompagna le roi Edouard III dans la guerre qu’il fit en Ecosse. Etant
tombé dans une embuscade des ennemis, il fut fait prisonnier, et
rendu au bout de quelques mois aux Anglais. L’an 1336, revenant de son
marquisat, il fut tué dans un tournoi, le 12 mars, par un gentilhomme
de la maison de Saint-Venant.
PHILIPPE III.
1336. Philippe III, troisième fils de Jean I ,
succéda à Gui, son frère, mort sans avoir été
marié. L’an 1337, il partit pour l’île de Chypre, accompagné
de plusieurs seigneurs de son âge. La dévotion n’était
rien moins que le motif de ce voyage. Cette troupe débauchée
commit tant d’excès à Famagouste, qu’elle y excita une sédition,
dans laquelle Philippe fut tué, au mois de septembre de la même
année, avec trente de ses parents. Il n’avait point été
marié.
GUILLAUME I.
1391. Guillaume I, dit le Riche, quatrième fils
de Jean I , devint le successeur de Philippe, son frère, à
l’âge de treize ans, sous la tutelle de Marie, sa mère, et
du comte de Lodi, son oncle. L’an 1339, par le conseil de sa mère,
il se laissa entraîner dans le parti de l’Angleterre contre la France.
Il se trouva au siége de Cambrai, que le roi Edouard III fut obligé
de lever. L’an 1342, il retira des mains du comte de Luxembourg, à
prix d’argent, la terre de Poilvache, et d’autres qui avaient été
détachées du marquisat de Namur par le traité de
Dinant. Il accompagna, l’an 1345, Guillaume II , comte de Hainaut, dans
la malheureuse guerre qu’il fit aux Frisons, et combattit à ses
côtés à la bataille de Staveren, où Guillaume
fut tué le 26 ou 27 septembre de cette année. L’an 1346,
détaché de l’Angleterre depuis la mort de Robert d’Artois,
son oncle, il alla joindre, en Picardie, l’armée du roi Philippe
de Valois, et fut enveloppé dans la déroute des Français,
à la fameuse journée de Créci. Ce monarque, l’année
suivante, voulant reconnaître les bons services de Guillaume, et
de s’attacher encore plus étroitement, lui assigna sur le Trésor
royal, pour lui et ses successeurs, par lettres du mois de décembre,
une rente perpétuelle de milles livres, au moyen de quoi Guillaume
se reconnut son homme-lige, et lui fit hommage en cette qualité.
(Rec. de Fontanieu, vol. 76.) L’an 1356, Guillaume marche au secours
de Louis de Mâle, comte de Flandre, dans la guerre que l’avouerie
de Malines avait occasionnée entre ce comte et Wenceslas, duc de
Brabant. Guillaume eut part à la victoire que Louis remporta sur
le duc de Scheut, près de Bruxelles, le 17 août de cette
année, et à la conquête de presque tout le Brabant,
qui en fut à la suite. Mais Wenceslas, ayant recouvré dans
la même campagne tout ce qu’on lui avait pris, entre à son
tour sur les terres de Namur, où il brûla plusieurs villages
et fit trembler jusqu’à la capitale. La paix se fit l’année
suivante. L’an 1380, Guillaume, voyant le comte de Flandre près
de succomber vis-à-vis de ses sujets révoltés, alla
lui-même solliciter le secours de la France, et détermina
le roi Charles VI à venir dompter les rebelles, animées
et appuyés par le roi d’Angleterre. Guillaume et son fils aîné
se distinguèrent dans cette guerre. L’an 1384, après la
mort de Louis de Mâle, Guillaume, se trouvant le chef de la maison
de Flandre, supprima dans ses armoiries la brisure ou bande de gueules
que ses prédécesseurs avaient prise comme cadets. L’an 1391,
Guillaume échangea la seigneurie de l’Ecluse avec Philippe le Hardi,
duc de Bourgogne et comte de Flandre, contre la terre de Béthune
dont il prit le nom. Il mourut le Ier. octobre de la même
année, à l’âge de soixante-huit ans. Guillaume avait
épousé, 1°. Jeanne de Hainaut, comtesse de Soissons et veuve
de Louis de Châtillon, comte de Blois, dont il n’eut point d’enfants ;
2°. L’an 1352, Catherine de Savoie, veuve d’Azzon Visconti, seigneur de
Milan, puis de Raoul III de Brienne, comte d’Eu et connétable de
France. De ce second lit, Guillaume eut deux fils, qui suivent, et Marie,
femme de Gui de Châtillon, comte de Blois. Le comte Guillaume eut
de grandes qualités mêlées à de grands défauts.
