Marlen Haushofer
: Nous avons tué Stella (1958, Extrait)

«Je suis seule, Richard est allé chez sa mère avec les enfants pour le week-end […]. J'ai donc deux jours devant moi, deux jours pour rédiger ce que j'ai à dire. Mais depuis que cet oiseau crie dans le tilleul j'ai du mal à me concentrer. […]

D'ailleurs je n'avais pas l'intention de parler de ce malheureux oiseau, mais de Stella. Il faut que je parle d'elle avant de commencer à l'oublier. Car il faudra que je l'oublie si je veux reprendre ma vie tranquille d'autrefois. […]

Aurais-je dû, à cause de Stella, compromettre l'entente paisible de notre foyer? A vrai dire, si je l'avais fait, cela n'aurait pas tourné plus mal pour moi. Stella se venge et me prend la seule chose à laquelle mon cœur soit encore attaché. Allons donc, c'est absurde. Stella ne peut absolument pas se venger, elle, si peu armée pour la vie, comme elle doit être désarmée au-jourd'hui. C'est moi qui venge Stella et je la venge sur ma propre personne, voilà la vérité, pourquoi m'insurger, tout est très bien ainsi.»

Marlen Haushofer: Nous avons tué Stella. Roman traduit de l'allemand par Yasmin Hoffmann et Maryvonne Litaize, Arles 1986. © Claassen Verlag, Munich - © Pour la traduction française: Actes Sud, Arles.