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Résumés

Des armes

Par Gil Anidjar.

Le propre de l’homme, ce serait la peine de mort. Jacques Derrida cite cette étrange proposition, suggérant immédiatement de s’armer de patience — une patience infinie, éternelle, voire létale — pour en décider vraiment.

Ou bien le propre de l’homme aurait à voir avec une autre arme, une autre machine de mort, “l’instrument d’un crime contre l’humanité,” peut-être, mais interprétée “comme machine au service de la dignité de l’homme” (La peine de mort, 268).

Que penser d’une telle arme, d’une telle machine?

Et que faire de cette "connivence essentielle,” dont Genet aurait témoigné, entre "l'arme du crime et l'arme de l'exécution capitale" (58), entre les moyens de destruction? Quoi des armes, après Derrida? Ou peut-être: qui, des armes?

N’y va-t-il pas de l’homme et de son propre? À moins que ce soit d’une machine qu’il en retourne? Quelle différence — désarme?

Derrida et les politiques de l'immunité

Par Anne Gléonec.

Derrida et les politiques de l'immunité : notre propos mettra l'accent sur la problématique pluralité de ces politiques.

De fait, derrière la récurrence - notamment dans le questionnement du terrorisme - et l'apparence unitaire du schème de l'auto-immunisation, c'est la figure même de l'immun qui ne cesse de se démultiplier et de se compliquer à foison au fil de l'oeuvre de Derrida.

Une oeuvre dont elle dessine sans doute les lignes de force et la portée fondamentalement politique, mais en laquelle elle creuse aussi peut-être, et ce sera là notre hypothèse, les plus profondes hésitations.

La justice comme horizon inclôturable au péril du tournant numérique: la déconstruction algorithmique ou la dystopie d’une justice objective

Par Antoinette Rouvroy.

L’engouement contemporain pour les traitements statistiques de données de type Big Data ou données massives, et surtout pour les nouvelles possibilités d’optimisation et d’automatisation des processus décisionnels qui en découlent se traduisent par une délégation croissante de tâches de « jugement » à des systèmes automatiques, dans de nombreux secteurs d’activité et de gouvernement (assurance, « scoring » des clients en matière de crédit bancaire, détection et prévention des fraudes, marketing, gestion des ressources humaines, sécurité, prévention du terrorisme, prévention des risques de récidive et évaluation de la libéralité des personnes détenues…).

Aux yeux de ses promoteurs, ce « gouvernement algorithmique », émancipé des biais et préjugés humains et du joug de la représentation, doit conduire à d’avantage d’objectivité, de rationalité, d’impartialité, et donc, de justice  (dans une perspective qui assimile très malencontreusement une certaine objectivité machinique à la justice).

L’indifférence des algorithmes à toutes les formes instituées et leur « curiosité automatique » sans a-prioris, leur permet de « découvrir » des relations subtiles entre données disparates en quantité massive, et de « modéliser » le monde et ses habitants au départ non plus de re-présentations construites a-priori, mais de signaux numériques émanant directement, immédiatement, en temps réel, du monde lui-même et traités statistiquement de manière à produire des « profils » ou « patterns » évolutifs en « temps réel ».

Cette rationalité algorithmique - qui défait (au double sens d’une déconstruction et de l’imposition d’une défaite) toutes les catégories perceptuelles pré-existante et - à travers notamment les mécanismes d’auto-apprentissage supervisé ou non - révisent continuellement leurs propres modélisations, semble a priori tout à fait compatible si non favorable à l’idée de la déconstruction.

Mais il s’agira de montrer, dans cet exposé, que cette déconstruction automatique, au lieu de promouvoir l’idée d’une justice comme idéal inclôturable, lui est antinomique en tant qu’elle poursuit plutôt la réalisation du mythe dystopique d’une « justice objective » dans un univers numérique clôturé sur lui-même, où l’épuisement du possible neutralise les vertus suspensives, aporétiques, de l’indécidabilité.