Aller au contenu. | Aller à la navigation

Université
Facultés
Études et Formations
Recherche
Service à la société
International

Covid-19 et soins aux ainés : non-assistance à personnes en danger


Quel est votre regard sur la manière dont cette crise a été gérée dans les maisons de repos et les soins au domicile ?

D’abord, une précision : je n’ai pas, pendant la crise, mené d’enquête dans ces secteurs que j’ai étudiés en amont de celle-ci. Je ne peux dès lors m’appuyer ici que sur ce que la presse et les données épidémiologiques qu’elle a transmis permettent d’en dire. Sur cette base, ce qui apparaît est que, dans ces secteurs comme dans d’autres, la crise sanitaire a non seulement révélé mais aussi creusé les inégalités ! La voix des personnes en institution n’a pas pu être entendue et les mesures de protection et de soin (masques, blouses, respirateurs, …) ont été pendant les premières semaines totalement insuffisantes. Ceci est d’autant plus remarquable que l’on sait depuis le début que les personnes âgées sont particulièrement fragiles au virus, avec un risque de propagation d’autant plus élevé qu’elles vivent en collectivité.

Que s’est-il donc passé ? On a confiné l’ensemble de la population au nom de la protection des classes d’âge les plus à risque, en « oubliant » les plus fragiles d’entre elles, qui vivent en institution ou ont besoin d’aide et de soins au domicile, et les soignantes – le féminin s’impose, tant la proportion de femmes est élevée dans ces secteurs – qui en prennent soin.

L’hôpital, par les médecins spécialistes qui y dispensent des soins aigus, a pu être protégé et attirer le peu de matériel disponible ; les maisons de repos et les soins à domicile, avec leurs soignantes faiblement considérées et leurs bénéficiaires dépendant·e·s ont disparu des radars de l’action publique. Résultat : plus de 50% des décès ont eu lieu en maison de repos.

On nous a dit que la fédéralisation de ces secteurs avait contribué à ce désastre. Sans doute, mais il est frappant qu’un certain nombre de pays voisins ont connu des catastrophes du même ordre, qui révèlent la double fragilité de ces secteurs : des bénéficiaires faiblement considérés, des soignantes au bas de la hiérarchie des soins.

On a donc consenti, de par le confinement, à un immense sacrifice économique et social, pour en définitive ne protéger que très partiellement celles et ceux que l’on savait être le plus à risque. 

Et maintenant que le déconfinement progressif a commencé, y a-t-il un mieux ?

Le matériel, de test et de protection est maintenant arrivé mais la réouverture des maisons de repos se fait de façon extrêmement prudente, en voulant à tout prix – dont celui du bien-être des personnes sans lien à leur famille ? – bannir le risque de contagion. De quelle aide bénéficient ces institutions pour prendre des mesures proportionnées, qui tiennent compte de façon intégrée de la santé physique et psychique ?

Quelles sont leçons tirer de cette crise ?

On parle beaucoup aujourd’hui de refinancer les soins de santé. La chose est sûrement utile mais est formulée de façon trop générale que pour répondre à ce que je viens de souligner : la profonde fracture qui traverse le secteur des soins de santé, concentrant l’essentiel des moyens, du prestige et de la reconnaissance dans le secteur hospitalier et ses professionnel·le·s les plus qualifié·e·s, laissant l’aide et les soins requis par les personnes âgées dépendantes, au domicile ou en institution avec très peu de ressources et d’attention collectives.

Je ne crois pas à un effet miracle de l’expérience de la crise pour combler cette fracture. Seule la mobilisation de chacun·e pourra faire, peut-être, bouger les lignes.

18/05/2020

 

Retour aux experts