»Pourquoi cette obscurité, toujours cette obscurité totale dans mes écrits ? L'explication en est simple. Dans mes écrits, tout est artificiel, c'est-à-dire que tous les personnages, les faits, les incidents se jouent sur la scène et la scène est totalement plongée dans les ténèbres. Les personnages qui paraissent sur l'espace carré de la scène, sont mieux reconnaissables dans leurs contours que sous un éclairage normal, comme c'est le cas dans la prose ordinaire. Dans l'obscurité, tout devient clair. Pas seulement les apparitions, […] non la langue aussi. Il faut imaginer les pages totalement noires : le mot s'éclaire. De là sa netteté ou sa netteté redoublée. […]

Lorsque l'on ouvre un de mes livres, il en va toujours ainsi : il faut imaginer qu'on est au théâtre, avec la première page on lève le rideau, le titre apparaît, obscurité complète - et lentement, de ce fond, de cette obscurité, surgissent les mots […].«

 

 

Thomas Bernhard : Trois jours [1971]. Dans : Ténèbres. Textes, discours, entretien suivis d'un dossier 'A la rencontre de Thomas Bernhard'. Paris: Nadeau 1986.