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Que fait la déconstruction à la pensée politique contemporaine ?

Colloque international organisé les 16 et 17 décembre 2015.

Chez les penseurs et théoriciens qui s’affrontent aujourd’hui à la question politique, rares sont les références explicites à la pensée de Jacques Derrida.

Celui-ci a pourtant largement exploré, dans son œuvre tardive, des thématiques directement politiques — le droit et la force, la souveraineté, la démocratie, la justice, le cosmopolitisme — ou éthico-politiques — l’amitié, l’hospitalité, le don, le pardon.

Il a également su s’emparer de questions dont la politisation est récente — l’animalité, la maladie et la mort, les drogues, — ou qui font signe vers notre actualité — l’Europe, la mondialisation, le terrorisme.

Mais de tout ceci, rien qui semble imposer dans l’espace intellectuel une problématisation ou un « paradigme » dominant.

Nous faisons pourtant l’hypothèse que, dans la pensée politique contemporaine, l’héritage de Derrida tient une position double et, de ce fait, singulière : à la fois en retrait et cependant présent, davantage par des modalités de « mise au travail » de la pensée politique que par des concepts spécifiques, davantage à travers les schèmes de pensée mis en œuvre qu’à travers des thèses établies.

C’est à l’étude de cette présence-absence de la pensée derridienne que le colloque voudrait s’attacher, dans le double but de contribuer à une cartographie des pensées politiques contemporaines, et d’interroger à nouveaux frais l’œuvre de Derrida.

Jacques DerridaNous faisons en effet le pari que s’enquérir de ce que fait la déconstruction – dans les différents contextes de sa réception – aux pensées politiques contemporaines constitue également une façon riche et renouvelée d’éclaircir le statut du politique au cœur de la pensée derridienne.

Le partage qui structure cette pensée entre une scène du possible et une scène de l’impossible – par exemple entre une hospitalité conditionnelle et une hospitalité inconditionnelle envers n’importe qui, ou entre le calculable de la loi et l’incalculable de la justice – ne la place-t-elle pas d’abord face à une exigence proprement éthique ? Entre la scène du possible et celle de l’impossible, Derrida institue un écart irréconciliable, qui ouvre à l’expérience d’une aporie.

En quoi l’expérience d’une telle aporie est-elle productive, et porteuse d’une dimension spécifiquement politique ? Si la pensée derridienne repose sur la déconstruction constante et toujours relancée de l’idéal « au nom duquel » l’action ou la réflexion théorique sont mises en branle, quel est le noyau proprement positif qui en constituerait le foyer de sens minimal, moteur de la critique et éventuellement de l’action ?

Pour répondre à ces questions, nous nous proposons avant tout d’explorer la manière dont la déconstruction derridienne est mobilisée dans la pensée politique contemporaine (Balibar, Butler, Rancière, Spivak, Mbembe, Haraway, Preciado, Ronell, etc.) — qu’elle investisse les mêmes « lieux » philosophiques ou qu’elle déplace sa mise en œuvre sur d’autres terrains d’expérience, de luttes et de réflexion.

Si les vertus critiques de la déconstruction ont été maintes fois épinglées, le projet du colloque est d’insister davantage, à partir d’un tel ancrage, sur ce qu’elle produit, engage et ouvre. En quoi invite-t-elle à l’action, plutôt qu’à la démobilisation, à la pensée politiquement active, plutôt qu’à la réserve ?

En circulant entre la pensée de Derrida et celle de ses héritiers, nous voudrions envisager, plutôt que l'unité d'une philosophie politique, les politiques de Derrida dans leur pluralité.