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Projet en cours du professeur Anke Bosse

 

La dépersonnalisation dans le théâtre, le discours théâ­tral et les oeuvres dramatiques du modernisme et des avant-gardes en Europe

Le projet part du fait suivant : le théâtre rethéâtralisé du modernisme et des avant-gardes tenta d’intégrer, de soumettre même tous ses matériaux à l’achèvement d’une œuvre d’art purement théâtrale. Et son matériel le plus ancien, c’était l’acteur. Vu l’importance croissante du langage corporel dans la rethéâtrali­sation, l’acteur y jouerait un rôle majeur ; mais d’un autre côté, le corps humain de l’acteur posait un problème fondamental. Lequel ?

Si le corps humain n’est jamais pure nature, mais toujours aussi marqué et codé par de multiples inscriptions culturelles, sociales etc., celui de l’acteur s’en trouve encore dédoublé : car il est à la fois le corps phénomé­nal et individuel de l’acteur X, mais aussi le corps sémantique de son personnage. Dans un théâtre aussi total que celui de la rethéatralisation, rien n’importait plus que ce corps sémantique, porteur de mes­sages et de signes propres à cette œuvre d’art. Le corps phénoménal et individuel de l’acteur X, un corps accidentel, y constituait un élément gra­vement dérangeant. Par conséquent il fallait le dépersonnaliser au profit du corps sémantique, et même le bannir de la scène et le remplacer par un signe pur, la « figure d’art » (selon une expression poignante d’Oskar Schlemmer).

 

Corpus, terminologie

Grâce au théâtre du modernisme et des avant-gardes, de multiples formes de dépersonnalisation sillonnaient toute l’Europe. Nous les retrouvons non seulement dans des textes dramatiques, mais aussi dans des textes théo­riques qui traitent du théâtre rethéâtralisé. D’où la décision de traiter, dans le cadre du présent projet, les différents « textes » appartenant au discours théâtral du modernisme et des avant-gardes. Comme la rethéâtralisation et la dépersonnalisation sont des mouvements européens, il est nécessaire de prendre plusieurs pays européens en considération, notamment l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, la France, l’Italie, la Russie, la Suisse.

Théorie

Quant au fondement théorique du projet, il emprunte aux philosophes Helmuth Plessner et Mau­rice Merleau-Ponty leurs concepts de corporalité et de perception. Ces concepts servent à expliquer systématiquement les buts de la rethéâtralisation et de la dépersonnalisation tels que la perception affectée – au sens propre du terme –, le rôle de co-artiste dont le specta­teur est in­vesti, et la revalorisation, voire la supériorité du langage corporel de l’acteur par rapport au langage parlé dans le théâtre moderne et avant-gardiste. Le troisième concept théorique qui intervient dans le présent projet, celui de théâtralité de Helmar Schramm, a le mérite de synthétiser trois modes qui reprennent précisément ces trois buts: un mode de perception (aisthesis), un mode de mouvement corporel (kinesis) et un mode de production de signes (semiosis).

Le projet se fonde en outre sur les concepts de médialité et de performativité. Ceux-ci permettent de comprendre l’acteur dans sa double fonction de matériel et de médium de l’œuvre théâtrale, ainsi que l’objectif du théâtre rethéâtralisé d’être un art purement performatif et non le médium d’un texte dramatique.

Tous ces concepts s'inscrivent dans un processus de transition d’un mouvement (« turn ») à un autre, un processus qui débute précisément au tournant du siècle (1900) : dans les études littéraires et culturelles, les perspectives méthodologiques ont dépassé la focalisation sur le texte provoquée par le « lin­guistic/semiotic turn » (structuralisme, post-structuralisme et la déconstruction) et s’orientent vers les impli­cations du « performative turn », largement induit par les écrits de Nietzsche. De ce « performative turn » résultent une définition élargie de ce que l’on nomme aujourd’hui « représentation » et un intérêt accru pour toutes les formes de performance, comme par ex. les procédés de production et de création, les interactions entre la matérialité et la médialité d'un phénomène culturel ou encore les diverses formes théâtrales. Cette extension méthodologique par delà « le texte », vers des formes multiples de performance rejoint per­tinemment l'émancipation du « texte » que la rethéâtralisation – thème du projet commun – effectue.

Publications

Ont été réalisés dans le cadre de ce projet plusieurs conférénces et plusieurs publications.