Il était brave, magnifique, équitable ; mais il aimait
passionnément les fêtes et les divertissements, jusqu’à
les aller chercher dans des pays étrangers, oubliant qu’il avait
un état à gouverner et des sujets auxquels il se devait.
Violent et emporté par caractère, il se portait, dans les
accès de sa colère, aux dernières extrémités ;
témoin Louis de Vianden, chanoine de Liége et prévôt
de Munster, qu’il fit tuer dans un de ces accès.
GUILLAUME II.
1391. Guillaume II, fils de Guillaume I , lui succéda
au marquisat de Namur à l’âge d’environ trente-huit ans.
Il était déjà célèbre par ses exploits
militaires. Mais, se voyant à la tête d’un état, il
modéra son ardeur martiale, et n’en conserva qu’une grande fermeté
à soutenir ses droits et ceux de ses sujets. Ces dispositions maintinrent
en paix le marquisat de Namur pendant dix-huit ans. L’an 1408, il fut
du nombre des princes qui se joignirent au duc de Bourgogne pour secourir
Jean de Bavière, évêque de Liége, chassé
de son siége par ses diocésains. Il fit merveille le 23
septembre de cette année à la bataille d’Othei, où
les rebelles furent entièrement défaits. Ce fut la seule
guerre où il eut part durant son règne. Il passa le reste
de ses jours dans le repos et les divertissements, où il étala
une magnificence qui fut onéreuse à ses sujets par les impôts
qu’il leva sur eux pour la soutenir. Sa mort arriva le 10 février
1418. Il avait épousé, 1°. Marie, ou Marguerite, fille de
Robert, duc de Bar, dont il n’eut point d’enfants ; 2°. Jeanne, fille
de Jean VI, comte d’Harcourt, morte en 1455, qui ne lui donna qu’une fille,
morte en bas âge.
JEAN III.
1418. Jean III, dit Thierri, seigneur de Winendale, succéda
à Guillaume, son frère, dans le marquisat de Namur. A son
avènement, il trouva l’état obéré par les
dettes que le luxe de son prédécesseur avait occasionnées.
Son peu d’economie, joint à une mauvaise administration, le réduisit
bientôt à la nécessité de vendre ses états
à Philippe le Bon, duc de Bourgogne et comte de Flandre, celui
de ses voisins qui était le plus en état de faire une telle
acquisition, et avec lequel il était le plus étroitement
lié. Philippe, qui ne cherchait qu’à augmenter ses domaines,
accepta la proposition avec joie. En moins de six mois de négociations,
les deux princes s’accordèrent sur les conditions de la vente,
et, le 23 avril 1421, le contrat en fut passé moyennant cent trente
deux mille couronnes d’or, l’usufruit du marquisat réservé
à Jean-Thierri pour sa vie. Elle ne fut pas longue. Jean-Thierri
mourut le I mars 1429 ( n. st. ). Avec lui finit la maison de Flandre,
après avoir possédé le comté ou marquisat
de Namur l’espace de cent soixante-six ans. Jean-Thierri avait épousé,
n’étant que seigneur de Winendale, Jeanne d’Abcoude, dont il n’eut
point d’enfants. Il laissa de Cécile de Savoie, sa parente, un
fils naturel, nommé Philippe, seigneur de Duy, dont la postérité
subsiste encore aujourd’hui, et forme deux branches du nom de Namur, à
la tête desquelles sont le vicomte d’Elzée et le baron de
Jonqueret.
PHILIPPE LE BON.
1421. Philippe le Bon, après la consommation de
la vente du marquisat de Namur, vint sur les lieux pour en prendre possession,
et fit frapper la monnaie à son coin pour marque de sa souveraineté.
Le peu d’application de Jean-Thierri au gouvernement de l’état
lui fit regarder avec indifférence une cérémonie
qui lui donnait un maître en lui donnant un collègue si puissant.
Depuis ce moment, on ne s’adressa plus, pour ce qui concernait l’administration
du marquisat, qu’au duc de Bourgogne, qui s’y comporta en souverain jusqu’à
la mort de Jean-Thierri. ( Voyez, pour la suite, les comtes de la Flandre
de la maison de Bourgogne.)
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