Liberté, égalité, fraternité…Contaminé ?
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Guilhem Cassan est chargé de cours au département d'économie de l'Université de Namur. Il est directeur de recherche au CEPREMAP, membre du CRED, d'EUDN et du groupe d'économie politique du CEPR. Il a effectué sa thèse à l'Ecole d'Economie de Paris, et un post-doc à la London School of Economics avant de rejoindre l'UNamur. Ces interets de recherche portent notamment sur les inégalités (de revenu mais également de santé), sur le rôle de l'identité dans les comportements économies et sur le rôle de la presse dans la vie politique.
Marc Sangnier est chercheur en économie à l'Université de Namur, membre du CRED en disponibilité d'Aix-Marseille Université. Ses recherche portent sur l'économie publique et l'économie politique en général et plus particulièrement sur les liens entre les hommes politiques et d'autres acteurs ainsi que sur le rôle des normes sociales. Ils sont tous les deux membres de l'Institut DeFIPP. |
En France, environ 20 millions d’électeurs se sont rendus aux urnes le dimanche 15 mars pour le premier tour des élections municipales alors l’épidémie de COVID-19 s’amorçait. Guilhem Cassan et Marc Sangnier viennent de publier une étude qui évalue la contribution de cet événement à la diffusion du virus.
Une méthodologie en deux étapes
La méthodologie utilisée combine les approches développées autour des rendements anormaux des actifs financiers et de l’évaluation des politiques publiques.
Tout d’abord, un modèle logistique standard est calibré sur les données antérieures au 15 mars pour chacun des départements de France métropolitaine. Il permet de prédire l’évolution attendue de l’épidémie en termes de nombre d’hospitalisations pour suspicion d’infection par le COVID-19 en l’absence des élections et des mesures de confinement mises en place dans les jours qui ont suivi.
Ensuite, les différences en matière de taux de participation entre départements sont utilisées pour identifier l’effet des élections sur les erreurs de prédiction issues du modèle de première étape, et l’isoler des effets potentiels des autres chocs et mesures.
Les résultats
Dans les départements dans lesquels l’épidémie était déjà à un stade avancé le jour de l’élection, les résultats suggèrent que la tenue du premier tour des élections municipales a contribué significativement au développement de l’épidémie.
À l’inverse, la situation ne s’est pas aggravée du fait des élections dans les départements où l’épidémie était alors à des niveaux plus faibles.
Les estimations suggèrent que le premier tour des élections municipales a contribué à environ 4,000 hospitalisations supplémentaires pour suspicion d’infection par le COVID-19, soit environ 15% du total des hospitalisations cumulées à la fin mars.
La méthodologie permet d’évaluer à un niveau faible le risque que la tenue du second tour des élections municipales le 28 juin déclenche une nouvelle vague importante de contaminations. Dans la majorité des départements début juin, l’épidémie se trouvait déjà à des niveaux inférieurs au seuil au-dessus duquel les effets négatifs de l’élection sont détectés.
Cette étude se distingue des études déjà existantes (1) portant sur l’impact du premier tour des élections municipales sur l’épidémie de COVID-19 en France. La méthode d’estimation permet en effet de prendre en compte la dynamique spécifique de l’épidémie dans chaque département tout en couvrant a priori l’ensemble de la population française. Elle permet en outre de proposer une quantification de l’impact du premier tour des élections municipales sur l’épidémie et de développer une évaluation qualitative des risques liés à la tenue du second tour à la fin du mois de juin.
23/06/2020
(1) Zeitoun et al. 2020 et Bertoli et al. 2020.